La remarquable transparence d'Industrielle Alliance
17 avril 2006
Bernard Mooney , Journal Les Affaires
C'est le printemps, et du même coup, la saison des rapports annuels. Ceux-ci sont l'occasion pour les dirigeants de communiquer avec leurs actionnaires.
Généralement, ces rapports sont tellement aseptisés et contrôlés par les services de relations publiques qu'on pourrait plutôt parler de la "saison de la poudre aux yeux".
Pourtant, le rapport annuel est un document important pour l'investisseur, et sa lecture est primordiale, si l'on tient compte de ses limites. Je reçois une kyrielle de rapports annuels, et je tente d'en lire le plus grand nombre possible.
La semaine dernière, le rapport de la société québécoise Industrielle Alliance, Assurance et services financiers (Tor., IAG, 32,79 $) s'est retrouvé sur mon bureau. Comme dans ma rubrique du 12 novembre 2005, j'avais critiqué cette entreprise, qui me semblait trop optimiste dans le dossier Norshield, la curiosité m'a poussé à prendre connaissance du discours de la direction en relation avec cette affaire.
En résumé, Industrielle Alliance a dû prendre une provision qui a réduit ses bénéfices nets de 52,1 M$ en 2005 en raison du fiasco Norshield (elle lui avait confié des fonds à gérer).
Mea culpa
Or, j'ai été agréablement surpris par l'honnêteté du président et chef de la direction, Yvon Charest. Il faut dire d'abord que la tentation est grande, très grande même, pour les dirigeants de sociétés ouvertes de tenter de camoufler leurs mauvais coups. Les années de pertes substantielles ou de reculs spectaculaires deviennent, sous la plume des présidents, des années "où nous avons relevé d'importants défis". Ces derniers ont tellement de difficulté à appeler un chat un chat !
Le président de l'Industrielle Alliance aurait bien pu centrer son message sur l'acquisition de Clarington, qui permet à la société de devenir un joueur de taille importante dans l'industrie des fonds communs.
Or, M. Charest ne se défile pas. D'entrée de jeu, il mentionne que l'année 2005 a été pleine de leçons. "Commençons par ce dernier point, la perte de sommes confiées à Norshield..." En lisant cela, j'ai écrit un gros "WOW !" à côté du paragraphe. Il est si rare qu'un président commence son message à ses actionnaires/ partenaires par une mauvaise nouvelle.
Par la suite, Yvon Charest explique clairement comment Industrielle Alliance en est venue à prendre cette provision, en commençant par le contexte entourant la décision de confier des fonds à Norshield. La lecture permet de constater comment des professionnels compétents, qui font leur travail consciencieusement, peuvent tout de même se faire avoir.
"Comme plusieurs autres investisseurs, nous avons été estomaqués d'apprendre que la presque totalité des sommes que nous lui avions confiées étaient irrécouvrables", avoue M. Charest.
Cette phrase reflète une spontanéité vraiment rafraîchissante et admirable. Il s'agit d'un modèle à suivre, et je tiens à féliciter Yvon Charest.
Cette phrase est également lourde de conséquence pour les investisseurs avisés. En effet, si des gens aussi sophistiqués sur le plan financier que les dirigeants d'une importante société d'assurance peuvent se faire avoir, imaginez ce qui peut arriver à un petit épargnant ! Voilà qui devrait plaider haut et fort en faveur de la prudence.
> UNE RUMEUR SE CONFIRME
La semaine dernière, Akzo Nobel a fait une offre visant l'acquisition (OPA) de Sico (Tor., SIC, 19,80 $). Cette société hollandaise offre 20 $ comptant par action ordinaire pour acheter la société québécoise bien connue pour sa peinture.
Pour les actionnaires récents, il s'agit d'un gain intéressant, puisque le titre de Sico se négociait à 14 $ la veille de l'offre. Par contre, pour les observateurs sur le long terme, c'est loin d'être le cas.
Regarder le lointain passé
Il faut savoir que les rumeurs selon lesquelles Sico était la cible d'une OPA datent des années 1980. Elles ressurgissaient de temps en temps. Je les ai entendues pour la première fois à l'automne de 1986, au plus fort de l'euphorie du régime épargne-actions (RÉA). Par la suite, un article dans notre édition du 22 avril 1989 titrait : "Rumeurs d'OPA sur Sico". Un gestionnaire mentionnait que, selon lui, la société valait environ 23 $ dans le contexte d'une offre.
Curieusement, c'était le prix du titre de Sico en Bourse à son sommet, atteint en 1986.
Vingt ans plus tard, la rumeur d'OPA se concrétise donc.
Comme le titre a fractionné sur la base de deux nouvelles actions contre une ancienne en 2005, l'investisseur qui aurait acheté en 1986 aurait doublé sa mise. Sur 20 ans, il s'agit d'une performance franchement médiocre.
Souvenez-vous de Sico la prochaine fois qu'on vous lancera une rumeur d'OPA !