Le ne explétif
Roux, Paul
Q: Faut-il écrire plus de quatre contribuables sur cinq paient plus d'impôts qu'ils n'auraient dû ou qu'ils auraient dû?
Patrice Attanasio
" Lorsque le locuteur, écrit Grevisse, sent dans le contexte une idée de négation, il introduit parfois dans les propositions conjonctives un ne que l'on appelle explétif... " Par exemple, " je crains qu'il ne pleuve " signifie " je désire qu'il ne pleuve pas ". La phrase entière contient une idée négative.
Le ne de cet exemple ne correspond pas à une négation objective. Si l'on avait voulu exprimer la négation, on aurait employé ne pas. " Je crains qu'il ne pleuve pas " n'a pas du tout le même sens que " je crains qu'il ne pleuve ". Le ne explétif est un ne dubitatif.
Comme il n'est pas indispensable au sens, ce ne peut être omis. C'est presque toujours le cas dans la langue familière. Dans la langue soutenue, il est généralement employé, mais il n'est pas pour autant obligatoire.
On rencontre le ne explétif après les verbes qui expriment la crainte (craindre, avoir peur, appréhender, trembler, etc.) ou l'empêchement, après les verbes nier, disconvenir, désespérer, s'étonner ou ne pas douter, après les locutions à moins que et avant que, ainsi qu'après les locutions de crainte et de peur que.
On trouve également le ne explétif dans les subordonnées de comparaison exprimant une inégalité. La phrase sur laquelle M. Attanasio s'interroge en constitue un bon exemple.
On emploie à l'occasion le ne explétif après sans que, mais cet usage est considéré comme redondant, voire incorrect, car cette locution a déjà un sens négatif.
Je ne peux sortir sans qu'elle m'accompagne.
Le p de sculpteur et de sculpture
Q: Depuis quelque temps, je remarque qu'on prononce, à la télé, le " p " desculptureou desculpteur. Cette prononciation nouvelle est-elle justifiée?
Claude Morin, Saint-Hyacinthe
Le p ne doit se prononcer ni dans sculpteur, ni dans sculpture, ni dans sculptural. Les ouvrages de référence sont très clairs là-dessus.
Surnoms géographiques
Q: Depuis quelques années,La Pressea remplacé l'expressionVille-ReineparVille reinepour désigner Toronto. Pourquoi?
Marc Lefebvre
Il y a beaucoup de flottement dans la graphie des surnoms géographiques. Le Petit Robert, par exemple, appelle Paris la Ville lumière, mais le Grand Robert écrit plutôt la Ville Lumière.
À La Presse, non avons adopté Ville lumière pour Paris, Ville reine pour Toronto et Ville aux cent clochers pour Montréal.
La Ville reine.
Record variable
Un journaliste demande si record, employé adjectivement, s'accorde au pluriel. Il faut dire que les ouvrages de référence se contredisent à ce sujet. Le correcteur d'Antidote recommande l'invariabilité. Le Dictionnaire des difficultés de Larousse accepte le pluriel, mais trouve le singulier plus logique. En revanche, les dictionnaires Robert ainsi que le Hanse, le Girodet et le Multidictionnaire préconisent le pluriel. Je me rallie à ce choix.
Des profits records.
Consistant et cohérent
Q: On entend souvent le motconsistantdans le sens, je crois, de " cohérent ".
Il a fait une erreur, mais au moins il a été consistant avec son comportement précédent.
Est-ce une utilisation correcte?
Jean Goulet
Au sens abstrait, le mot consistant a le sens de " solide ".
Un argument consistant.
Mais cet adjectif est effectivement un anglicisme au sens de " cohérent ".
Son comportement est critiquable mais cohérent.
Son récit ne correspond pas (is not consistent with) aux faits.
Petits pièges
Voici les pièges de la semaine dernière:
1) Voici en détails le récit des événements.
2) Un autre toutou attirait l'attention: un Montagne des Pyrénées.
- La locution adverbiale en détail est invariable. Par ailleurs, la graphie événement est correcte, mais elle ne correspond pas à la prononciation. C'est pourquoi on conseille aujourd'hui la graphie évènement.
- Toutes les races de chiens s'écrivent avec une minuscule.
Il aurait donc mieux valu écrire:
1) Voici en détail le récit des évènements.
2) Un autre toutou attirait l'attention: un montagne des Pyrénées.
Les phrases suivantes comprennent au moins une erreur. Quelles sont-elles?
1) Les horaires ont été modifiés pour accommoder les parents.
2) La salle peut accommoder 500 personnes.
Les réponses dimanche prochain.
Paul Roux est l'auteur duLexique des difficultés du français dans les médias. Vous pouvez aussi le lire sur le blogue des Amoureux du français: www.cyberpresse/amoureux.ca. Courriel: paul.roux@lapresse.ca