Pékin est maintenant le deuxième partenaire commercial de l'Afrique. Juste derrière la France.
Sixtine Léon-Dufour Le Figaro
[12 janvier 2006]
D'épiphénomène statistique, le commerce sino-africain a connu, en quatre ans, un essor spectaculaire. En 2005, le volume des échanges commerciaux entre la Chine et l'Afrique ont atteint un niveau record de 37 milliards de dollars. Certes, les sommes en jeu sont encore modestes au regard de l'ensemble du commerce mondial, mais jamais Pékin n'a enregistré une croissance aussi soutenue dans aucune autre région du monde. Depuis deux ans, la Chine est devenue le deuxième exportateur, en Afrique centrale et de l'Ouest, doublant la Grande-Bretagne et les Etats-Unis, mais toujours derrière la France. Le tout est de savoir jusqu'à quand.

Car à en juger par la multiplication des boutiques «made in China» à Dakar, Libreville, ou Bamako, ou par la présence de bataillons d'ouvriers chinois affairés sur diverses constructions, la déferlante «jaune» est bien une réalité.
Principe «gagnant-gagnant»

Depuis longtemps, le président chinois, Hu Jintao, vante les mérites d'une «coprospérité sino-africaine». Ainsi qu'un principe «gagnant-gagnant» d'un genre particulier : quand les bailleurs de fonds, tels que le FMI et la Banque mondiale ou la Coopération française, imposent moult conditionnalités avant de débloquer le moindre prêt, Pékin propose le plus souvent des dons. En échange de quoi, le pays s'engage à lui réserver la «priorité» sur des gros contrats industriels ou sur ses matières premières.

Car si pour la Chine, le Continent noir est un marché non négligeable pour écouler tout un bric-à-brac composé de bassines, réveils, montres, et autres outils de qualité médiocre et à bas prix, il constitue avant tout une gigantesque source de matières premières pour alimenter son insatiable boulimie d'aluminium, acier, de phosphates, fer, manganèse... et d'hydrocarbures. Portée par une croissance de près de 10% par an, «l'usine du monde» est lancée dans une quête effrénée de pétrole, dont elle est devenue le deuxième consommateur au monde. «Une obsession nationale» qui la met frontalement en concurrence avec les Etats-Unis.

Dans cette ruée sur «l'or noir» Pékin rafle tout ce qui peut s'acheter, peu importe la nature du régime en place et s'arrange pour faire des offres qui ne se refusent pas.

Pour s'arroger la meilleure part de la production de Guinée équatoriale, ce micro-Etat comparé à un petit Koweït africain et dirigé d'une main de fer par Teodoro Obiang, Pékin a tout bonnement annulé la dette. En Angola, elle a investi massivement, comme dans la reconstruction du réseau ferré, dévasté par la guerre civile. Les exemples sont légion et compliquent la tâche des Exxon Mobil et autres Total, pour ensuite aller négocier un contrat. Mais la déferlante chinoise ne se limite pas aux approvisionnements énergétiques. Les entreprises chinoises sont maintenant en concurrence directe avec les groupes occidentaux dans bon nombre de secteurs. ZTE, un grand opérateur dans les télécommunications, a ainsi gagné récemment plusieurs contrats, au nez et à la barbe des opérateurs occidentaux.

Sans parler du BTP : routes, centres de conférence, immeubles administratifs, les entreprises chinoises remportent de plus en plus d'appels d'offres. Au grand dam des groupes français, en particulier, incapables de s'aligner sur les prix chinois.