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 Liaisons dangereuses avec le monde des affaires

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mihou
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mihou


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10052006
MessageLiaisons dangereuses avec le monde des affaires

Liaisons dangereuses avec le monde des affaires



Par Christian Caubet G.
Professeur de droit à l’université de Santa Catarina, Brésil.


« Réduire la pauvreté aide à créer des marchés stables et socialement intégrés, aussi bien qu’un pouvoir d’achat qui permet la croissance. Cela aide aussi à augmenter la productivité et à diminuer les tensions sociales. Et cela contribue à rendre les forces de travail saines et plus dynamiques (1). » C’est ainsi que M. Kofi Annan, secrétaire général des Nations unies, encourage une plus grande collaboration de l’ONU avec le monde des affaires.

Bien qu’aucune compétence ne lui soit expressément attribuée en ce sens, M. Annan a, dès le début de son premier mandat, en 1997, travaillé à ce rapprochement. Le 9 février 1998, il rencontre vingt-cinq des principaux membres de la Chambre de commerce internationale (CCI), notamment des représentants de Coca-Cola, Goldman Sachs, McDonald’s. En septembre 1998, le Geneva Business Dialogue organise, sous le patronage de la CCI, un « dialogue » entre le monde des affaires et les administrations publiques nationales et internationales. M. Annan y souligne la nécessité de renforcer les liens de l’ONU avec la CCI.

Le président de la CCI, M. Helmut Maucher, membre du conseil d’administration de Nestlé et de la Table ronde des industriels européens (ERT), déclare pour sa part que l’objectif est de « rassembler les responsables des entreprises internationales et les leaders des organisations internationales, de manière à canaliser l’expérience des entrepreneurs et l’expertise vers le processus de prise de décision pour l’économie globale ». Parmi les participants : M. Yves-Thibault de Silguy (commissaire européen aux finances), M.Renato Ruggiero (directeur général de l’Organisation mondiale du commerce, OMC), des fonctionnaires de la Banque mondiale, M. Vladimir Petrovski (sous-secrétaire général de l’ONU) et M.Rubens Ricúpero (secrétaire général de la Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement, Cnuced).

Il s’agit de définir des références communes pour permettre aux pays les moins avancés (PMA) d’attirer les investissements. Six Etats (Bangladesh, Ethiopie, Madagascar, Mali, Mozambique et Ouganda) sont désignés pour entreprendre une collaboration avec British American Tobacco, British Petroleum, Cargill, Coca-Cola, DaimlerChrysler, Nestlé, Novartis, Rio Tinto, Shell, Siemens et Unilever.

On est loin des ambitions initiales formulées dans le préambule de la Charte des Nations unies : « Favoriser le progrès économique et social de tous les peuples. » Mais l’ONU s’est concentrée sur les problèmes diplomatiques et les conflits, et on a assisté à l’éclatement des institutions chargées du développement et des questions économiques.

Ainsi, le Conseil économique et social de l’ONU, dont les décisions n’ont pas de force contraignante, reflète surtout les positions de consensus des membres les plus influents de l’organisation. L’instauration de la Cnuced en 1964, de l’Organisation des Nations unies pour le développement industriel (Onudi) en 1966 et du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) en 1970, bien que reflétant un début de réflexion sur un nouvel ordre économique, n’a pas permis de définir les objectifs collectifs de développement. Et, dans les années 1980-1990, une vision libérale s’est imposée, le centre de gravité de la prise de décisions collectives en matière économique et sociale glissant peu à peu vers un ensemble réduit d’organismes indépendants de l’ONU (2) : Banque mondiale, Fonds monétaire international (FMI) et OMC. L’Assemblée générale est court-circuitée.

En janvier 1999, au Forum économique mondial de Davos, M.Annan propose aux entreprises un Pacte global (Global Compact). Les entreprises participantes doivent s’engager à respecter dix principes : protéger les droits humains, appuyer la liberté d’association des travailleurs, abolir le travail forcé et celui des enfants, éliminer la discrimination sur les lieux de travail, protéger l’environnement, combattre la corruption sous toutes ses formes, etc. En contrepartie, elles bénéficient de la coopération des agences spécialisées de l’ONU : Haut-Commissariat pour les droits humains, PNUD, Onudi, le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) – mais aussi l’Organisation internationale du travail (OIT). Le pacte, lancé le 26 juillet 2000, n’aborde pas la question de la protection des investissements.

Au mois de mars 1999, une fuite révèle le projet de Fonds global pour le développement durable, à la charge du PNUD. Le PNUD devrait garantir l’accès des entreprises participantes à 135 pays environ. Pour l’instant, le projet reste à l’étude.

Dans cette logique, les objectifs du Millénaire pour le développement (3), adoptés par les chefs d’Etat et de gouvernement de l’ONU, en juillet 2000, sont déjà hors de portée.
Christian Caubet G..

-Réformer les Nations unies, par Samantha Power
-Controverses sur l’avenir de l’ONU
-La sécurité collective, un rêve contrarié, par Olivier Corten
-Des livres et des sites
-Timor-Leste, un succès
-Une tribune pour les pays du Sud, par Hugo Ruiz-Diaz
-Dans les méandres des officines onusiennes
-Liaisons dangereuses avec le monde des affaires, par Christian Caubet G.
-Pour une organisation de la communauté mondiale, par Monique Chemillier-Gendreau
-Souveraineté des Etats et souveraineté des peuples, par Nuri Albala
-A la Société des nations...
-Maudit droit de veto ?, par Nuri Albala
-Tempérer l’ivresse de l’empire, par Rudolf El-Kareh


(1) Message à la réunion régionale du Pacte global, Jamshedpur, Inde, 8 mars 2005.

(2) Lire Stephane Hessel, « Vers un Conseil de sécurité économique et social », Le Monde diplomatique, juillet 2003.

(3) La « Déclaration du Millénaire » a été votée par l’Assemblée générale de l’ONU, le 23 septembre 2000, lors du Sommet du Millénaire.


LE MONDE DIPLOMATIQUE | septembre 2005 | Page 21
http://www.monde-diplomatique.fr/2005/09/CAUBET_G_/12769
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