Pour un Québec franc!
Girard, Michel
En vue d'alléger le fardeau de la dette du gouvernement du Québec, les 12 signataires du manifeste Pour un Québec lucide proposent d'augmenter substantiellement les tarifs d'électricité.
Pourquoi hausser les tarifs d'électricité? Réponse des 12 auteurs du manifeste: " Le Québec a la chance de disposer d'une ressource aussi précieuse que le pétrole. Si l'Alberta parvient à générer des revenus considérables avec son or noir, pourquoi le Québec se prive-t-il d'une partie du potentiel financier de son or bleu? "
Ils trouvent que la politique tarifaire actuelle d'Hydro-Québec, avec ses bas prix, n'est pas assez productive et efficace pour permettre aux Québécois de profiter pleinement de cette ressource. Selon eux, cette politique " profite davantage aux personnes à revenus élevés, qui auraient les moyens de payer plus, qu'aux personnes moins aisées, qu'on peut protéger contre les augmentations de tarifs ".
Alors le remède? Les auteurs du manifeste endossent la proposition du président du Mouvement Desjardins (Alban D'Amours) à l'effet que les tarifs d'électricité soient augmentés et qu'une part déterminée des profits d'Hydro-Québec soit consacrée au remboursement de la dette du gouvernement du Québec.
" Nous endossons cette proposition, en précisant qu'à notre avis, disent-ils, la hausse des tarifs d'électricité devrait être à la fois substantielle et progressive. "
Il est vrai que l'Alberta fait de l'argent comme de l'eau avec ses ressources énergétiques. Grâce à quoi? Grâce certes à l'augmentation des prix mais grâce, surtout, aux exportations de pétrole et de gaz naturel. En 2004, par exemple, le pétrole et le gaz naturel ont rapporté à l'Alberta des revenus d'exportations dépassant les 40 milliards de dollars. Le pétrole et le gaz naturel représentent donc pour l'Alberta une source de revenu extraordinaire qui provient de l'extérieur de la province.
Il est vrai que les Albertains ne jouissent pas directement d'une politique de bas tarifs pour le pétrole et le gaz naturel qu'ils consomment. Mais indirectement, ils bénéficient grandement des revenus extraordinaires que le gouvernement albertain encaisse par l'entremise des redevances et des impôts reliés aux exportations de pétrole et de gaz naturel. Comment? En profitant d'une fiscalité (moins d'impôt et de taxes) nettement plus généreuse que celle des Québecois.
Voilà pour " les revenus considérables " que l'Alberta encaisse avec son or noir.
Est-ce réaliste de penser que notre " or bleu " peut générer pour le Québec des revenus considérables? À l'instar de l'or noir de l'Alberta? Impossible. Car toute augmentation de tarifs d'électricité aura pour effet direct de réduire le revenu disponible des Québécois et des entreprises qui ont pignon sur rue aux quatre coins de la province.
Si l'Alberta fait tant d'argent avec son or noir c'est parce qu'elle exporte en grande partie sa production de pétrole et de gaz naturel. Ici, au Québec, on assiste au phénomène inverse. On consomme 98,5 % de l'électricité qu'Hydro-Québec produit. Donc, la moindre hausse de tarifs aura un impact négatif immédiat sur notre propre revenu disponible, tout comme une augmentation d'impôt provincial.
En effet, le supplément d'argent qu'on verserait à Hydro-Québec (pour lui permettre de verser un plus gros dividende au gouvernement du Québec) aurait automatiquement pour conséquence de réduire les autres dépenses de consommation. Du moins chez les familles à revenu moyen, lesquelles constituent le plus important groupe de consommateurs au Québec. Ce qui aurait en bout de ligne un impact négatif sur l'économie québécoise.
Les familles à faible revenu pourraient recevoir une forme de compensation pour annuler l'effet négatif d'une hausse généralisée de tarifs d'électricité.
Bien entendu, toute hausse généralisée de tarifs d'électricité frapperait d'aplomb les entreprises implantées au Québec puisque la facture additionnelle d'électricité réduirait d'autant les revenus nets ou augmenterait les pertes.
À mon avis, hausser substantiellement les tarifs d'électricité dans le but de permettre à Hydro-Québec d'augmenter le dividende qu'il verse au gouvernement du Québec constitue une augmentation indirecte d'impôt provincial.
Si le gouvernement en place veut venir chercher plus d'argent dans les poches des contribuables, qu'il assume donc ses responsabilités en augmentant directement les impôts.
Au cours des dernières semaines, on a eu droit à un manifeste Pour un Québec lucide et à un manifeste Pour un Québec solidaire. Je suggère une troisième voie: " Pour un Québec franc ".
Hydro-Québec a réalisé en 2004 un bénéfice net de 2,43 milliards.
De ce bénéfice, la société d'État a versé au gouvernement du Québec un dividende de 1,35 milliard. À ce dividende, il faut ajouter quelque 700 millions de dollars de TVQ.
Le fédéral, lui, a encaissé 600 millions de TPS grâce aux ventes d'électricité.
Pour l'année en cours, soit 2005, le gouvernement québécois encaissera un dividende nettement supérieur!
Illustration(s) :
Gravel, Michel
Le PDG d'Hydro-Québec, Thierry Vandal. Québec devrait-il augmenter les tarifs d'électricité pour réduire sa dette, comme le proposent les signataires du manifeste Pour un Québec lucide?
Pour un Québec franc! (deuxième partie)
Girard, Michel
Àla suite de ma chronique de samedi dernier Pour un Québec franc!, j'ai reçu beaucoup de commentaires et de questions. Vous en trouverez ci-après un échantillon assez représentatif.
Mais tout d'abord, un petit résumé.
En vue d'alléger le fardeau de la dette du Québec, les signataires du manifeste Pour un Québec lucide ont proposé d'augmenter substantiellement les tarifs d'électricité. " Le Québec, disent-ils, a la chance de disposer d'une ressource aussi précieuse que le pétrole. Si l'Alberta parvient à générer des revenus considérables avec son or noir, pourquoi le Québec se prive-t-il d'une partie du potentiel financier de son or bleu? "
Dans ma chronique, j'ai indiqué que la comparaison avec l'Alberta était boiteuse. Si l'Alberta s'enrichit tant avec son pétrole, c'est parce qu'elle exporte une très grande partie de sa production alors que le Québec, lui, consomme à hauteur de 98,5 % l'électricité qu'il produit. Donc, une hausse de tarifs d'électricité aura sur le revenu disponible des Québécois le même effet dévastateur qu'une hausse d'impôt.
Besoin d'éclairage
Votre analyse semble limpide et repose sur une logique inébranlable. Augmenter ces tarifs ne ferait que chauffer la " pompe à vide " du gouvernement du Québec. Notre secteur privé s'amenuise comme une peau de chagrin et l'appareil gouvernemental et ses dépenses ne diminuent pas.
La mondialisation frappe à nos portes. Mais ce qui m'inquiète le plus dans cette histoire, c'est que les signataires (du manifeste), supposément notre " élite ", ne soient pas plus éclairés et puissent en arriver à des propositions aussi peu fécondes et bâclées... Peut-être voulaient-ils parler de l'électricité qui est exportée au États-Unis uniquement?-
Martin Olivier Robert, père de trois enfants déçu par son " élite "
Les signataires parlaient d'une hausse généralisée des tarifs d'électricité et visaient surtout les gens à revenus élevés. Selon eux, la politique de bas tarifs d'Hydro-Québec " profite davantage aux personnes à revenus élevés, qui auraient les moyens de payer plus, qu'aux personnes moins aisées, qu'on peut protéger contre les augmentations de tarifs. "
Taxe déguisée
La hausse des frais d'électricité proposée par les auteurs du manifestePour un Québec lucidecomme recette miracle pour résoudre nos problèmes financiers, était aussi recommandée par le CD Howe Institute. Je me demandais si j'étais le seul à penser que cette hausse des frais d'électricité n'était guère qu'une taxe déguisée. Effectivement, notre électricité ne se vend qu'au Québec à l'opposé du pétrole albertain qui se vend sur le marché mondial. De plus, le gouvernement aurait intérêt à garder les coûts d'électricité bas pour encourager la consommation de celle-ci à la place du mazout, ce qui lui donnerait une chance de rencontrer ses objectifs liés au protocole de Kyoto.-
André Lefebvre
Vous avez raison de nous rappeler que l'électricité est une énergie peu polluante et qu'en cela, elle vaut son pesant d'or en matière de protection de l'environnement.
Honnêteté électrique
Pour plus de franchise, vous suggérez d'augmenter les impôts plutôt que l'électricité. Mais moi, je me dis ceci: l'électricité, comme tout le monde l'utilise, on ne peut pas s'en soustraire. Tandis qu'avec le travail au noir, il n'y a que les honnêtes gens qui paient des impôts. Je trouve donc plus juste une augmentation d'électricité qu'une augmentation des impôts. Même les Hells ont besoin d'électricité pour se chauffer, s'éclairer, etc.-
Monsieur B.
Vu sous cet angle, il appert qu'une hausse de tarifs d'électricité serait plus difficile à contourner, donc plus efficace pour aller chercher un supplément " d'impôt provincial " dans les poches des contribuables!
Et la thermopompe?
Vous n'avez pas parlé de l'incitation à la réduction de la consommation que devrait engendrer des tarifs plus élevés. Il me semble que c'est un facteur environnemental intéressant. Des tarifs plus élevés rendraient économiquement rentables l'installation de thermopompes, une meilleure isolation, des travaux de calfeutrage, des lampes à faible consommation, etc. Et si nous consommions moins, il y aurait plus d'électricité exportable. Le lien que vous faites entre les tarifs d'électricité et l'impôt sur le revenu m'apparaît fallacieux, puisque vous ne semblez le faire que dans un sens. Si l'augmentation des tarifs représente une hausse d'impôts déguisée, les bas tarifs actuels sont une subvention déguisée, non?-
G.M.
Les bas tarifs d'Hydro-Québec ne représentent pas une subvention déguisée puisque la société d'État a rapporté en 2004 des profits de 2,4 milliards de dollars et qu'elle a versé à son " actionnaire ", le gouvernement du Québec, un dividende de 1,35 milliard, plus 700 millions de TVQ.
Remboursement de la dette
L'électricité est au Québec ce que le pétrole est à l'Alberta ou à l'Arabie Saoudite. Oui! il faudrait augmenter les tarifs pour éliminer, si possible, toute notre dette nationale. On devrait utiliser systématiquement une moitié des profits pour réduire la dette, un quart des profits pour les remettre à l'industrie, et le dernier quart des profits, pour les retourner aux citoyens, en fonction de leur revenu.-
Denis Lahaie
Il y a un hic: l'Alberta et l'Arabie Saoudite s'enrichissent grâce à l'exportation de leur pétrole, tandis que le Québec a besoin de la quasi-totalité de sa production pour répondre aux besoins de sa population. C'est pourquoi hausser les tarifs d'électricité ou augmenter les impôts revient à échanger quatre " trente sous " pour une piastre!
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