Des investissements européens pour l'Afrique
Joseph LEDDET
Des liens historiques anciens et profonds rapprochent l'Europe et l'Afrique, car le continent noir a été soumis par le passé à l'influence non seulement de la France, mais aussi de l'Angleterre, de l'Allemagne, de la Belgique, de l'Espagne, de la Hollande, de l'Italie et du Portugal. Soulignons que parmi ces pays, la France joue un rôle de premier plan, car elle a marqué de son empreinte à la fois l'Afrique du Nord, l'Afrique de l'Ouest et l'Afrique équatoriale.
Depuis l'indépendance (datant en gros de 1960), les pays africains ont été confrontés à divers problèmes de développement, dus à la fois à l'inexpérience des nouveaux dirigeants ainsi qu'à l'insuffisance des investissements étrangers.
A cet égard, la France et l'Europe devraient, nous semble-t-il, jouer un plus grand rôle dans la poursuite et l'accélération de leur développement. De quelle manière ? Par la réalisation de deux programmes majeurs :
mettre en place l'euro dans tous les pays qui en feraient la demande (avec notamment le remplacement immédiat du franc CFA par l'euro) ;
créer des fonds d'investissement défiscalisés, pour financer les PME/PMI des pays africains (soit l'équivalent de la loi Pons pour l'Afrique).
Première idée : exporter l'euro en Afrique.
Une des raisons pour lesquelles les investissements étrangers sont minimes en Afrique, c'est que les monnaies africaines (y compris le franc CFA) ne sont pas convertibles, ou alors difficilement, et qu'elles risquent à tout moment d'être dévaluées ; ce qui fragilise tous les plans financiers à long terme (cf. à cet égard les déboires actuels des grandes entreprises françaises en Argentine).
L'idée que nous proposons pour supprimer ce risque est de supprimer les monnaies locales et de les remplacer par l'euro. Cela ne porterait pas tort à la monnaie unique, dans la mesure où la masse monétaire du continent africain ne représente au total que 1 % de la masse monétaire mondiale ou encore 5 % de la masse monétaire « euro ».
Reposant sur une assise financière « en béton », tous les pays « euroïsés » deviendraient alors une cible privilégiée pour les investisseurs internationaux.
Seconde idée : orienter l'épargne européenne vers l'Afrique.
La France et l'Europe disposent de sommes colossales provenant de l'épargne des particuliers, qu'elles soient placées en dépôts à terme, en sicav monétaires, en sicav obligataires, en actions ou en contrats d'assurance-vie.
Notre seconde idée consiste ainsi à orienter une partie de cette gigantesque épargne vers le financement des PME en Afrique, et ce par le biais de fonds d'investissement français ou européens défiscalisés, à la manière de la loi Pons pour les DOM-TOM.
Ainsi, par exemple, dans la limite de 10 000 ou 20 000 euros, les particuliers pourraient souscrire des parts de fonds « Afrique » administrés par des experts européens et africains, et investis dans le capital de PME/PMI africaines.
Pour les particuliers, la somme investie serait déductible de leur revenu imposable. On pourrait, par ailleurs, étendre cette disposition aux entreprises, en retenant un seuil limite plus élevé (par exemple, 100 000 euros, voire davantage). L'attrait fiscal de cette mesure, doublé de l'aspect « ethnique », conférerait à coup sûr un grand succès aux fonds « Afrique ». En contrepartie, ils devraient être gérés avec rigueur, en s'inspirant des expériences existantes.
Il serait utile de pouvoir relayer ces idées sur le plan politique, tant au niveau français et européen qu'africain ; de fait, si elles étaient officiellement appuyées par plusieurs Etats africains, il est clair que cela faciliterait grandement leurs chances de mise en oeuvre, sachant bien sûr que les instances européennes devraient de leur côté être convaincues de la pertinence d'une telle démarche.
* Economiste, président de l'association Agir pour l'Afrique.