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Escadrons de la mort : la Cour d’appel de Paris blanchit le couple Gbagbo»
Le Courrier d’Abidjan — Parution N° 700 du Jeudi 27 Avril 2006 — http://news.abidjan.net/presse/courrierabidjan.htm :
«Procès – Après une procédure longue de trois ans, Laurent et Simone Gbagbo ont gagné, en appel, malgré un premier verdict politisé en correctionnelle, leur procès contre
Le Monde. Qui n’a pas pu établir qu’ils étaient les commanditaires de prétendus escadrons de la mort. Et qui est allé jusqu’à produire des documents considérés comme faux au tribunal. Détails.
Cela a pris plus de trois ans, mais le président de la République de Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo et son épouse, Simone Ehivet Gbagbo, ont enfin vu leur honneur entièrement lavé dans l’affaire des «escadrons de la mort», orchestrée par les services secrets français et diffusée par le grand quotidien français du soir,
Le Monde. La Cour d’appel de Paris, par deux arrêts du 5 avril 2006, a établi de manière claire qu’en accusant le couple présidentiel ivoirien d’être à la tête de prétendus «escadrons de la mort», le quotidien
Le Monde, le site Internet lemonde.fr et le magazine
Le Monde 2, se sont rendus coupables de diffamation contre les deux plaignants. Ces supports médiatiques ont été condamnés au total à 3000 euros (environ 2 millions de F CFA) de dommages et intérêts.
Le Monde et son site Internet devront rendre publique la publication judiciaire suivante : «Par arrêt en date du 5 avril 2006, la cour d’appel de Paris, 11è chambre, a condamné Jean-Marie Colombani, directeur de la publication du journal
Le Monde et du site Internet www .lemonde.fr pour avoir publiquement diffamé Laurent et Simone Gbagbo en publiant dans les numéros datés des 8 et 20 février 2003, en ligne depuis la veille, d’une part, sous le titre «Côte d’Ivoire : enquête sur les exactions des escadrons de la mort», un article intitulé «Le rôle clé des gardes du corps du couple présidentiel», les mettant en cause, d’autre part sous le titre «Le sommet à Paris d’une France-Afrique en crise», un article intitulé «La crise ivoirienne, un condensé des caractéristiques de tout un continent» les mettant également en cause.» Le magazine
Le Monde 2 est condamné à financer la publication dans
Le Monde mais aussi dans des supports du choix du couple Gbagbo, à hauteur de 3000 euros (un peu moins de 2 millions de F CFA), ce texte : «Par arrêt en date du 5 avril 2006, la cour d’appel de Paris, 11è chambre, a condamné Jean-Marie Colombani et la société Issy Presse pour avoir publiquement diffamé Laurent et Simone Gbagbo en publiant dans
Le Monde daté du mois de février 2003 un article intitulé «Gbagbo, Simone, Dieu et le destin», les mettant en cause.»
C’est une grande victoire judiciaire pour les concernés, mais également pour la Côte d’Ivoire patriotique, salie en toute impunité depuis le 19 septembre 2002.
Tout a commencé en février 2003. Les Accords de Linas-Marcoussis et la conférence de Kléber, pilotés par la France, ont sanctifié la rébellion ivoirienne, et suscité une protestation patriotique dont l’ampleur est inédite en Afrique. Un rapport express de l’ONU évoquant de manière très vague l’existence d’«escadrons de la mort» en Côte d’Ivoire fait l’objet de fuites bien organisées dans les quotidiens
Le Monde et
La Croix. Un sommet France-Afrique, au cours duquel Jacques Chirac menacera le couple Gbagbo des foudres de la Cour pénale internationale – imitant en cela Blaise Compaoré, parrain des rébellions libérienne, sierra-léonaise et ivoirienne – se prépare activement.
Le Monde, dans une belle coordination, va plus loin que ce que l’ONU peut se permettre et multiplie les articles sur les fameux «escadrons», accuse nommément des membres de la garde rapprochée du président Gbagbo et de son épouse de les diriger, sous la haute autorité, bien entendu, de leurs patrons. C’en est trop pour le numéro un ivoirien qui organise une conférence de presse, bat en brèche ces accusations et annonce qu’il portera plainte, notamment contre
Le Monde. Il le fait dès le 18 avril 2003.
La procédure suit son cours jusqu’au premier procès, qui a lieu le 26 mai 2004, à la 17è chambre du tribunal correctionnel de Paris. Témoins à charge : Catherine Fiankan-Bokonga, journaliste de nationalité belge travaillant à Genève, spécialiste des questions relevant de l’économie et des droits de l’homme, qui a montré une interview du regretté Vieira De Mello, ancien Haut-commissaire des Nations unies pour les droits de l’homme, qui affirmait que le rapport de l’ONU ne comportait aucun nom de prétendus membres d’escadrons de la mort, et que son institution n’avait publié aucune liste, contrairement aux affirmations du
Monde ; Désiré Tagro, conseiller spécial du chef de l’Etat ivoirien chargé des questions juridiques qui s’est livré à des explications techniques visant à démonter des articles du
Monde ; Williams Attéby, député FPI de Yopougon et ancien professionnel de la défense des droits de l’homme, dénonçant un «gadget médiatique» sans consistance brandi pour accabler la Côte d’Ivoire ; et Théophile Kouamouo, rédacteur en chef du
Courrier d’Abidjan, votre journal, évoquant ses mésaventures avec
Le Monde, et les manipulations de ses articles qui avaient eu lieu au début de la crise.
Aucun témoin à décharge n’avait comparu, même si Stephen Smith avait fourni des lettres de deux Ivoiriens, Zouakagnon Fatogoma et Hamadou Coulibaly affirmant que leurs parents avaient été assassinés au cimetière de Williamsville (lors de l’enterrement au sein de la famille Gon Coulibaly).
Malgré tout, le tribunal correctionnel de Paris émet un jugement mi-figue mi-raison.
Le Monde est condamné pour diffamation contre le capitaine de gendarmerie Séka Yapo et Patrice Bahi, responsables de la sécurité de la Première Dame et de son époux… à un euro symbolique. Le couple présidentiel est débouté, soit disant parce que «les termes attaqués ne constituent pas une diffamation» et qu’«aucun fait précis n’est imputé à Laurent Gbagbo». RFI, dans son compte-rendu, oublie de dire que
Le Monde a été condamné concernant les cas Séka Yapo et Patrice Bahi, et affirme que le président ivoirien a «perdu son procès», comme si les accusations de parrainage des escadrons de la mort avaient été validées.
Le Courrier d’Abidjan, dans son édition du 10 et 11 juillet 2004, condamne un verdict politique, une condamnation du bout des lèvres et à contre-cœur. Et prédit : «
Le Monde, faiblement condamné par le tribunal correctionnel, va sans doute être plus lourdement frappé par la Cour d’appel, d’ores et déjà sollicités par les avocats du couple Gbagbo, selon des sources proches des milieux judiciaires en France, les meilleurs spécialistes du droit de la presse.» En plein dans le mille ! La Cour d’appel «infirme» les arrêts du Tribunal correctionnel et rend entièrement justice aux plaignants, au-delà de leurs employés.
La Cour d’appel de Paris, dans ses deux arrêts, donne un véritable cours de journalisme à Stephen Smith, anciennement au
Monde et à Jean-Marie Colombani, P.-D.G du groupe éditant le célèbre quotidien. A qui elle reproche de n’avoir aucune preuve de leurs accusations contre le couple présidentiel ivoirien. «Les intimés font vainement valoir, comme devant les premiers juges, qu’ils rapportent la preuve de la responsabilité du président de la Côte d’Ivoire et de son épouse, en tant que commanditaires des crimes commis par les «escadrons de la mort», en produisant, d’une part, des articles de presse et de dépêches d’agence, alors que ceux-ci ne sont pas de nature à établir la réalité des imputations diffamatoires, d’une part, des rapports, notes et témoignages, alors que ces documents ne développent que des considérations générales sur la guerre civile en Côte d’Ivoire depuis le 19 septembre 2002, et tout en mentionnant l’existence des «escadrons de la mort», n’évoquent aucun fait précis propre à déterminer le rôle personnel du couple présidentiel dans la commission de leurs exactions, sinon que de façon hypothétique».
Le Monde et Stephen Smith ont apporté à la Cour d’appel un prétendu document de l’ONU présenté comme la liste des neuf membres des «escadrons de la mort». Cette liste étrange, «portée sur une feuille blanche sans en-tête, ni date, ni signature, avec la seule mention d’une source (New-York), doit être écartée non seulement en raison de son caractère anonyme, mais également en raison du témoignage apporté par Catherine Bokonga, journaliste à qui le Haut-commissaire aux droits de l’homme a affirmé très nettement, ainsi que cela ressort de l’enregistrement de ses déclarations versé aux débats, qu’aucune liste de noms n’avait jamais été jointe au rapport qu’il avait lui-même demandé, reçu et dévoilé à la presse». Manipulation donc ! Faux document !
La Cour d’appel fait remarquer que la preuve en béton d’un journaliste accusé depuis de nombreuses années d’être un «honorable correspondant» des «Grandes oreilles» françaises, le document de travail préparé par les services de renseignement français, «qui en estiment la fiabilité à 80% seulement», n’est pas suffisante, d’autant plus que le journal n’a pas mis à contribution son correspondant sur place pour recouper sa source.
Les attestations des deux «parents» d’Amadou Gon Coulibaly «ne permettent pas pas de retenir la bonne foi de Jean-Marie Colombani du chef des accusations portées contre Laurent et Simone Gbagbo, lesquels ne sont ni mis en scène, ni mis en cause, directement ou indirectement, dans ces documents.»
L’Histoire de la Côte d’Ivoire s’écrit. Ce verdict montre en tout cas que le contradictoire propre à toutes les juridictions qui se respectent, est un bon révélateur des énormes impostures que peuvent relayer «la grande presse» et les organisations internationales, en usant de leur influence, au profit des manipulations les plus inouïes. Au service de leurs maîtres.
William Aka»