Faut-il flusher "se vouloir"?
Roux, Paul
La locution " se vouloir " est mal perçue au Québec, notamment depuis que les auteurs du Dictionnaire québécois instantané, un ouvrage qui connaît beaucoup de succès, l'ont classée dans la liste des mots ou expressions " à flusher de (notre) vocabulaire ". L'emploi du verbe " vouloir " à la forme pronominale n'est pourtant pas incorrect au sens de " vouloir être, prétendre être " quand le sujet est un nom de personne ou de chose personnifiée.
Une fille qui se veut différente de sa mère.
Une police qui se veut proche de la population.
Une pièce qui se veut drôle mais qui ne fait rire personne.
Il arrive même que " se vouloir " ait pour sujet un nom de chose " sous lequel on découvre difficilement, par métaphore ou par métonymie, l'intervention humaine ", comme l'explique savamment Grevisse, qui ne condamne pas cette tournure mais la juge maniérée. Il ne serait donc pas fautif de dire, par exemple, une voiture qui se veut pratique, mais c'est un emploi que j'hésiterais à vous conseiller.
" Incontournable " se trouve également parmi les mots à flusher. Pourtant, ce terme est tout à fait correct au sens de " dont il faut tenir compte ". Faudrait-il dire un must pour faire plaisir à Melançon et Popovic?
Cela dit, leur ouvrage est drôle, intéressant et très bien écrit. Pour connaître les termes à la mode dans le village québécois, j'oserais dire que ce dictionnaire est un incontournable.
Découpures de journaux
Q: Faut-il dire descoupuresou desdécoupuresde journaux?
Gilles Bernier
Découpures de journaux est un barbarisme. L'expression juste est coupure de journal ou de presse. Au pluriel: coupures de journaux.
La prononciation de six et dix ?
Q: Nous entendons souvent les chroniqueurs et journalistes, lorsqu'ils parlent du chiffre 6 et du nombre 10, dire " si " et " di " plutôt que " sisse " et " disse ". Quelle est donc la bonne prononciation pour ces chiffres?
Annie Bilodeau
Il faut prononcer sis et dis.
Raisons sociales
Q: Il me semble avoir lu dernièrement que ce n'est pas parce que la graphie d'une dénomination sociale paraît sous une forme X dans les documents constitutifs d'une société que cette orthographe est coulée dans le béton par la suite. Qu'en est-il? Par exemple, si une entreprise a été enregistrée sous le nomABC Inc., a-t-on le loisir d'écrire, comme il se devrait,ABC inc.? Autre exemple: peut-on privilégier la formeGestion de placements Xau lieu deGestion de Placements Xou devons-nous nous en tenir à cette dernière malgré unPmajuscule qui n'a pas sa raison d'être?
Richard Saint-Pierre
Dans les textes courants, il n'est ni obligatoire ni même souhaitable de respecter les graphies officielles quand elles-mêmes ne respectent pas les règles typographiques. Il faut écrire, par exemple, ABC inc.
Voici d'ailleurs les principales règles qui doivent guider l'usage:
Les noms de sociétés, d'associations, de compagnies, etc., prennent une majuscule au premier mot faisant indiscutablement partie de la raison sociale. On remarquera que les mots société, association, compagnie, etc., ne font pas nécessairement partie de la raison sociale. Ce sont des noms communs qui s'écrivent avec une minuscule quand ils sont suffisamment individualisés par un nom propre ou par un équivalent.
La société Desourdy.
La plomberie Y. Beaudoin.
La brasserie Le Verseau.
Ces mêmes mots s'écrivent cependant avec une majuscule quand ils sont suivis d'un substantif ou d'un adjectif.
L'Agence du livre français.
La Compagnie républicaine de sécurité.
Quand un article et un adjectif précèdent le mot caractéristique, ils s'écrivent aussi avec une majuscule.
Le restaurant Le Grand Café.
Les abréviations ltée, inc., enr. s'écrivent avec une minuscule. Elles appartiennent à la langue administrative. Aussi leur usage est-il généralement inutile- et particulièrement laid- dans les textes courants.
Lorsqu'une raison sociale débute par les articles le ou les, ces derniers se contractent en au, aux, du ou des, selon le cas, à l'intérieur d'un texte suivi.
Nous sommes descendus au Grand Hôtel.
Petits pièges
Voici les pièges de la dernière chronique:
1. Elle a fait venir son baptistère.
2. La police a investi le repère des Hells.
- L'" acte qui constate le baptême " est un baptistaire, et non un baptistère. À noter que le p ne se prononce pas.
- Le " lieu servant de refuge à des individus dangereux " est un repaire, et non un repère. Soit dit en passant, on écrit Hells Angels et non Hell's Angels. Pourquoi? Tout simplement parce que c'est ainsi que les Hells écrivent leur nom. Et je ne tiens pas à devenir le premier chroniqueur de langue à se retrouver au fond du Saint-Laurent dans un sac de couchage. J'ai peur de l'eau et je n'aime pas le camping.
Il aurait donc fallu écrire:
1. Elle a fait venir son baptistaire.
2. La police a investi le repaire des Hells.
Voici les pièges de cette semaine. Les phrases suivantes comprennent chacune au moins une faute. Quelles sont-elles?
1. Elle a mangée une cantaloupe ce matin.
2. Il aimerait vivre en Floride à l'année longue.
Les réponses la semaine prochaine.
Paul Roux est l'auteur duLexique des difficultés du français dans les médias, aux éditions La Presse. Faites-lui parvenir vos questions, vos suggestions ou vos commentaires par courriel à amoureux@cyberpresse.ca, par la poste au 7, rue Saint-Jacques, Montréal (QC), H2Y 1K9, ou encore en écrivant directement sur la page www.cyberpresse.ca/amoureux, où vous trouverez le blogue des Amoureux du français.