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 Cuba n'est pas un fragment de l¹URSS oublié aux Caraïbes

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Tite Prout
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Tite Prout


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16042006
MessageCuba n'est pas un fragment de l¹URSS oublié aux Caraïbes

Analyse : Cuba n¹est pas un fragment de l¹URSS oublié aux Caraïbes (4/16/2006)


La question que je proposerai à la discussion est celle de comprendre pourquoi, 15 ans (bientôt 20 ans) après la disparition du bloc soviétique, la révolution cubaine est toujours debout et résiste toujours face à l¹impérialisme.
Cuba partage avec les autres pays d¹Amérique latine et des Caraïbes des similarités profondes, mais s¹en distingue aussi par des traits singuliers, qui ont déterminé l¹originalité de sa trajectoire historique en longue période.
Cuba fut la première grande terre outre-atlantique « découverte » en 1492 par l¹Europe, et devint, à partir de 1510-11 (date de la conquête effective de l¹île), la base stratégique de l¹expansion des conquistadores sur le continent américain, en même temps que le n¦ud maritime des convois transatlantiques dans l¹empire espagnol.
€ C¹est aussi le territoire où l¹esclavage a duré le plus longtemps au monde : deuxième colonie à l¹introduire (en 1511, après Hispaniola), avant-dernière à l¹abolir (en 1886, juste avant le Brésil). Et c¹est la colonie où les déportations d¹Africains ont été les plus massives de toute l¹Amérique hispanique : vraisemblablement un million de personnes, peut-être plus. Le point haut de la population esclave fut atteint vers 1840, avec 436 000 esclaves, pour une population cubaine totale d¹un million d¹habitants, population noire à 60 % à l¹époque. Esclavage tardif donc, et esclavage massif.
Cuba fut ‹et c¹est bien sûr lié à l¹esclavage‹ le premier producteur et exportateur mondial de sucre, dès le milieu du XIXe siècle. Et elle le restera très longtemps. Avec le sucre, Cuba sera très tôt placée, sous la forme même de la domination politique espagnole, dans la dépendance économique des États-Unis. Nous reviendrons sur ce point, crucial.
€ Il s¹agit aussi du pays où la colonisation espagnole a été la plus longue de l¹histoire : presque 400 ans, de 1492 à 1898. Et l¹issue de cette colonisation fut une douloureuse guerre d¹indépendance (1895-1898) et une série d¹occupations militaires par les Etats-Unis : 1898-1902, 1906-1912, 1917-1919. Les États-Unis y engagèrent d¹ailleurs la première guerre « impérialiste » de leur histoire, pour briser le mouvement populaire nationaliste et s¹assurer un contrôle total de l¹île.
Cuba, c¹est enfin, depuis 1959, la première, et à ce jour la seule, révolution socialiste victorieuse d¹Amérique ‹même s¹il y eut, avant elle, d¹autres révolutions populaires, tout spécialement celle d¹Haïti menée, à partir de 1791, par Toussaint Louverture, à la tête d¹armées d¹esclaves, et celle du Mexique emmenée, à partir de 1910, par Emiliano Zapata et ses armées de paysans.
La révolution cubaine doit être comprise comme le point d¹aboutissement d¹un long, difficile, douloureux processus de formation d¹une culture et d¹une identité nationales, profondément originales ; l¹aboutissement des luttes d¹un peuple multiracial qui parvint, non sans difficultés, à former un front ouvriers-paysans par la fusion des revendications anti-impérialistes et anti-capitalistes, formulant ainsi le projet socialiste cubain. Le plus difficile, pour nous, étrangers, n¹est pas de comprendre l¹histoire de Cuba, mais de comprendre que ce sont les Cubains qui ont fait la révolution cubaine, que ce sont les Cubains qui continuent par leur résistance de faire vivre leur révolution. L¹important pour nous n¹est donc pas de juger ou de condamner, mais de chercher à comprendre ‹et pour ceux d¹entre nous qui espèrent vivre un jour dans un monde meilleur, chercher à comprendre ce que l¹on peut éventuellement apprendre de cette expérience de « voie non capitaliste de développement ».
Cuba a une histoire (et une géographie), qui est liée de façon à la fois très étroite et très conflictuelle à l¹histoire (et à la géographie) des États-Unis. Et l¹hypothèse que je soumettrai à la réflexion ‹aussi étrange qu¹elle puisse paraître au premier abord‹ est que cette petite île des Caraïbes eut un rôle non négligeable, et même assez significatif, dans la marche des États-Unis vers leur hégémonie sur le système mondial, que l¹on peut tenir pour acquise en 1945, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, face à l¹autre super-puissance de l¹époque, l¹Union soviétique. Dans ce contexte, premièrement, des relations avec les États-Unis, deuxièmement, des relations avec l¹URSS, la révolution a produit, à Cuba, des acquis tout à fait importants pour son peuple, des acquis sociaux notamment, si importants que ce peuple a fait et fait encore le choix de résister aux pressions extraordinairement violentes des États-Unis ‹par la menace de guerre, par l¹embargo qui est une guerre non déclarée, par la globalisation néo-libérale‹, pour préserver les acquis de sa révolution. Et ce, par-delà la disparition de l¹URSS et du CAEM, dans lequel l¹économie cubaine était très étroitement imbriquée. La seconde hypothèse que je soumettrai au lecteur dans cet article, c¹est que le conflit qui oppose Cuba aux États-Unis, avant d¹être compris comme une confrontation Est­Ouest, doit l¹être au prisme de leurs relations bilatérales, très particulières comme on va le voir. Car c¹est la nature même de ces relations qui explique à la fois la persistance du conflit après la disparition de l¹URSS et le traitement différencié que les États-Unis appliquent à Cuba par rapport à d¹autres pays « communistes », ou « non capitalistes », comme la Chine ou le Vietnam.

La révolution cubaine a une histoire
(et une géographie), que je présenterai, fort brièvement, en dix points.

1. L¹histoire de la Cuba moderne débute avec l¹arrivée des Espagnols le 28 octobre 1492. Elle commence par un immense chaos, un choc démographique d¹une violence inouïe. Cuba, grande comme l¹Angleterre, et que Colomb prit pour le Japon (Cipangu, des récits de Marco Polo), était peuplée de sociétés amérindiennes. La plus importante était celle des Arawaks (Tainos), société divisée en classes, avec un système de caciquats, mais sans propriété privée ni État. Au total, vraisemblablement 100 000 personnes vivaient sur l¹île en 1500. En 1530, les Amérindo-cubains n¹étaient plus que 15 000 ; et seulement 1 000 à 2000 foyers en 1600. Les conquistadores s¹approprièrent les terres, avec tout ce qui s¹agrégeait à elles, au-dessous, or, cuivre, comme au-dessus, des hommes, les « Indiens », qui furent d¹abord réduis en esclavage, puis assujettis par un régime de mise au travail forcé, appelé « encomienda », pour travailler dans les mines. Des mines d¹or, des mines de cuivre. Tout commence donc là-bas par un pillage.
2. Les Espagnols créèrent à Cuba une organisation sociale nouvelle, encore féodale, mais déjà proto-capitaliste, et surtout totalement connectée aux marchés du système mondial. Les choses allaient être très différentes dans les colonies anglaises d¹Amérique du Nord, en particulier aux États-Unis, où les classes dominantes se sont imposées au sein d¹un mode de production capitaliste d¹emblée prédominant, avec un État subordonné dès l¹origine à la bourgeoisie coloniale. À Cuba, c¹est une oligarchie de grands propriétaires qui s¹est formée, très tôt, accaparant les richesses foncières et minières, mais aussi le pouvoir politique local. Ce système social de type colonial se distinguait du féodalisme européen par sa production orientée vers l¹approvisionnement du centre du système mondial (l¹Europe occidentale, via l¹Espagne) et reposant sur l¹encomienda, soit une division du travail selon un critère de race. Cela n¹empêcha pas le métissage, ferment de la « cubanité ». D¹immenses domaines se formèrent, les latifundios, pour l¹élevage extensif de bétail, pour l¹exportation du cuir surtout, pendant longtemps.
3. L¹esclavage est institué à Cuba dès la conquista, mais son essor est liée à celui de la production et de l¹exportation de sucre, plus précisément à la montée en puissance des grands propriétaires fonciers sucriers et à leur stratégie de connexion au marché mondial. Cette stratégie se matérialisa par l¹insertion de la colonie, en position dominée, mais très dynamique, dans le système mondial capitaliste, grâce à une alliance passée entre classes dominantes créoles et classes sus-dominantes du centre (espagnoles, puis surtout anglo-américaines). Ce qu¹il faut donc saisir, c¹est l¹importance pour l¹île de cette spécialisation sucrière, qui intervint entre 1750 et 1850 et allait faire de Cuba, dès le milieu du XIXe siècle, le plus gros producteur et exportateur de sucre au monde. La base de cet essor reposait sur l¹esclavage, étendu sur une échelle si large qu¹il déforma toute la structure sociale. Insistons sur ce point : l¹esclavage de plantations fut un élément constitutif du capitalisme dans sa phase d¹accumulation primitive, de transfert du surplus de la périphérie vers le centre. Et ce sucre cubain, produit par des esclaves déportés, allaient être exporté au XIXe siècle jusqu¹en RussieŠ
4. Si Cuba a été spécialisée dans la mono-exportation de sucre par ces classes dominantes, c¹est que des conditions endogènes à la colonie y existaient. Des conditions techniques, topographiques, climatiques ; des conditions socio-économiques aussi bien sûr, comme la transformation de propriétaires en sucriers, la dissolution de vieux rapports de production, la libération de forces productives. Mais également parce que des chocs exogènes imposèrent cette spécialisation. Premier choc exogène : l¹occupation militaire de La Havane par les Anglais en 1762, qui brisa le monopole commercial mercantiliste espagnol et provoqua un changement d¹échelle du système esclavagiste cubain. Deuxième choc exogène : la révolution en Haïti (1791-1804), qui élimina le grand concurrent sucrier. Et surtout, troisième choc exogène : avant cela, dès 1776, la connexion de Cuba au marché des États-Unis, proche, vaste, en plein essor. L¹indépendance des États-Unis les coupa des marchés coloniaux anglais des Caraïbes et c¹est Cuba, colonie espagnole, qui va basculer dans la dépendance économique des États-Unis ; ou plutôt dans la dépendance de leurs industriels, de leurs négociants, de leurs fermiers, de leurs armateurs, de leurs banquiersŠ et de leurs négriers. L¹île devint le principal débouché extérieur de leurs produits. Les États-Unis achetaient du sucre (brut) à Cuba pour le raffiner et le vendre sur leur côte Est ; et ils lui fournissaient en échange de quoi le produire, des moyens de production : des esclaves, des vivres, des sacs, des caissesŠ Vers 1850, presque la moitié de la population cubaine était esclave. La croissance de l¹économie cubaine n¹a donc pas grand-chose à voir avec un développement, si ce n¹est le développement de l¹esclavage. Quelques chiffres : en 1820, un tiers des exportations cubaines partaient vers les États-Unis ; en 1850, les deux tiers ; en 1875, 85% ; en 1895, 90%. Cuba était, en 1895, le deuxième marché international des États-Unis.
5. Les racines lointaines, profondes, de la révolution sont donc à rechercher aussi dans les résistances esclaves : dans les fuites de cimarrones rebelles vers les palenques (ces villages fortifiés dans les régions reculées de l¹île) et dans les révoltes collectives, qui se multiplient au XIXe siècle, et entraînent un durcissement des conditions de vie qui sont imposées aux esclaves. Il y eut des soulèvements populaires très tôt à Cuba : la première remonte à 1525, qui unit des travailleurs indiens et africains. Face à cette résistance, les grands sucriers déportèrent encore plus d¹esclaves, clandestinement quand la traite fut abolie. Ils essayèrent même d¹imiter une innovation qui avait fait la fortune des Anglais et des planteurs cotonniers des États-Unis : l¹élevage d¹esclaves, avec couplage de reproductrices et d¹étalons ; mais ça ne réussit pas aussi bien qu¹aux États-UnisŠ La situation devint si préoccupante pour les sucriers que le projet de réintroduire l¹esclavage blanc aurait même été discuté à l¹époque aux Cortes. De nombreux paysans espagnols pauvres, des péons, arrivaient. Une vague de travailleurs blancs arriva aussi à partir de 1840, amenés par les Anglais depuis leur colonie d¹Europe, l¹Irlande, pour travailler dans les chemins de fer, sous concession anglaise. Mais beaucoup d¹Irlandais s¹enfuyaient. Les capitalistes avaient besoin de bras. Alors ils déplacèrent tous ceux que trouvèrent à acheter : des Indiens mayas du Yucatan que l¹armée mexicaine avait fait prisonniers et céda aux trafiquants d¹hommes des sucriers ; des « Turcs », comme on dit, en fait Égyptiens et Syriens, vers 1860 ; puis, en masse, des Chinois, 150 000 entre 1847 et 1874, venus de Macao et de Canton, sous contrat de salariat forcé, des coolies, déportés par les anciens négriers, anglais d¹abord, après la guerre de l¹Opium contre la Chine. Ces coolies trimèrent dans les champs de cannes, aux côtés des esclaves.
* Rémy Herrera est chercheur au CNRS et enseigne à l¹Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne.


Rémy Herrera (CNRS)*

http://www.albayane.ma/Detail.asp?article_id=54013
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