France : la surenchère antisémite ou l’officialisation d’un communautarisme d’Etat
Par Serge BOUMPOUTOU
Le corps meurtri du jeune Ilan Halimi, disparu depuis le 21 janvier 2006, a été retrouvé le 13 février dernier, victime du fameux « Gang des barbares », la bande du truand Youssef Fofana, aujourd’hui incarcéré dans les prisons françaises après une brève fuite au pays (Côte d’Ivoire). Ce crime odieux, et dont les motivations crapuleuses sont pourtant les plus manifestes (demande de rançon et extorsion de fonds), a vite basculé dans une schizophrénie raciste : l’antisémitisme.
Pourtant, les déclarations initiales des magistrats et des responsables de police étaient claires : les motivations antisémites n'étaient pas avérées dans cette affaire, mettant en avant son aspect crapuleux. Mais chose étrange, au lendemain de ces déclarations, la juge d'instruction parisienne Corinne Goetzmann, chargée de cette affaire, prenait la décision, sans aucun fondement sérieux, de retenir l'hypothèse d'un crime antisémite. Et là l’affaire s’emballe. A croire que ce crime odieux n’a eu tout son sens que dès lors que la thèse antisémite a été retenue. Pardon, j’oubliais qu’en France, un crime antisémite relève de circonstances aggravantes… Personne ne sait de façon sûre si l’antisémitisme a joué un rôle déterminant dans ce crime et les nombreux précédents, notamment les affaires du RER D ou de la rue Popincourt en 2004 devraient pourtant nous inciter à la plus grande prudence.
Sortis de leurs querelles politiciennes, les politiques de Gauche comme de Droite- Président de La République, Président du Sénat et de l’Assemblée Nationale, Premier ministre, Ministres, Responsables de partis… Bref ! Le gratin politique français et la presse dans sa grande majorité ont dénoncé à l’unisson, sans aucune prudence ni retenue, ce « crime à caractère antisémite ». Avec toute la prudence que nécessite le traitement d’un sujet aussi sensible que celui de l’antisémitisme, force est de reconnaître que c’est certainement aujourd’hui le thème le plus fédérateur des centres de pouvoir ou d’influence de la République au-delà de toute appartenance partisane. Serait-ce trop s’avancer que de dire que les sphères du pouvoir ou de la presse seraient fortement noyautées, voire même influencées ou plus grave contrôlées, par un lobby de personnes qui voit l’antisémite à tout carrefour ? Des événements parfois fort similaires, et souvent aussi dramatiques, n’ayant pourtant pas eu autant l’aval des politiques et encore moins de la presse, tendent à avaliser cette thèse. Les politiques français ne réagissent pas de la même façon face aux nombreux actes racistes et cette indignation sélective est dangereuse et provocatrice. Y aurait-il en France des crimes, racistes ou pas, moins importants que d’autres ou moins dignes d’une mobilisation ?
Le corps d'un homme, salarié de PSA Peugeot Citroën de 54 ans, enlevé il y a quelques semaines à Audincourt (Doubs), séquestré et battu, a été retrouvé. Comme Illan, la victime a été séquestrée par un gang de 6 personnes opérant de façon presque identique que le « gang des barbares ». Pourtant, François Pucheus, procureur de la République de Montbéliard a vite précisé : "Il ne s'agit pas d'un gang, même si les personnes soupçonnées d'être les auteurs principaux, âgés d'une quarantaine d'années, sont connues des services de police". Il tenait ainsi à prévenir contre toute analogie avec le gang qui a enlevé Ilan Halimi.
Autre fait divers (???). Un individu armé d'un pistolet automatique a ouvert le feu sur deux autres hommes d'origine algérienne à la sortie d'un bar d'Oullins, dans la banlieue de Lyon. Bilan : un mort et un blessé. La victime, Chaib, père de famille, était âgée de 42 ans. Les enquêteurs restent prudents, bien que cela ressemble beaucoup à un crime raciste, surtout lorsqu’on apprend que le tireur aurait proféré des insultes racistes ("Barrez-vous, enculés d'Arabes".). Pour l’instant, le procureur réfute le crime raciste… En France, un Arabe ou un Noir qui se fait flinguer dans la rue, c'est encore une histoire de violence urbaine. De sorte que le racisme ordinaire de quelques beaufs, ce n’est pas vraiment du racisme. Les parents de la regrettée Fanny Lembé Ikali, 18 ans, assassiné à Tourcoing en mars 2005 n’oublient pas le crime raciste dont leur fille a été victime mais vite classé en fait divers.