sur l'huma, du 30/11/05:
Gabon . Candidat à sa propre succession, l’homme s’est assuré la victoire à la présidentielle, qui a connu dimanche un faible taux de participation.
Sélectionné en 1967 par Paris via Jacques Foccart, Omar Bongo, doyen des chefs d’État africains, entend bien jouer les présidents à vie. Il s’est présenté dimanche devant les 560 000 Gabonais appelés aux urnes à la faveur d’un amendement constitutionnel adopté en 2003 supprimant toute limite au nombre de mandats présidentiels. Soutenu par une coalition d’une quarantaine de formations, le chef d’État bien décidé à se succéder est opposé à quatre autres candidats : un ex-baron du régime, Zacharie Myboto, qui, en 2001, coupait les ponts après 23 années au sein du gouvernement ; le « radical » Pierre Mamboundou, qui a fait campagne sous le slogan « Quarante ans, ça suffit ! » ; Augustin Moussavou King, du Parti socialiste gabonais ; Christian Maroga, du Rassemblement des démocrates.
Au terme de sa campagne, Omar Bongo a joué la carte de l’intimidation. Samedi, arborant une chemise à sa propre effigie, il accusait ses adversaires de prôner « la violence » lors de son dernier meeting à Libreville. Les deux principaux candidats d’opposition, Pierre Mamboundou et Zacharie Myboto, ont, durant la semaine écoulée, été empêchés de tenir plusieurs réunions publiques. Les deux hommes ont accusé le pouvoir d’être à l’origine de ces incidents.
Les résultats devraient être connus demain. Il semble que la journée de dimanche ait été marquée par une faible mobilisation. À une heure de la clôture, le taux de participation à Libreville ne dépassait pas 3 à 4 électeurs sur 10. Traditionnel fief de l’opposition, Port-Gentil aurait été à peine plus assidue dans les isoloirs ; ainsi que Franceville, chef-lieu de la province natale du président Bongo et de son ex-ministre Myboto. L’opposition faisait aussitôt état de tricheries, à l’instar de celles ayant ponctué toutes les consultations depuis le début du multipartisme (1990). Signalons que les forces de sécurité ont voté dès vendredi pour être « disponibles » dimanche. Selon certains Gabonais, il s’agissait plutôt de créer les conditions d’un bourrage préalable.
Le système Bongo se caractérise par un autoritarisme reposant sur la corruption et le clientélisme, au détriment de toute velléité de lutte efficace contre la pauvreté et le chômage. Cela alors que le Gabon n’est pas un pays pauvre (les ressources pétrolières représentent au moins 45 % du PIB du pays et 80 % de ses exportations). La misère ne cesse cependant de s’y étendre tandis que, selon un schéma classique dans nombre de pays pétroliers, des fortunes colossales s’accumulent à l’autre bout de la chaîne sociale.
Jean Chatain