Investissements : la Cnuced dénonce la concurrence entre Africains
LAURENCE TOVI
L'Afrique ne représente que 2 à 3 % des flux mondiaux et un peu moins de 9 % des flux destinés aux pays en développement.
La Conférence des Nationaux unies pour le commerce et le développement (Cnuced) continue de jouer au trublion dans le club restreint des grandes institutions internationales. Dernier exemple, son rapport sur le développement de l'Afrique avec cette question au ton provocateur : « L'Afrique a-t-elle besoin d'être dopée par des capitaux étrangers ? » Une nouvelle fois, la Cnuced, pilotée par l'ancien directeur général de l'OMC, Supachai Panitchpakdi, malmène les idées reçues.
L'exercice se veut une « évaluation critique de l'ampleur et de l'impact des investissements étrangers en Afrique ». Le volume des flux destinés au continent est faible par rapport à ce que reçoivent d'autres régions en développement. Le continent ne représente que 2 à 3 % des flux mondiaux et un peu moins de 9 % des flux destinés aux pays en développement. La performance est toutefois moins médiocre qu'il n'y paraît, assure la Cnuced, au regard du poids de l'Afrique dans l'économie mondiale ou de la dynamique économique locale.
La Cnuced égratigne l'idée selon laquelle l'insuffisance de réformes et une mauvaise gouvernance expliqueraient le retard pris par l'Afrique en matière de flux d'investissements. Le continent, sous le joug des programmes d'ajustement structurel menés par le FMI et la Banque mondiale, a fait un « effort considérable en matière de libéralisation, de privatisation et de déréglementation ». Ces programmes, qui ont échoué à promouvoir la transformation structurelle du continent enfermé dans sa dépendance aux produits de base, « ont contraint et faussé » l'investissement.
Politique dommageable
« L'idée que l'Afrique est réticente à accueillir des capitaux étrangers est un mythe », assènent aussi les experts de la Cnuced. Attirer des capitaux étrangers est devenu « la politique industrielle privilégiée de nombre de gouvernements, les incitations aux sociétés étrangères constituant une sorte de subvention, au détriment des politiques d'encouragement des entreprises locales et de leurs investissements dans le pays », estiment-ils. Une politique d'autant plus dommageable que l'effet d'entraînement de ces investissements directs étrangers sur l'économie est plus que mitigé. Dans un certain nombre de pays africains, « les transferts de bénéfices ont dépassé ces dernières années le total des apports d'investissements étrangers, souvent de plusieurs fois », relève la Cnuced.
Les secteurs des mines et des hydrocarbures, récipiendaires quasi exclusifs d'investissements étrangers, sont analysés. « Même si les programmes visant à déréglementer le secteur minier ont attiré des investissements directs étrangers au cours des dernières années, aucune contribution concrète au développement n'en a découlé. » Pour la Cnuced, l'intensification de la concurrence que se livrent les pays africains pour offrir des incitations généreuses aux investisseurs du secteur minier pourrait même devenir « une course à l'abîme ».
L. T.