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 Cancun : agriculture et libéralisme

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mihou
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mihou


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Localisation : Washington D.C.
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04112005
MessageCancun : agriculture et libéralisme

Cancun : agriculture et libéralisme

Pascal Lamy et Franz Fischler

Suite de la page 1 Tout ceci a un coût. Enfin, l'agriculture, c'est l'occupation du territoire. Partout en Europe, nos paysages sont entretenus et vivants. Pourtant, 55% de nos exploitations se situent dans des zones difficiles ou de montagne. Que seraient ces régions souvent magnifiques si elles étaient entièrement dépeuplées ? La nouvelle Constitution européenne fait du développement équilibré du territoire un des objectifs de l'Union. Tout ceci explique que nous, Européens, refusons de soumettre intégralement l'agriculture à la loi des avantages comparatifs, celle du libéralisme pur. L'agriculture n'est pas le charbon, et nos agriculteurs ne seront pas les mineurs du 21 e siècle, voués inexorablement à la disparition en raison de leur supposée inefficience économique. Discutons de la boîte à outils, pas des principes. La politique agricole commune (PAC) répond donc à une volonté politique. La question n'est pas de savoir s'il faut des soutiens à l'agriculture, mais lesquels et sous quelle forme. Mais c'est un mythe de croire que la PAC n'a pas évolué. Le dosage de nos instruments s'est modifié profondément depuis la création de la PAC. Objectif : ajuster sans cesse notre boîte à outils aux objectifs d'un développement durable de l'agriculture européenne. Nous sommes passés, depuis 1957, d'un contrat avec nos agriculteurs basé sur le soutien aux prix et à la production qui a rempli les objectifs initiaux d'autosuffisance mais dont les stocks de lait ou de beurre ont montré les excès à un autre type de contrat fondé sur le soutien à la qualité plutôt que la quantité. La réforme de juin est une nouvelle étape de cette stra tégie : l'agriculture européenne a un avenir. Il n'est pas dans la production des matières premières pour lesquelles l'Europe n'est pas dotée naturellement d'avantages naturels. Non, l'avenir est dans la valorisation de nos atouts, la qualité de nos produits ou les services que nos agriculteurs rendent à la société. Les réformes ont d'ailleurs bénéficié aux pays tiers : nos subventions à l'exportation ont été réduites par 75% en 10 ans, même chose pour les subventions qui faussent les échanges. L'ampleur de ces subventions reste parfois contestée ? Revenons aux réalités. Le budget européen consacré à l'agriculture, 40 mds d'euros par an, ne représente que 0,6% de la richesse totale de l'Union. Mais c'est le seul budget réellement fédéral que nous ayons. Si les dépenses publiques de recherche européennes étaient entièrement effectuées à partir du budget de l'Union, contesterait-on les 80 milliards d'euros par an investis dans l'innovation en Europe ? La poule c'est la PAC, l'oeuf c'est l'OMC. Fallait-il réformer la PAC pour négocier à l'OMC ? Le problème ne se pose pas ainsi, car l'Union ne négocie que ce que lui permet son compte en banque. La meilleure preuve, nos propositions de janvier dernier à l'OMC : une réduction de 36% des tarifs douaniers, de 45% des subventions à l'exportation et de 55% des subventions internes qui ont un impact sur le commerce. Du concret bien avant l'accord de juin ! Quel lien entre cette réforme et l'OMC, alors ? Par ces décisions, l'Union européenne détache ses aides agricoles de leur impact sur le commerce. D'ici à 2013, l'Europe soutiendra son agriculture par des moyens neutres pour le commerce international et, en régulant mieux sa production, saura exporter des produits pour lesquels elle est réellement compétitive, sans avoir à subventionner ses surplus de matières premières. C'est justement grâce à cette agriculture de qualité que nos échanges avec les Etats-Unis sont devenus excédentaires depuis 1995, avec un excédent de 4 milliards d'euros. Comme garantie de ne pas revenir en arrière, nous sommes disposés à inscrire dans le marbre de l'OMC les réformes que nous avons faites pour nous-mêmes. Trop peu de membres de l'OMC mesurent cette offre à sa juste valeur. Et ils en oublient de demander les mêmes garanties à des pays comparables en taille et en poids économique ! Mais comme tout investisseur avisé, nous attendons de recevoir un retour sur notre investissement dans la qualité. C'est le droit légitime de soutenir notre modèle agricole. D'une part, le respect des considérations non commerciales est pour nous essentiel. Les produits agricoles circulent et doivent être soumis à des règles de concurrence loyale. Mais les biens communs produits par l'agriculture eux restent localisés dans un seul pays. S'il en décide ainsi, un pays doit pouvoir soutenir ces services, et ceci sans contrainte de l'OMC. D'autre part, l'image de qualité de nos produits doit être reconnue. Elle ne doit plus être usurpée. Mieux : elle doit être protégée à travers la reconnaissance de nos appellations d'origine, comme le roquefort ou le vin de Bordeaux. C'est la juste rémunération de décennies d'efforts de nos agriculteurs pour privilégier la qualité. Où tout ceci nous mène-t-il du côté de l'OMC ? La négociation commerciale doit et peut concilier le modèle agricole européen avec les attentes des autres pays. Le développement est au coeur des discussions. Le cycle de Doha ne peut pas aboutir et n'aboutira pas si les pays en développement considèrent qu'ils n'ont pas été traités de façon équitable. Mais nous ne sommes pas dans un champ de bataille où s'affrontent le Nord et le Sud, ou bien l'Europe et le reste du monde. Nous sommes dans un jeu à quatre coins. Dans le premier coin, le groupe de Cairns, c'est-à-dire entre autres l'Australie, le Canada, la Nouvelle-Zélande, le Brésil ou l'Argentine. Parmi les 20 premiers exportateurs mondiaux, 13 sont membres de ce groupe. Depuis 10 ans, les seuls qui ont accru leur part de marché sont le Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay), le Canada et l'Australie. Il n'est pas étonnant que leur priorité soit l'ouverture intégrale des marchés et la suppression des soutiens à l'agriculture. Le deuxième coin est occupé par les Etats-Unis, dont l'agriculture est fortement orientée vers l'exportation. Même si leur part de marché est restée stable dans les 10 dernières années (20% du commerce mondial), les Etats-Unis sont le troisième exportateur avec un surplus de 10 milliards de dollars en 2000 (sept fois le déficit européen !). Les négociateurs américains sont donc souvent les sponsors du groupe de Cairns lorsqu'il s'agit de demander l'ouverture des marchés des autres. Mais cette solidarité de tribune a ses limites. Le soutien par agriculteur américain est trois fois supérieur au soutien européen ! Le budget agricole américain s'envole : le Farm Bill, décidé l'année dernière, a augmenté de 70% les aides agricoles d'ici à 2007. Dans le troisième coin se situent de nouveaux arrivés, les pays en développement. Mais ne nous y trompons pas, il n'y a pas qu'un Sud. De nombreux pays sud-américains sont membres du groupe de Cairns. Certains pays du Sud-Est asiatique ont tiré leur épingle du jeu des dix dernières années de commerce agricole. Mais le reste des pays en développement - autres pays d'Asie, Afrique et Amérique centrale - ont vu leur part de marché reculer de plus de 6% en 10 ans. Ces derniers sont conscients des gigantesques différences de compétitivité entre pays du Sud. Ils craignent pour leurs accords préférentiels avec l'Europe. Ils revendiquent le droit de satisfaire leurs besoins alimentaires. Bien sûr, ils demandent que les riches aident leurs agriculteurs dans des conditions loyales. Ils attendent donc de l'Union européenne et des Etats-Unis qu'ils réduisent leurs soutiens à l'exportation et les aides aux revenus des agriculteurs les plus perturbatrices du marché. Ils demandent aux Etats-Unis qu'ils n'utilisent pas l'aide alimentaire seulement comment moyen d'écouler leurs surplus de production. Le quatrième coin est occupé par l'Europe, et tous ceux qui se retrouvent dans son approche, Japon et Corée par exemple. Depuis 10 ans, notre part du marché mondial est restée stable (19%). Nous importons beaucoup de matières brutes ou de produits tropicaux en provenance des pays en développement. Nous exportons essentiellement des produits transformés. Nous nous efforçons de transformer de la valeur. Mais nous acceptons la responsabilité de devoir soutenir l'agriculture à un coût minimal pour les pays tiers. Dans ce paysage complexe, l'Europe entend se positionner au centre de l'échiquier. Tout en respectant les intérêts objectifs des pays du groupe de Cairns, nous ne comprenons pourtant pas qu'ils s'autoproclament porte-parole de tous les pays en développement. La balance commerciale des pays à bas revenus est déficitaire de 2 milliards d'euros en viande bovine, mouton, sucre et céréales. Les pays les plus riches du groupe de Cairns sont exportateurs nets de ces denrées avec un excédent de 17 milliards d'euros. A qui fera-t-on croire qu'une libéralisation totale bénéficiera aux plus pauvres ? Avec les pays à faible revenu, nous partageons le souci de ne pas ouvrir l'agriculture aux grands vents du libéralisme. Par le risque et l'incertitude qu'il implique, cela se ferait au détriment des populations les plus pauvres. Le maintien de protections à la frontière, pour ceux qui le souhaitent, est non seulement légitime mais nécessaire. Alors que la conférence de Cancun va s'ouvrir, il est grand temps que tous reconnaissent les intérêts légitimes de chacun. Les anathèmes ne font pas des décisions. Au mieux, ils permettent d'esquiver ses propres responsabilités. L'Europe a pris les siennes trois fois cette année : en faisant des propositions ambitieuses ; en réformant sa politique agricole une fois de plus ; en injectant l'énergie indispensable à la négociation par un compromis avec les Etats-Unis. C'était indispensable. Si les 146 membres de l'OMC suivent la même voie, s'ils abandonnent l'illusion que nous sacrifierons l'agriculture européenne à la réussite du reste du programme de Doha, nous sommes convaincus que nous saurons faire de Cancun un succès.

Pascal Lamy et Franz Fischler
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