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 Dieu créa la mondialisation...

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mihou
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mihou


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10052006
MessageDieu créa la mondialisation...

Dieu créa la mondialisation...

Par André Bellon
Ancien président de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale ; vient de publier Pourquoi je ne suis pas altermondialiste - Eloge de l’antimondialisation, Mille et une nuits, Paris,160 pages, 10 euros.


« Le mot hérésie… implique un choix (haereo en grec signifie choisir). L’homme peut dévier de la rectitude de la foi chrétienne de deux façons : d’un côté, parce qu’il ne veut pas adhérer au Christ ; d’un autre côté, parce qu’il ne choisit pas ce qui est vraiment transmis, mais ce que son propre esprit lui suggère. L’hérésie est une espèce d’infidélité (1). » Il y a huit siècles, saint Thomas d’Aquin définissait ainsi la recta ratio, la pensée « juste » conforme au dogme et à l’ordre existant. Il rangeait l’esprit critique et la raison humaine dans le bagage des hérétiques.

Les déclarations sur la construction européenne permettent de découvrir ses héritiers ; ils n’analysent pas, ils assènent, ils fulminent des anathèmes : ainsi, quiconque rejette le projet de « Constitution pour l’Europe » serait, pour M. Michel Rocard, « malhonnête (2) », pour M. Daniel Cohn-Bendit « organisateur de complot (3) ». Ils tentent d’empêcher ainsi toute réflexion sur le sens de l’Union européenne, en particulier sur ses relations avec la mondialisation libérale.

Lutter contre l’univers d’injustice et d’oppression qui s’appelle la globalisation doit commencer par le rejet des nouvelles vérités révélées, par la revitalisation de l’esprit critique. C’est un combat dans lequel on ne peut, comme le disait Bossuet, « s’affliger des conséquences tout en s’accommodant des causes ». Refuser le monde tel qu’il est demande avant toute chose de comprendre à quel point le concept de mondialisation est idéologique, de voir que la mondialisation n’a rien de fatal, qu’elle est le fruit de choix et d’intérêts humains.

Une idéologie, quelle qu’elle soit, se présente comme le réel ; une idéologie qui a gagné s’impose à la grande majorité des gens comme une évidence. C’est d’autant plus vrai à propos de la mondialisation que le combat contre ce concept est présenté comme archaïque et perdu d’avance. Du coup, tels les aimables « bisounours » qui, à la télévision, construisent un monde d’amour et de bonheur, on peut penser pouvoir peindre la mondialisation aux couleurs de nos illusions. La question n’est pas neuve dans l’Histoire. Les grandes constructions dogmatiques permettent toujours, dans leur phase d’émergence, des différences d’interprétation – qu’on ne qualifie alors pas encore d’hérésies –, lorsque celles-ci légitiment les concepts fondamentaux en train de s’imposer. Mais, par la suite, les enjeux de pouvoir tranchent assez vite les questions en suspens et liquident les illusions en même temps que les déviants.

La mondialisation n’est pas fatale. Ce sont ses propres thuriféraires qui l’ont baptisée mondialisation ou globalisation et l’ont imposée, notamment à gauche, en jouant de cette vieille aspiration humaine à la citoyenneté mondiale. Ce sont les journaux bien-pensants qui ont matraqué l’idée qu’elle était inévitable. Ce sont les pseudo-philosophes de la modernité qui en ont légitimé le caractère prétendument positif (4).

La mondialisation est en général présentée comme la conséquence naturelle de l’évolution technologique et de la finitude du monde. C’est oublier que, au cours de l’histoire humaine, d’autres révolutions technologiques, d’autres découvertes des bornes de notre espace n’ont pas conduit à une vision dogmatique de l’avenir. Bien au contraire, l’extraordinaire événement qu’on a appelé la Renaissance a conjugué une révolution scientifique considérable, un courant d’échanges internationaux impressionnant et l’émergence d’une philosophie de la raison, de l’esprit critique et de la liberté individuelle. Cet événement fut la conséquence d’un choc, choc toujours présent en Occident, entre la conception religieuse de l’ordre social et la philosophie gréco-romaine, le siècle des Lumières n’ayant été qu’un instant de ce choc.

Aujourd’hui, la critique de la raison humaine par des philosophies dites postmodernes, l’abandon de la volonté politique par la redécouverte de prétendues fatalités, tout se conjugue pour laisser le champ libre aux forces dominantes, notamment de l’argent et du marché ; la mondialisation néolibérale qui prétend être l’expression d’un nouvel intérêt général bien compris de l’humanité n’est en fait que le résultat des rapports de forces les plus brutaux.

Vouloir un autre monde, un autre rapport de forces sociales est donc un combat nécessaire, mais pas obligatoirement dans la perspective d’une autre mondialisation ; c’est pourquoi l’évolution sémantique qui a conduit à remplacer le terme d’antimondialiste par celui d’altermondialiste n’est pas anodine. La critique d’une globalité doit-elle déboucher sur une autre globalité, génératrice d’autres aliénations ?

Il faut donc promouvoir l’antimondialisation et ignorer les accusations infondées de « repli » ou de « frontières archaïques ». Car l’internationalisme, à l’opposé du mondialisme, même alter, est un instrument de cohésion entre nations démocratiques et demeure un outil pertinent de lutte sociale. Et le véritable archaïsme se trouve dans ces visions mondialisées qui rejettent les humains, leurs combats et leurs droits dans le « grand corps compact qui indifférencie les individus, les fusionne, en sacrifie en théorie quelques-uns pour le bien du plus grand nombre ! (5) ».

La mondialisation, en détruisant les Etats, nie les peuples en tant que corps politique souverain ; en éliminant la nation en tant que corps social, elle gomme, sans lui en substituer un autre crédible, le seul cadre pertinent dans lequel ont pu et peuvent se manifester les affrontements sociaux : la mondialisation vise à supprimer la lutte des classes.

Toute conception d’une quelconque mondialisation aboutit à souhaiter l’émergence d’une espèce de droit international sans Etat, hors sol en quelque sorte, c’est-à-dire dominateur puisque situé hors de toute prégnance sociale. Les plus déterminés défenseurs de la mondialisation sont justement, d’ailleurs, les plus farouches accusateurs de l’Etat, présenté au travers de sa seule fonction répressive, vieille ficelle idéologique destinée à dénier toute légitimité à la souveraineté populaire.

S’il est, en effet, normal d’analyser l’Etat au travers de la domination qu’il exerce, les thèses développées, par exemple, par Toni Negri et Michael Hardt (6) font l’impasse sur la réalité contradictoire que représente un peuple. En assimilant l’Etat à une simple machinerie répressive, ils le situent en dehors de toute réalité sociale. Ils ne le voient que totalitaire et nient la voie démocratique. Leur conception suivant laquelle « les concepts de nation, de peuple et de race ne sont jamais très éloignés (7) », finalement assez voisine de celle de l’extrême droite, ne représente même pas une caricature de la conception simplement démocratique de la nation. Bien pis, en éliminant la définition républicaine de la nation-corps politique, elle redéfinit le peuple à partir du droit du sang. Mais cette définition a l’avantage de ne pas gêner la mondialisation ; en retirant aux peuples tout droit politique, en limitant les cultures à leur aspect folklorique, elle impose la soumission politique à un ordre quasi immanent.

Non, l’Etat n’est pas seulement un outil de domination, c’est également un instrument d’organisation des solidarités, de redistribution des richesses, de régulation. Il doit surtout se construire comme l’expression de la souveraineté populaire, de la démocratie, qui reconnaît le citoyen comme élément de base du corps politique.

Toute vision mondialisée, en se prétendant par nature l’expression de l’intérêt de l’humanité, détruit cette légitimité, car il ne s’agira, en fait, que d’une humanité désincarnée et dépolitisée ; en remplaçant la souveraineté populaire et l’internationalisme par des organes politiques éloignés des peuples, en remplaçant les affrontements démocratiques par des vérités immanentes, elle impose ses dogmes au détriment de la raison. Les drames du XXe siècle expliquent largement un tel dérapage ; mais l’histoire reste aussi à écrire d’une gauche qui, à partir de la mort de Jean Jaurès, a oublié la volonté qu’avait ce grand humaniste de synthétiser le combat pour la liberté individuelle et les luttes pour le progrès social ; la séparation de ces deux objectifs ne pouvait mener qu’à des impasses. Ce n’est pas dans l’illusion que se construira le progrès social, mais dans l’affirmation pratique du libre-arbitre et de la liberté humaine.
André Bellon.


(1) Saint Thomas d’Aquin La Somme de théologie, les Editions du Cerf, Paris, 1998.

(2) Le Parisien, 21 septembre 2004.

(3) Le Journal du dimanche, 19 septembre 2004.

(4) Alain Minc, « La mondialisation heureuse », Le Monde, 17 août 2001.

(5) Geneviève Azam, « Libéralisme économique et communautarisme », Politis, n° 776, 20 novembre 2003.

(6) Toni Negri et Michael Hardt, Empire, Exils, coll. « Essais », 2000.

(7) Toni Negri et Michael Hardt, op. cit., p. 140.


LE MONDE DIPLOMATIQUE | novembre 2004 | Page 36
http://www.monde-diplomatique.fr/2004/11/BELLON/11694
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