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 Les écrivains et la colonie : les mensonges de l'Histoire 1

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mihou
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mihou


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15032006
MessageLes écrivains et la colonie : les mensonges de l'Histoire 1

La révolte des écrivains d’Afrique et de la diaspora face aux mensonges de l’institution coloniale
En 1921, le Prix Goncourt fut attribué pour la première fois à un écrivain noir, originaire des Antilles françaises, René Maran (1887-1960), auteur de Batouala, véritable roman nègre. Une petite révolution : c’était en effet la première fois qu’un homme noir révélait aux lecteurs français l’ambiguïté de ses états d’âme à propos de l’institution coloniale, même s’il ne la jugeait d’ailleurs pas négativement. Ce que firent un peu plus tard les écrivains fondateurs de la négritude (Damas, Senghor et Césaire) dont l’engagement politique et les écrits flamboyants allaient ébranler les assises de l’impérialisme colonial jusqu’à l’avènement des indépendances. Ce qui les réunissait, c'était la lutte contre l’image indigne, stéréotypée et dégradante du « nègre » véhiculée par le colonialisme. « Je déchirerai les rires Banania sur tous les murs de France », écrira Senghor. Le Discours sur le colonialisme d’Aimée Césaire, récemment réédité, reste toujours d’actualité dans une France encore incapable de porter un regard objectif sur son sinistre passé colonial. Avec Peaux poires, masques blancs (1952), le Martiniquais Franz Fanon (1925-1961), médecin-psychiatre de formation, sonnera l’heure de la révolte des peuples opprimés. Son ouvrage suivant, Les damnés de la terre, préfacé par J-P Sartre, (Ed. Maspéro, 1961), inspirera des générations de militants anticolonialistes.
A partir des années 50, paraissent les premiers grands romans africains francophones dans lesquels les auteurs commencent à mieux identifier les symptômes du mal qui les déchire : la colonisation des esprits. Mais comment effacer cette influence idéologique, ingérée de force dans les écoles de la République, sans renier une partie de soi, sans devenir un « bâtard culturel » ? L'Afrique que l’on évoque pompeusement dans la presse métropolitaine de l’époque n'est pas celle que les Africains ont sous les yeux. Le Camerounais Mongo Beti, dans Ville cruelle (1954), un premier roman désespéré, décrit son pays tel qu’il le voit, avec ses yeux d’Africain ulcéré par l’injustice. Les luttes sociales deviennent le cadre de nouveaux romans qui abordent de front les turpitudes de la colonisation. Les bouts de bois de Dieu (1960), d'Ousmane Sembène, dépeignent, avec un réalisme à la Zola, la grève des cheminots du Dakar-Niger, en octobre 1947.
Publié en 1956, Une vie de boy, de Ferdinand Oyono, analyse froidement, de façon presque entomologique, le clivage social, empreint de mépris et d’injustice, qui impose la domination des Blancs sur les « indigènes ». Ce livre a joué un rôle très important auprès des lecteurs africains à l’aube des indépendances.
Dans L'aventure ambiguë (1961), l’écrivain sénégalais Cheikh Hamidou Kane fait comprendre au lecteur la souffrance des Africains de cette génération. Samba, son héros, ne se sent plus ni Peul, ni Occidental : « Je suis devenu les deux. Il n'y a pas une tête lucide entre les deux termes d'un choix. Il y a une nature étrange, en détresse de ne pas être deux. » Le Malien Amadou Ampathé Bâ (1900-1991) devient alors le brillant griot de la défense des traditions ancestrales (« En Afrique, quand un vieillard meurt, c’est une bibliothèque qui brûle. ») : il met en garde les Africains contre la perte irréparable que constituerait la rupture avec le passé. Dans son récit le plus célèbre, L'étrange destin de Wangrin, qui nous plonge au cœur du colonialisme français, la perte du fétiche reliant le héros à ses ancêtres finira par causer irrémédiablement sa perte.
Le premier roman de l’Ivoirien Ahmadou Kourouma (1927-2003), Le soleil des indépendances, raconte l’histoire exemplaire de Fama, notable malinké réduit à la mendicité. Déchu des prérogatives que lui accordait la tradition, il n’a plus aucun rôle à jouer dans le monde nouveau des indépendances où règne le Parti unique.
Dans son livre sulfureux Le devoir de violence (Prix Renaudot 1969, Ed. du Seuil, 1968. Réédition au Serpent à Plumes, 2003), l’écrivain malien Yambo Ouologuem fit lui aussi scandale pour avoir renvoyé dos à dos les horreurs du colonialisme et les atrocités commises par les Africains eux-mêmes dont les notables avaient, selon lui, fait cause commune avec les conquérants occidentaux afin de se partager le gâteau sur le dos des populations qu’il nommait avec un mépris provocateur, « la négraille » :
« Et ce fut la ruée vers la négraille. Les Blancs, définissant un droit colonial international, avalisaient la théorie des zones d’influence : les droits du premier occupant étaient légitimés. Mais ces puissances colonisatrices arrivaient trop tard déjà, puisque, avec l’aristocratie notable, le colonialiste, depuis longtemps en place, n’était autre que Saïf, dont le conquérant européen faisait – tout à son insu ! – le jeu. C’était l’assistance technique, déjà ! Soit. Seigneur, que votre œuvre soit sanctifiée. Et exaltée. »
Toute une nouvelle génération d’écrivains africains choisit alors de s’engouffrer dans la brèche creusée par Yambo Ouologuem pour se réapproprier la parole trop longtemps confisquée par les Blancs. Le style est neuf, incisif, beaucoup plus virulent parfois vis-à-vis des mensonges de l’histoire officielle, distillée dans les manuels scolaires des puissances coloniales. En effet, à de rares exceptions citées plus haut (3), dans la génération précédente des premiers écrivains africains qui furent publiés en Europe, le ton était beaucoup moins virulent et la forme plus classique.
Dégrisés, désabusés, ces auteurs contemporains, à l’image du Guinéen Tierno Monenembo dans Les écailles du ciel (Grand Prix de l’Afrique noire 1986), inventent des anti-héros qui se retrouvent démunis face à un monde nouveau où ils sont, encore une fois, privés de leur identité et transformés en vulgaires mendiants, lépreux ou chômeurs, guettés par la folie et condamnés à errer lamentablement dans leur propre pays, tel Le jeune homme de sable (1979) de l’écrivain guinéen, Williams Sassine.
Les femmes font, à leur tour, entendre leurs voix : Mariama Ba, (1929-1981), à travers Une si longue lettre (1979), aborde la difficile condition sociale des femmes sénégalaises. Sa consœur, Aminata Sow-Fall, dans La grève des Battu (Grand prix littéraire d’Afrique noire 1980), met en scène la révolte des mendiants de Dakar dont le gouvernement souhaite se débarrasser en les exilant de la capitale. Avec Le Baobab Fou (1982), Ken Bugul relate, dans un style à la fois violent et subtil, toutes les injustices dont elle fut l’objet durant sa jeunesse. Riwan ou le chemin de sable, lui vaudra en 1999 le Grand prix littéraire d’Afrique noire.
Les nouveaux pouvoirs instaurés dans les « goulags tropicaux » par des bouffons sanguinaires paraissent d'autant plus intolérables que ces tyrans sont les dignes successeurs de l'ex-colonisateur. « Quoi de changé, en général comme en particulier ?, se demande Sembène Ousmane dans Xala. Rien. Le colon demeure plus fort, plus puissant, caché en nous, en nous ici présents ».

Aux yeux de certains écrivains, il ne va rester que la parabole du rire pour rendre compte des monstruosités politiques dont l’Afrique est le terrain d’expérience à l’aune de l’héritage colonial : Henri Lopes s’engage, parmi les premiers, dans cette direction pour écrire Le Pleurer-Rire (1982) avant de revenir à un style plus classiquement littéraire. Sony Labou Tansi (1947-1995), autre grand auteur congolais, deviendra le maître de ces récits drolatiques et impitoyables envers les nouveaux pouvoirs mis en place. Dans Les yeux du volcan (1988), par exemple, la révolution est constamment différée à cause des hémorroïdes du « guide providentiel ».

Le Sénégalais Boubacar Boris Diop, rédige en 1981, avec une férocité sans pareille, son premier roman Le temps de Tamango dans lequel un historien africain du XXI° siècle analyse, à travers un système de notes, ce qui s’est déroulé en Afrique après les indépendances.

Ainsi, en réponse à la tragédie que fut la colonisation, une intense créativité littéraire a déferlé sur tout le continent, comme une vague censée balayer les humiliations du passé et celles engendrées par les nouveaux régimes qui se sont succédé depuis les indépendances. La place nous manque pour évoquer tous ces écrivains qui sont en train d’acquérir une audience internationale. A titre personnel, en raison du plaisir de lecture qu’ils m’ont procuré, je citerai plus particulièrement pour l’Afrique francophone : Emmanuel Dongala, Abdourahman Waberi, Kangni Alem, Sami Tchak, Fatou Diome, Eugène Ebodé, Monique Ilboudo, Florent Kouao Zotti, Patrice Nganang, Alain Mabanckou et Ananda Devi… Leur contribution est à l’image de ce que me disait, dans un éclat de rire tonitruant, Tchikaya U Tam’Si (1931-1988)quelques mois avant sa mort : « La conquête de soi-même vous amène à prendre partout ce qui vous est dû. »
1. « La colonisation apparut comme l’effet immédiat de la biblification, le commandement oublié du Décalogue, une loi conforme à la programmation de l’histoire fondée sur le système divin. Elle se multiplie en attitudes compatissantes sur un pseudo-humanitarisme aidant l’Africain à passer de brute épaisse à géniteur de bons enfants qui ont besoin de protéines, de protection et d’éducation. Or l’enfant, quelle triste transition ! Nu, vide, dépendant, cajolé, domestiqué, il constitue le socle parfait sur lequel tout va s’asseoir. On lui bourre la tête avec toutes les saletés possibles, on le déplace comme un tabouret, on l’avance telle une montre en retard, on le téléguide pendant de longues années, on lui inocule la foi. Dieu se faufile entre les lignes du cahier, les anges flottent dans l’encrier, les saints participent au calcul mental et à la dictée. L’école coloniale déploya ses ruses et fut un puissant moyen de colonisation des mentalités. (…) Les prêtres latinisaient : « Pater noster, Avé Maria, Et cum spiritu tuo. » On ne pouvait entendre que des contrepèteries : « Nater Poster, Mavé Aria, E doum spiri coucou. » On était sur la bonne voie… »
Jean-Baptiste N’Tandu : « L’Afrique mystifiée », l’Harmattan, Paris, 1986, pp 21-22-23

2. « C’est grâce aux Belges, et surtout aux ministres de l’Eglise qui se rendent au Congo sous les auspices et avec la protection de leur très religieux prince, que la lumière de la vérité commence à se lever sur la terre africaine, et que ses habitants se prennent à délaisser les habitudes et les prescriptions de la barbarie pour se plier aux usages des peuples policés. Ce changement aura pour effet de soustraire à la loi de leurs caprices ces tribus, peuplades ravalées au rang de l’animalité, et de les faire passer de la servitude de la corruption à la glorieuse liberté des enfants de Dieu. » (8 janvier 1889. Extrait du Bref pontifical de S.S. le Pape Léon XIII au Supérieur général de la Congrégation de Scheut-Lez-Bruxelles, TRM Van Aertselaer)
3. Chez les francophones : Mongo Béti (1932-2002), Cameroun, « Ville cruelle » (1954), « Le pauvre Christ de Bomba » (1956) ; Sembène Ousmane (né en 1923), Sénégal, « Le docker noir » (1956), « Les bouts de bois de Dieu » (1960) ; Cheikh Hamidou Kane (né en 1928), Sénégal, « L’Aventure ambiguë » (1961) ; Ahmadou Kourouma (1927-2003), Côte d’Ivoire, « Les soleils des indépendances » (1968), « Monnè, outrages et défis » (1990)…
Chez les anglophones : Amos Tutuola (1920-1997), Nigeria, « L’ivrogne dans la brousse » (1952), « Ma vie dans la brousse des fantômes » (1954) ; Chinua Achebe (né en 1930 ), Nigeria, « Le monde s’effondre » (1958) : Wole Soyinka (né en 1934), Nigeria, prix Nobel de littérature en 1986, « Les années d’enfance » (1981).
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