Au total, on le voit, la France n’est donc confrontée ni à l’« Année de cristal » d’Alain Finkielkraut ni à la « nouvelle judéophobie » de Pierre-André Taguieff (21), mais bien plutôt à cette « montée de violence sociale » diagnostiquée d’emblée par l’ancien président du CRIF Théo Klein. Avec pour principal terreau ces ghettos de chômage et de misère où végète, sans le moindre espoir d’avenir, une partie de la jeunesse populaire, et en premier lieu celle qui est issue de l’immigration. S’il faut y combattre, comme dans le reste de la société, toute forme – a fortiori violente – de racisme et d’antisémitisme, il convient aussi, plus largement, de s’attaquer aux racines du mal. D’où l’importance de la convergence entre les forces démocratiques traditionnelles, les altermondialistes et les mouvements autonomes des jeunes des quartiers.
Décisive pour les uns comme pour les autres, cette nouvelle alliance se nourrit, non de flou, mais de clarté. Loin d’opposer la bataille contre les racismes antijuif et antiarabe, il convient de la développer d’un même mouvement. Car les changements en France comme la paix au Proche-Orient impliquent le rassemblement le plus large possible. Et la plus grande vigilance s’impose, au sein du mouvement lui-même, contre les préjugés des uns et des autres.
Peut-on plus longtemps tolérer, par exemple, que des juifs portant kippa soient agressés sur le parcours d’une manifestation contre la guerre d’Irak ? Qu’une maladresse suffise à dénoncer comme « antisémite » et à diaboliser Tariq Ramadan, dont chacun sait qu’il dénonce le poison judéophobe – les milliers d’auditeurs peuvent en témoigner ? Qu’on publie les textes antijuifs d’un Israël Shamir sous prétexte que leur auteur, israélien, critique radicalement son pays ?
De même, peut-on accepter que les médias stigmatisent, sous couvert de voile, toute une religion et ses fidèles, assimilés au terrorisme, à l’intolérance et à l’oppression de la femme ? Que l’étoile de David soit accolée à une croix gammée – comme si l’insupportable répression des Palestiniens pouvait être comparée à l’extermination monstrueuse de millions de juifs, de Tziganes, de malades mentaux et de « bouches inutiles » slaves ? Qu’un élu du suffrage universel, dont la liste a obtenu le meilleur score de la gauche populaire et citoyenne au scrutin régional, se voie refuser une vice-présidence, notamment en raison de sa critique de la politique du général Sharon et de ses réserves sur la loi interdisant le port des signes religieux à l’école ?
Le racisme est indivisible, la lutte contre lui l’est aussi. Si le mouvement social l’ignorait, il donnerait des verges pour se faire battre. Du coup, il ne pourrait ni mettre en échec le terrorisme intellectuel ni jouer pleinement son rôle.
Dominique Vidal.
Violences racistes, amalgames et manipulations
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