Nomination et nominé (bis)
Roux, Paul
Un lecteur irrité a écrit à notre patron, Philippe Cantin: " Je remarque que vos journalistes ne savent pas encore que nomination est un anglicisme dans le sens de candidature. Il va sans dire que vos réviseurs sont tout aussi ignorants. "
" Quelles mesures prenez-vous, conclut Francis Brabant, pour assurer la qualité de la langue française? " Eh bien, cher monsieur, on commence par se renseigner.
La condamnation du terme nomination pour désigner le " fait d'être nommé dans une distribution de prix ou parmi les lauréats d'un concours " n'existe, à ma connaissance, que dans le Dictionnaire des difficultés du français au Canada, de Gérard Dagenais, un ouvrage que j'ai moi-même beaucoup fréquenté jadis et qui est aujourd'hui dépassé à bien des égards. Des ouvrages plus récents comme le Petit Robert, le Multidictionnaire et le Grand Dictionnaire terminologique entérinent cet emploi. On trouve également nomination sur le site officiel des Césars. En ce sens, nomination s'apparente à mention. On peut donc dire correctement qu'une personne ou une oeuvre a décroché, obtenu ou reçu une nomination.
Nomination est seulement critiquable dans les locutions être en nomination, mettre en nomination et mise en nomination. On doit plutôt dire qu'une personne (ou une oeuvre) a été nommée pour une récompense ou qu'elle a reçu une nomination pour un prix.
Par ailleurs, si ma mémoire est bonne, on a employé nominé une seule fois, pendant la Nuit des Césars, et c'était pour dire que le terme était incorrect. Ainsi, au lieu de dire " Les nominés sont... ", on disait " Les nommés sont... ". J'ai hâte de voir le même usage s'implanter au Québec.
Support
Je suis rédacteur technique pour une compagnie québécoise qui développe des solutions logicielles pour le monde médical. Nous utilisons fréquemment le termesupport annuelpour désigner le service de soutien que la compagnie offre à ses clients. Ce service comprend, par exemple, une assistance téléphonique, l'accès à des fichiers d'aide et des manuels de l'utilisateur.
Récemment, nous avons changé, selon les recommandations de l'OQLF, l'expressionsupport techniquepoursoutien technique. J'aimerais savoir si l'on peut se baser sur cette recommandation pour corriger l'emploi desupport annuel. À ce chapitre, leGrand Dictionnaireest muet. S'agit-il du même anglicisme? Est-ce qu'on peut le corriger parassistanceousoutien annuel?
Nicolas Gallant
Rédacteur, Soft Informatique
L'avis de l'OLF qui a amené votre société à changer support technique (calque de technical support) par soutien technique est certainement valable pour support annuel, que vous pourriez effectivement troquer contre assistance ou soutien annuel. Soit dit en passant, si vous avez déjà opté pour soutien dans le premier cas, sans doute devriez-vous choisir soutien dans le second cas également.
Dans chacun de ces contextes, support est un faux ami. Même si son emploi en ce sens est très répandu, il est possible de s'y opposer et je me réjouis de voir que des sociétés comme la vôtre le font.
Je profite de l'occasion pour rappeler qu'on donne souvent au verbe supporter un sens anglais. En français, supporter quelqu'un, c'est l'endurer, le tolérer.
Je ne peux plus le supporter, il me rend folle.
Sous l'influence de l'anglais, on donne à tort à ce verbe le sens de soutenir, aider, appuyer, accorder son soutien à, financer, subvenir aux besoins.
Le sens français et le sens anglais ne peuvent cohabiter sans risque de confusion. Quand Bernard Landry, par exemple, affirme qu'il supportait Jacques Parizeau, doit-on en conclure qu'il l'endurait ou qu'il l'appuyait?
Risque et chance
J'aimerais avoir votre opinion sur une expression qui m'agace énormément chaque fois que je l'entends à la télévision et à la radio:
Il a une chance d'attraper un virus.
Il a des chances d'avoir un accident.
Il me semble que le bon sens dicte que le motrisqueserait plus approprié.
Mamie
Quelle chance en effet d'attraper un virus, d'avoir un accident, de contracter un cancer ou de faire un infarctus! Il y a vraiment des gens qui ne connaissent pas leur bonheur!
Ici encore, il s'agit d'un emprunt sémantique à l'anglais qui engendre beaucoup de confusion. Vous avez donc pleinement raison: il ne faut pas confondre chance et risque. Un fumeur, par exemple, court plus de risques (et non de chances) de mourir d'un cancer du poumon qu'un non-fumeur.
Petits pièges
Voici les pièges de la dernière chronique:
1. L'Antartique sera de plus en plus surveillée.
2. Ces avions de combat percent la barrière du son.-
Il manquait un c à Antarctique. De plus, il s'agit d'un nom masculin, d'où une faute d'accord au participe surveillé.-
La locution barrière du son est un anglicisme. On la remplacera par mur du son.
Il aurait donc fallu écrire:
1. L'Antarctique sera de plus en plus surveillé.
2. Ces avions de combat franchissent le mur du son.
Voici les pièges de cette semaine. Les phrases suivantes comprennent chacune au moins une faute. Quelles sont-elles?
1. Cet acteur est un naturel.
2. Elle se pratique au violon tous les jours.
Les réponses la semaine prochaine.
Paul Roux est l'auteur duLexique des difficultés du français dans les médias, aux éditions La Presse. Faites-lui parvenir vos questions, vos suggestions ou vos commentaires par courriel à amoureux@cyberpresse.ca, par la poste au 7, rue Saint-Jacques, Montréal (QC), H2Y 1K9, ou encore en écrivant directement sur la page: www.cyberpresse.ca/amoureux