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 Lettre de Cuba, « pays voyou » selon G.W. Bush I

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Tite Prout
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Tite Prout


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27042006
MessageLettre de Cuba, « pays voyou » selon G.W. Bush I

Lettre de Cuba, « pays voyou » selon G.W. Bush

Jacques Hébert

(ancien sénateur, journaliste, éditeur, président fondateur
de Jeunesse Canada Monde et de Katimavik)

J’ai eu le coup de foudre pour Cuba à l’occasion d’une visite-éclair à La Havane en 1947, un bon moment avant la révolution de Fidel Castro. Ah! la belle époque! Les Américains se sentaient ici comme chez eux dans cette quasi-colonie devenue leur maison de jeux et leur bordel, merveilleusement située à 90 milles de la Floride. La mafia s’occupait de tous les petits détails avec une belle efficacité : Meyer Lansky, Santo Trafficante, Lucky Luciano, etc.

En 1947, j’avais 24 ans, « tous mes cheveux, toutes mes dents », comme chantait alors Maurice Chevalier. À cet âge, bien entendu, on ne sait rien, on ne voit rien des horreurs du monde. J’étais l’innocence même : naïf, candide, un peu boy-scout, nul en tout… mais assez beau garçon! J’avais juré de revenir le plus tôt possible découvrir La Havane en profondeur, sans aucun doute la plus belle, la plus fascinante et, surtout, la plus humaine de toutes les villes de ce continent.

Occupé à parcourir le reste de la terre, je retournai à Cuba exactement 48 ans plus tard, en 1995. Vieux sénateur de 70 ans, à moitié chauve mais encore assez guilleret, j’avais réussi à convaincre plusieurs collègues de tous les partis, au Sénat et à la Chambre des communes, de l’urgence de créer un groupe d’amitié parlementaire Canada-Cuba. (Taïwan était déjà pris!) Comme il convenait, les membres m’élirent président, naturellement chargé d’organiser la première délégation de parlementaires canadiens à Cuba. (« De grâce, en février, quand il fera moins 20o par ici! »)



En 1995, donc, je reviens enfin à La Havane, cette fois à la tête d’une petite troupe un brin hétéroclite, composée de personnages hors du commun, tels l’impressionnant Herb Dhaliwal, Svend Robinson, toujours imprévisible et généreux, l’adorable sénateur conservateur Normand Grimard, et tutti quanti. Si les journaux n’étaient pas si mesquins de leur espace (sauf quand il s’agit de La Baie ou de Chrysler!), je vous raconterais des bouts de ce voyage mémorable, farci d’anecdotes fabuleuses, dont une libre discussion de deux heures avec Fidel Castro, etc.

Pas le temps. Tant pis!

Cette fois, mon coup de foudre de 1947 se transforma en une passion véritable qui ne me quitte plus, au point que, depuis la retraite, pendant le tiers de l’année, je vis modestement à La Havane (au-dessus de mes moyens et au-dessus d’un garage).
Comparaisons peu flateuses

Le lecteur habitué aux fines analyses de CNN, toujours justes et impartiales, aurait raison de se méfier des impressions d’un amant de Cuba, peut-être favorable à la révolution de Castro. Je ne suis ni communiste, ni marxiste (un rien socialiste, peut-être…), mais les miracles de la révolution cubaine ne cessent de m’émerveiller. Par exemple, le premier : au lendemain de la révolution, en un an, Castro a réussi à éliminer l’analphabétisme dans ce pays pauvre, encore davantage appauvri par ses 22,3 % d’illettrés. (À Haïti, pays voisin, 75 % de la population ne sait ni lire ni écrire. Quant au Canada, il devrait rougir de honte avec ses 22 % d’illettrés.) (1)

Castro a également éradiqué neuf maladies, toujours endémiques dans les autres pays de la région : la polio en 1962, la malaria en 1967, le tétanos néonatal en 1972, la diphtérie en 1979, la méningoencéphalite (post oreillons) en 1989, la rubéole en 1995 et la coqueluche en 1997.

Cet « état voyou » a réduit la mortalité infantile à 5,2 pour mille naissances. On se meurt de connaître le chiffre des États-Unis, pays le plus riche du monde, qui a les moyens de faire mieux. Non. À 7 morts infantiles pour mille naissances, ils se font battre par les Cubains de 1,8! Faut comprendre que leur population noire, latino-américaine, pakistanaise et autres immigrés récents n’aident guère dans ce genre de statistiques. Faut comprendre… Oublions Haïti, j’aurais l’air d’accabler ce malheureux pays que j’aime bien. Avec les États-Unis, il est le voisin le plus proche de Cuba : on est tenté de comparer…

Je cherche encore le pays démocratique, moins démocratique ou pas démocratique du tout qui accorde au bien-être de ses citoyens et de ses enfants en particulier, une priorité comparable à celle de ce petit Cuba de 11 millions d’habitants, depuis quarante-sept ans persécuté, ostracisé, boycotté par son puissant voisin du nord, et les autres pays courageux plus ou moins dominés par Washington.

Murmure dans la foule… Je crois entendre quelques discrètes protestations de certains lecteurs :
« Ho! Hé! Hi! minute papillon! Tout cela est bien joli, mais que faites-vous des droits de l’homme bafoués d’odieuse manière dans ce pays socialiste, cet « état voyou » que les Américains ont bien raison d’avoir à l’œil et où ils iront bientôt réinstaller la démocratie et les valeurs chrétiennes dès qu’ils en auront fini avec l’Afghanistan, l’Irak, l’Iran, la Corée du Nord, etc. Oh! à la Baie des Cochons, ils avaient un peu raté leur invasion, mais, la prochaine fois,
« watch out, amigos ! »


Le plan de « démocratisation »

Le plan de démocratisation de Cuba est parfaitement décrit dans une brique officielle de
458 pages (Report of the Commission of Assistance to a Free Cuba), publiée par le Département d’État le 6 mai 2004, signée par Colin Powell et approuvée (aïe! tu parles!) par le président
G.W. Bush.


(1) André Picard, “Canada’s Illiteracy Rate is enough to make you sick”, The Globe and Mail,
16 septembre 2004.
N’importe quel citoyen canadien (même journaliste!) peut se procurer ce document officiel à la Bibliothèque du Congrès à Washington, ou encore le lire sur le site Internet du Département d’État (www.state.gov). Les gens pressés et qui n’ont peur de rien se contenteront des analyses succinctes et néanmoins judicieuses de CNN.

Dans ce document à la fois sublime et officiel, les Américains dévoilent leurs plans pour l’après-Castro. (On finira bien par assassiner cet increvable qui dérange le monde!) Un vaste projet de démocratisation express de l’« état voyou » qui se prend pour un pays souverain.

Pendant quelques jours, on laissera entrer librement à Cuba les frustrés de la révolution de 1959, également connus comme la mafia cubaine de Miami, tous démocrates dans l’âme… qui ont tendance à voter en masse pour les Bush, père, fils et frère. Ça promet un joli carnage, où des gens d’une même famille vont s’entre-déchirer, se tordre le cou, s’arracher des lambeaux de plantations de tabac, des boutiques miteuses ou de belles maisons de la Quinta avenida.

Toujours selon le document officiel du Département d’État, les troupes américaines débarqueront alors pour freiner cette pagaille sanguinaire et mettre hors d’état de nuire les citoyens cubains pas d’accord avec la « démocratisation » à la Bush.

Réaliste, le document reconnaît que ça fera beaucoup de morts et, par conséquent, un grand nombre de petits orphelins. C’est prévu. Comptez sur l’immense compassion du président Bush et de ses conseillers choisis parmi l’élite morale des États-Unis : preachers illuminés délirants et autres born again frénétiques. Enfin, le document contient un chapitre capable d’arracher des larmes à Condoleezza Rice, une femme, il est vrai, trop sensible et trop tendre pour son genre de job.

Voici donc la belle idée humanitaire : l’organisation immédiate d’un large comité pour favoriser l’adoption de ces milliers de beaux petits orphelins cubains, encore tout frais, par de bonnes familles américaines, choisies parmi les gens d’église et de principes.

Quelle idée généreuse, brillante, sûrement d’inspiration divine, qui réchauffe le cœur de tout être humain digne de ce nom! Les Mères Teresa peuvent aller se rhabiller : c’est Colin Powell qui mérite le prix Nobel ou, à la rigueur, Condoleezza Rice, si nos braves et blêmes Suédois veulent absolument une Noire, et une femme par-dessus le marché!

Mais je m’égare, je fais des détours, je tergiverse, sans doute inconsciemment, pour éviter de répondre à la question directe sur les droits de l’homme à Cuba. Et pourtant, elle est très sérieuse. En ce moment, c’est sans doute ici que l’on trouve la plus grande concentration d’abus épouvantables contre les personnes humaines, dénis de justice, inénarrables atrocités, monstruosités qui nous ramènent droit au temps de la barbarie.


Une honte!

Dans un vaste camp de concentration, on a rassemblé quelque 500 prisonniers qui vivent comme des bêtes, souvent encagés, enchaînés, privés de toute protection juridique, loin des regards de la Commission des droits de l’homme, de la Croix-Rouge, du National Council of Churches, voire même de Reporters sans Frontières, vaillante ONG qui consacre ses énergies à la défense des journalistes libres emprisonnés par les régimes totalitaires.

Hein? et ça se passe à Cuba?

Hélas, oui! Dans un petit port de la province de Guantanamo, à l’extrême sud du pays… sans doute pour ne pas énerver les touristes de Varadero et de Cayo Coco!

En toute honnêteté, on doit préciser que cette parcelle de leur territoire avait été arrachée aux Cubains par les Américains en 1902, au moment où cessait l’occupation militaire de l’île par les États-Unis (pour continuer sous une autre forme). Les Américains avaient tout simplement besoin d’un port des Antilles pour entreposer le charbon mis à la disposition de sa marine de guerre et de sa flotte marchande. Un petit service entre voisins… Ben voyons! Le charbon étant passé de mode, les Américains ont trouvé une nouvelle vocation à Guantanamo. Pas de quoi fouetter un chat!

Bon! voilà une affaire de réglée! N’en parlons plus. « Aïe! me crient des Canadiens bien informés qui se tapent une demi-heure de CNN tous les jours, entre deux matchs de hockey. Pas si vite! Parlez-nous des 74 poètes et journalistes indépendants actuellement emprisonnés par le régime Castro dans des prisons de la Havane et d’ailleurs. »

Je ne nie rien, mais il y a une petite différence entre les prisonniers américains de Guantanamo et ceux de Castro : ces derniers ont tous subi un procès selon les lois du pays. Pas les autres. On a prouvé, devant les tribunaux, que ces « poètes » recevaient un salaire des agents de la CIA, tous grands amateurs de poésie comme chacun sait. Mission de ces mercenaires anticastristes : déstabiliser Cuba, saboter la révolution socialiste, et même, si possible, avec l’aide de Dieu, assassiner le Tyran.

Est-il pensable que certains de ces « poètes » soient d’honnêtes adversaires du régime socialiste actuel, comme ce serait leur droit, et rêvent de ramener leurs compatriotes égarés à la démocratie … peut-être de Batista et de Lansky? Oui, c’est pensable. Des innocents ont peut-être été injustement condamnés à Cuba, comme il arrive dans tous les pays du monde, y compris le Canada. Au moins, nos propres erreurs devraient nous interdire de juger les autres avec une arrogance à peine feutrée, comme si nous étions sans péché.

Pour ma part, je tremble encore d’indignation quand je pense à Wilbert Coffin, modeste prospecteur gaspésien accusé sans preuve, en 1953, d’avoir assassiné avec un vieux fusil trois chasseurs américains munis des armes les plus modernes, venus à Murdochville chasser nos ours. Après un procès bidon et bâclé devant le grand tribunal de Percé, on a laissé Coffin languir en prison pendant quelques années avant de le pendre à la prison de Bordeaux à Montréal, le
10 février 1956.

De l’histoire ancienne? Alors que dites-vous de l’affaire David Milgaard, condamné à la prison à vie pour meurtre en 1970 et relâché en 1992 pour cause d’innocence? Et l’affaire Donald Marshall, condamné à la prison à vie en 1971 et relâché en 1992, innocent comme avant?

A-t-on déjà oublié le crime inouï de notre premier ministre Mackenzie King qui, à la veille de la dernière guerre, avait refusé d’accueillir au Canada un navire rempli de juifs fuyant de justesse l’Allemagne nazie, en quête d’un refuge? Parti de Hambourg en juin 1939, le Saint-Louis avait été refoulé dans tous les pays où ses passagers cherchaient asile (y compris Cuba qui leur avait accordé des visas!) pour aboutir au Canada, dont la belle réputation d’accueil était le dernier espoir de ces désespérés. Il me semble que notre immense pays vide aurait pu absorber 907 juifs de plus sans mettre en péril son équilibre sociodémographique…

Non! Mackenzie King a dit non! Et les 907 retraversèrent les mers vers une Europe sur le point d’être avalée par les armées de Hitler. La plupart des réfugiés furent rattrapés par les SS et expédiés dare-dare vers les camps de concentration : la majorité d’entre eux moururent dans les très efficaces chambres à gaz de Himmler pendant que l’ineffable King, premier ministre du Canada, bavardait tranquillement avec sa maman… déjà morte et enterrée depuis 22 ans!

A-t-on oublié l’arrestation, en 1942, de 22 000 citoyens canadiens d’origine japonaise sous prétexte que nous étions en guerre contre leur pays d’origine et que ces braves gens pourraient peut-être aider Togo et sa horde de généraux sanguinaires? Allez ouste! Tous dans un camp de concentration jusqu’à la fin des hostilités! Quarante-six ans plus tard, le Canada a remis à chacun une somme de 21 000 $, accompagnée de plates excuses.

A-t-on oublié… Bah! la liste serait trop longue, trop humiliante aussi, et je dois rester sensible aux problèmes d’espace des journaux qui oseront (peut-être!) publier ce texte!

Pour conclure, au moins rappeler notre impardonnable crime collectif à l’égard des Autochtones de ce pays qui leur appartenait. À partir de 1534, on a systématiquement écrabouillé leur belle culture, leurs traditions millénaires, leurs valeurs morales qui auraient pu enrichir les nôtres.

Parce que nous sommes de petits sensibles, nous avons évité de les occire jusqu’au dernier comme d’autres colonisateurs ont su le faire avec une exemplaire fermeté. Nous avons choisi de parquer les survivants (après les avoir baptisés à tour de bras!) dans des réserves, comme on l’a fait pour les bisons en voie de disparition. On les a laissés s’abrutir d’alcool, s’étioler doucement, sans travail, sans écoles, sans espoir. Savons-nous seulement que, cette année, le taux de suicide chez les Inuits est le plus élevé au monde? Chez leurs jeunes, il est de cinq à huit fois supérieur à la moyenne canadienne. Aie! au secours! Messieurs-dames des droits de l’homme! Au secours! Un beau cas pour vous, vraiment! Au secours!

Pas de réponse. Sans doute s’occupent-ils des 74 « poètes » de Castro!

Les horribles conquistadors de l’île de Cuba ont au moins le mérite de n’avoir pas laissé traîner les choses en longueur. À leur arrivée dans le pays à partir de 1492, ils ont été bien accueillis par les quelques 200 000 Autochtones, êtres aimables et pacifiques, disposés à partager leur île de rêve avec ces Blancs avides, brutaux et mal élevés qui, sans tarder, se mirent à exploiter cette belle main-d’œuvre gratuite. On a obligé des êtres libres à travailler comme des forçats dans les mines et les champs de canne à sucre… jusqu’à ce qu’ils en crèvent. Si bien que, quarante ans plus tard, il n’en restait plus que 5 000. Merde! Et les mines? Et les plantations de café, de tabac, de canne à sucre? Rassurez-vous, bonnes gens, les conquistadors espagnols étaient sans doute des barbares, mais pas des imbéciles : depuis 1513, ils n’avaient cessé d’acheter à vil prix des esclaves noirs arrachés à leur doux pays d’Afrique par les négriers anglais, français et espagnols. Ce fut même un progrès, les esclaves noirs étant meilleurs travailleurs que les Autochtones. Plus dociles, plus résistants, ils mouraient moins vite.
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