Hommage à l'esclave Marie-Josèphe-Angélique
Michaëlle Jean et le maire Tremblay émus aux larmes
Champagne, Sara
La gouverneure générale, Michaëlle Jean, était émue aux larmes. Le maire Gérald Tremblay avait les yeux rougis par l'émotion. Et la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles, Lise Thériault, a laissé de côté son discours pour parler avec son coeur.
Le récit de la mise à mort de Marie-Josèphe-Angélique, l'esclave noire déclarée coupable de l'incendie de l'Hôtel-Dieu et d'une quarantaine de maisons à Montréal, le 10 avril 1734, n'a laissé personne indifférent hier. Surtout les détails sur les tortures qui lui ont été infligées, sur la façon dont elle a été pendue rue Saint-Paul et jetée au bûcher devant une foule de Montréalais en liesse.
" Il faut se souvenir que, selon le Code noir de l'époque, les esclaves noirs étaient considérés comme des biens et meubles, c'est-à-dire comme des objets utilitaires ou, plus crûment, comme des bêtes de somme ", a dit la gouverneure générale devant une centaine de personnes réunies dans le Vieux-Montréal.
Le maire de Montréal, Gérald Tremblay, a ensuite annoncé qu'une exposition relatant l'histoire de Marie-Josèphe-Angélique sera présentée l'automne prochain au Centre d'histoire de Montréal.
" Elle était montréalaise, a rappelé le maire. Son destin tragique est resté trop longtemps ignoré. Il faut donner la chance aux générations futures de connaître cette tragédie qu'était la traite des Noirs et l'esclavage. "
Angélique était-elle coupable d'avoir mis le feu à Montréal?
Près de 272 ans plus tard, le mystère reste entier. Mais des historiens ont réussi à retrouver suffi- samment de documents originaux du procès pour lancer le chapitre La torture et la vérité: Angélique et l'incendie de Montréal sur le site www.mysterescanadiens.ca
Ce site, conçu par le département d'histoire de l'Université de Sherbrooke en collaboration avec le ministère du Patrimoine canadien, invite les internautes à se mettre dans la peau d'un détective et à revivre le procès, qui dura deux mois. On y relate notamment comment l'esclave a eu les jambes broyées sous la torture, dans sa prison de la rue Notre-Dame, avant de s'admettre sa culpabilité. Puis comment elle a été jugée coupable sur la seule déclaration, tardive et mystérieuse, d'une enfant de 5 ans.
L'historienne et codirectrice du site, Denyse Beaugrand-Champagne, aussi auteure du livre Le Procès de Marie-Josèphe-Angélique, a notamment découvert qu'Angélique n'avait pas pris la fuite avec son amant blanc, Claude Thibault, comme plusieurs l'ont faussement écrit.
En réalité, la jeune esclave était avec les autres victimes de l'incendie dans la cour de l'hôpital au moment de son arrestation. À l'époque, les accusés n'avaient pas droit aux services d'un avocat.
Illustration(s) :
Michaëlle Jean a fait une promenade dans le Vieux-Montréal hier, après la cérémonie d'hommage à l'esclave noire pendue dans les environs en 1734.