MONDE, mardi 19 juillet 2005, p. 19
L'Afrique cherche à mieux se vendre sur le marché américain. ÉCHANGES. Le forum sur la coopération commerciale entre les États-Unis et l'Afrique subsaharienne s'est ouvert hier à Dakar. Les Américains n'arrivent pas les mains vides. Dakar, reportage de notre correspondante.
HOLZBAUER-MADISON Christine
Le quatrième forum de l'African growth and opportunity Act (Agoa), la loi américaine sur la croissance et les possibilités de l'Afrique subsaharienne promulguée par Bill Clinton en 2000, s'est ouvert hier à Dakar. Après celui de 2003 à l'île Maurice, c'est le deuxième à se dérouler sur le continent africain. Son thème : « Développer et diversifier le commerce afin de promouvoir la croissance et la compétitivité ». Cela devrait permettre aux représentants des gouvernements, du secteur privé et de la société civile des 37 pays africains éligibles de réfléchir avec leurs homologues américains sur les moyens de faire de l'Agoa un instrument effectif de promotion des échanges et de l'investissement.
Grâce au traitement préférentiel qu'instaure l'Agoa, 6 350 produits (98 % de l'offre d'Afrique à l'extérieur) sont admis aux États-Unis en franchise de droits de douane (17,5 % en moyenne). Entre 2003 et 2004, les importations américaines de produits subsahariens ont augmenté de 88 %, pour une valeur de 22,1 milliards d'euros. Un chiffre qui cache pourtant une autre réalité. Hormis les 5 États pétroliers ou ceux qui ont réussi à spécialiser leur filière textile et agricole comme le Lesotho, l'Ouganda ou l'île Maurice, la plupart des États africains n'ont pas ou peu profité de ces opportunités. Le Sénégal, éligible à l'Agoa depuis le 25 avril 2002, a même enregistré une stagnation de ses exportations vers les États-Unis depuis cette date. C'est dire si la secrétaire d'État américaine, Condoleezza Rice, est attendue aujourd'hui à Dakar pour clôturer les travaux du forum.
Très critiqués pour leurs subventions à l'exportation de produits agricoles vitaux pour l'Afrique et des soutiens internes octroyés aux cotonculteurs américains, les États-Unis sont régulièrement accusés de ruiner les efforts des producteurs africains pour sortir de leur sous-développement. Quelques jours avant l'ouverture du forum, le gouvernement américain a pourtant annoncé dans un communiqué qu'il envisageait de renoncer à ces aides. Afin de se conformer aux conclusions de l'OMC, les programmes américains concernant le coton devraient changer, notamment l'instrument de compensation à ses exportateurs et aux filatures domestiques qui ont pour effet de provoquer la baisse des cours mondiaux du coton. Est envisagée aussi une modification des programmes de garantie de crédits aux fournisseurs de produits agricoles octroyés par la Commodity Credit Corporation (CCC).
Pour le ministre du commerce du Sénégal, Mamadou Diop Decroix, il s'agit d'un « pas dans la bonne direction » à condition que tous les autres partenaires, et notamment l'Europe, suivent l'exemple américain. En ligne de mire, les aides octroyées aux agriculteurs européens dans le cadre de la politique agricole commune, mais aussi le projet de loi agricole américaine autorisant des subventions d'une valeur de 173,5 milliards de dollars (144 milliards d'euros) durant dix ans, dont 73 milliards (60 milliards d'euros) pour 2002-2007. Des aides qui, non seulement, faussent les règles du jeu au plan mondial, mais ont occasionné 159 millions d'euros de pertes pour les pays africains en 2003.