Le Figaro
Jeudi 7 juillet 2005

G 8 De bonnes raisons d'investir pour lutter contre les maladies qui affectent le continent et sauver des millions de personnes
Pourquoi il faut soigner l'Afrique

PAR MICHEL CAMDESSUS * ET GRO HARLEM BRUNDTLAND **

Les dirigeants des huit pays les plus riches du monde se retrouvent en Ecosse. Toutes les conditions sont réunies pour faire ce qui, il y a dix ans, avait été écarté comme un projet plein de bonne volonté mais utopique : mettre un terme à la pauvreté, qui est à la base de l'instabilité politique et économique du continent africain. Le G 8 s'est engagé sur le chemin du succès, il y a cinq ans, en soutenant plusieurs objectifs du millénaire pour le développement visant à réduire de manière considérable la pauvreté dans les pays en voie de développement d'ici à 2015, et en concentrant ses efforts sur l'Afrique.

Les dirigeants africains ont accepté de s'engager massivement pour adopter des réformes économiques et politiques. De grandes déclarations ont été faites des deux côtés. Mais le temps est compté.

La communauté internationale est maintenant en droit d'attendre une action directe. Le G 8 pourra-t-il s'engager à fournir les ressources nécessaires pour résoudre le lancinant problème des maladies, facteur de fragilité politique et économique de l'Afrique et de son extrême pauvreté. Des millions d'Africains sont atteints et meurent chaque année de maladies, qui ne sont pas mortelles ailleurs, pour les populations des pays riches.

Un enfant de moins de 5 ans meurt toutes les trois secondes de maladies, liées au rotavirus, au pneumocoque, ou du paludisme, qui peuvent être soignées grâce aux médicaments disponibles dans les pays développés. Les pertes en termes de ressources et de productivité sont telles qu'elles portent atteinte à l'économie du continent. Des estimations montrent, par exemple, que, si les pays riches avaient entrepris, en Afrique, les mêmes actions que chez eux (éradication du paludisme), le produit intérieur brut annuel s'élèverait à 100 milliards de dollars de plus qu'aujourd'hui.

Une simple réduction de 10% du paludisme entraînerait une hausse de 3% du PIB. Imaginez ce qu'apporterait une plus grande réduction du paludisme et d'autres maladies ? La bonne nouvelle est qu'un gros travail a été effectué pour lutter contre ces maladies en Afrique.

Ces dernières années, grâce à des actions sérieuses menées par des acteurs des secteurs public et privé, des solutions ont été mises en place ou sont en cours d'élaboration pour permettre aux Africains d'avoir accès à une meilleure sécurité sanitaire. Les actions de l'Alliance mondiale pour les vaccins et la vaccination et de son partenaire, le Fonds mondial pour les vaccins, ont permis de sauver un grand nombre de vies en aidant les pays à immuniser les enfants contre la coqueluche et l'hépatite B. En trois ans, le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme a permis à 1,6 million de personnes de suivre des traitements et a fourni des moustiquaires traitées à l'insecticide afin de protéger la moitié des familles africaines contre les moustiques qui transmettent le paludisme.

Parallèlement, les résultats récents des programmes visant à développer des médicaments et des vaccins contre des maladies (paludisme, rotavirus, pneumocoque) affectant principalement les Africains sont encourageants. L'objectif de la communauté internationale est d'avoir la possibilité de fournir des ressources permettant de mettre en place des programmes dont le succès est garanti et d'accélérer la recherche. Ces solutions auront inévitablement un coût.

Cependant, de nouveaux mécanismes sont en place et ont un besoin urgent de dons. Les dirigeants du G 8 ont la possibilité de créer un «programme de financement international pour l'immunisation», qui aiderait les pays donateurs à financer l'assistance sanitaire aux pays africains par la vente d'obligations sur les marchés internationaux de capitaux, qui sont soutenus par des engagements de dons. Nelson Mandela a indiqué que la lutte contre la maladie est un domaine où l'aide internationale peut avoir un impact considérable.

Mandela et d'autres personnes ont précisé que les Africains étaient prêts à créer leurs propres structures et à faire en sorte que les fonds qui les soutiennent produisent des résultats. Il y a cinq ans, les dirigeants mondiaux déclaraient que le moment était venu de briser le cycle de la pauvreté en Afrique et la communauté internationale a accueilli cette idée avec enthousiasme. Au cours des cinq dernières années, les objectifs du millénaire pour le développement sont devenus un enjeu majeur.

Dans un grand nombre de pays, les enfants les étudient à l'école et des stars du rock en parlent pendant leurs concerts. Aujourd'hui, l'exceptionnelle convergence de solutions éprouvées et du soutien populaire apporte une nouvelle dimension à l'aide aux personnes malades en Afrique. Nous vivons un moment historique.

Le G 8 et l'ensemble des pays développés possèdent désormais les ressources nécessaires pour lutter contre la crise sanitaire globale et les autres problèmes qui ravagent l'Afrique. Les avancées étant à portée de main, nous sommes en droit d'espérer que les dirigeants des pays les plus riches du monde sortiront du sommet prêts à investir massivement en Afrique. Dans notre monde interdépendant, les retombées de cet investissement primordial profiteront à tous.

* Membre de la Commission internationale pour l'Afrique, président des Semaines sociales de France, ancien directeur général du FMI, gouverneur honoraire de la Banque de France. ** Médecin, ancienne directrice générale de l'Organisation mondiale de la santé, ancien premier ministre de Norvège.

PAR MICHEL CAMDESSUS * ET GRO HARLEM BRUNDTLAND **