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 « Nègre je suis et nègre je resterai »

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mihou
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mihou


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10052006
Message« Nègre je suis et nègre je resterai »

Littérature francophone
« Nègre je suis et nègre je resterai »
Aimé Césaire, Albin Michel, Paris, 2005, 151 pages La pensée d'Aimé Césaire est indissociablement poétique et politique

Chamberland, Paul

Quiconque connaît bien les écrits du poète et homme politique martiniquais Aimé Césaire, aujourd'hui âgé de 92 ans, n'apprendra rien de substantiellement nouveau sur sa pensée à la lecture des entretiens qui viennent de paraître chez Albin Michel. L'intérêt que suscite l'ouvrage n'en est pas moins fort grand, et à plus d'un titre, grâce à la mise en perspective élaborée par Françoise Vergès, qui a eu l'initiative des entretiens. Professeure de sciences politiques à l'université de Londres, elle est vice-présidente du Comité pour la mémoire de l'esclavage. Indéniablement une interlocutrice privilégiée pour le poète puisque petite-fille de Raymond Vergès, ce député de La Réunion qui, avec deux autres collègues, dont Césaire, a obtenu en 1946 la «départementalisation» des quatre territoires d'outremer que sont la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et La Réunion. Dès l'enfance, Césaire aura été pour elle une figure familière.

Françoise Vergès a le grand mérite de réactualiser la pensée de Césaire au moment où, notamment en France, a lieu un débat public sur la traite négrière et l'esclavage. Elle le fait dans cette magistrale étude, modestement intitulée «postface», qui suit les entretiens. «Relire Césaire, écrit-elle dans l'introduction, à la lumière du présent donne aux débats d'aujourd'hui une histoire, une généalogie qui les fondent.» Sa lecture «postcoloniale» de Césaire met vivement en lumière la pertinence et la lucidité des vues de l'auteur du Discours sur le colonialisme (1950), qu'on croirait à tort dépassées de nos jours. On remarquera que, si les entretiens ont donné peu de place à l'oeuvre littéraire, c'était de propos délibéré: ils portent sur «des thèmes généraux, l'esclavage et la réparation, la République et la différence culturelle, la solitude du pouvoir».

Mort en 2001, Léopold Sédar Senghor aurait eu cent ans cette année. Dès son arrivée à Paris en 1932, le jeune Césaire fait la rencontre de Senghor alors que ce dernier est déjà inscrit à l'École normale supérieure, où il le rejoindra ultérieurement. L'amitié de toute une vie se scelle aussitôt. «Senghor et moi, nous discutions éperdument de l'Afrique, des Antilles, du colonialisme, des civilisations.» En 1934, sous la plume de Césaire, fait irruption le mot «négritude», promis à un durable rayonnement. «C'est le Nègre qu'il fallait chercher en nous.» Comme le montre bien la suite des entretiens, dès son apparition, la notion se démarque nettement d'une position de type «différencialiste» ou «communautariste» qui connaîtra une large diffusion au cours des dernières décennies du XXe siècle. Certes, tant pour Senghor que pour son camarade, elle engage un décisif rejet de l'«assimilation», qui était pour eux «l'aliénation, la chose la plus grave». La revendication d'identité, loin d'être pour Césaire un repli sur soi, aura toujours été l'indispensable condition à une authentique participation à une oeuvre civilisatrice intégrant les civilisations, excluant par conséquent une conception faussement universaliste de la civilisation qui, dans le contexte de la situation coloniale, impliquait un ethnocentrisme larvé.

Telle est la position qui amènera Césaire à rompre, après la Seconde Guerre mondiale, avec le Parti communiste français et à fonder en 1957 le Parti progressiste martiniquais. Césaire aura toujours soutenu que la départementalisation, qui a fait, du moins en droit, des Martiniquais des Français, n'était en aucune manière une «assimilation». Première phase d'un processus de décolonisation, elle laissait cependant inentamée la question de l'identité; elle n'en apparaissait pas moins nécessaire à l'époque compte tenu de la misère économique de la Martinique. Une jeune génération s'insurgera plus tard contre le «père», comme en témoigne la prise de position polémique d'un Raphaël Confiant. Césaire assume une inévitable ambivalence: «Pour un pays comme la Martinique, je revendique le droit à l'indépendance. Pas forcément l'indépendance.»

La « réparation »

L'un des propos les plus percutants de Césaire dans ces entretiens a trait à la question de la «réparation» découlant de la loi, votée à l'unanimité par l'Assemblée nationale en 2001, «déclarant la traite négrière et l'esclavage "crimes contre l'humanité"». Césaire fait remarquer que la réparation, parce qu'elle risque de se ramener à un vulgaire marchandage («et puis ce serait terminé»), occulterait de ce fait l'enjeu véritable qui est d'ordre moral. À ses yeux, l'esclavage est «irréparable»: «C'est fait, c'est l'histoire, je n'y peux rien.» Il importe bien davantage, selon lui, de devenir «responsables de nous-mêmes»: «sortir de la victimisation est fondamental». Quant aux Européens, ils «ont des devoirs envers nous, comme à l'égard de tous les malheureux, mais plus encore à notre égard pour des maux dont ils sont la cause».

Dans les dernières pages des entretiens, Césaire, évoquant les graves injustices du monde actuel, notamment envers les Africains, professe ce qu'il appelle un «nouvel humanisme», qui prend appui sur la Déclaration des droits de l'homme. Il invite à un «dialogue entre les civilisations», qu'il faut «établir par la politique et la culture». «Il faut que nous apprenions que chaque peuple a une civilisation, une culture, une histoire. Il faut lutter contre un droit qui instaure la sauvagerie, la guerre, l'oppression du plus faible par le plus fort. Ce qui est fondamental, c'est l'humanisme, l'homme, le respect dû à l'homme, le respect de la dignité humaine, le droit au développement de l'homme.»

Comme le montre fort bien la postface de Françoise Vergès, la pensée de Césaire, dont on peut dire qu'elle est indissociablement poétique et politique, garde toute son acuité et sa fécondité aux yeux de quiconque s'efforce d'entrevoir dans la mouvance planétaire des humanités les voies d'une refondation de l'homme. «Le sentiment qu'a l'homme de sa faiblesse et sa recherche perpétuelle de protection contre des forces qui le dépassent, en premier lieu contre des forces naturelles, c'est cela que l'on doit comprendre. Le principe d'espérance est lié à cette vision du monde.»
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