Ce que Chirac et Mbeki préparent - Conseil de sécurité
Le Courrier d'Abidjan - 11/10/2005 7:01:08 PM — http://news.abidjan.net/h/153115.html
La grande réunion de New York, c’est demain. Les différents camps, en interne comme à l’international, affûtent leurs couteaux. Au cœur des agendas secrets de Mbeki, Gbagbo, Chirac et les rebelles…
Le sommet de tous les enjeux arrive à grands pas. C’est demain que le Conseil de sécurité des Nations unies statuera sur la Côte d’Ivoire, pour la première fois depuis que le rapport du médiateur a été remis entre ses mains le 1er septembre dernier. Un moment diplomatique d’une importance capitale s’il en est. «La dernière cartouche» du bloc rebelle qui sera complètement désarmé quand il l’aura gaspillé, selon le président Laurent Gbagbo. Pour cette raison, les diverses chancelleries préparent avec fébrilité «l’événement» de demain. Chacun y va de ses calculs, de ses conciliabules, de ses réunions d’alcôve.
Sur le plan international, les deux camps qui s’affrontent désormais de manière quasi-ouverte, l’Afrique du Sud et la France, s’affairent chacun pour être gagnant au final.
Mbeki compte capitaliser ses dernières victoires
C’est auréolé d’une bataille gagnée contre un complot françafricain que Mbeki observera – de loin – les discussions au sein du Conseil de sécurité. Paris, à travers ses satellites de la CEDEAO, a essayé de le démettre de son rôle de médiateur. Mais il y a eu un sérieux couac. Non seulement le sommet d’Abuja a accouché d’un pétard mouillé, mais Olusegun Obasanjo – sur qui la Chiraquie comptait – et Thabo Mbeki ont montré une entente parfaite lors de la réunion du Conseil de paix et de sécurité d’Addis-Abeba. Lequel a marqué la reconnaissance, par l’Union africaine, des dispositions constitutionnelles ivoiriennes, contre la thèse de la transition prônée par le bloc franco-rebelle. Addis-Abeba a, en outre, chaleureusement félicité Thabo Mbeki. La guerre des nerfs autour de son rôle de médiateur lui a en outre donné l’occasion de se rendre compte de l’étendue de ses soutiens, entre les diplomaties de l’Afrique digne (Tanzanie, Angola, Rwanda, Ouganda, etc…) et celles de quelques pays occidentaux qui se sont exprimés ouvertement (l’Angleterre avant Abuja, les Pays-Bas hier). Il espère de la prochaine réunion une confirmation de sa préséance sur le dossier ivoirien, et la poursuite d’une logique diplomatique qui le confortera forcément, avec l’arrivée, le 17 octobre, du Comité de sanctions qui constatera les blocages, fera pression et frappera si nécessaire.
Chirac joue dans un mouchoir de poche
La thèse maximaliste de la «transition sans Gbagbo» ayant été battue en brèche à Addis-Abeba, la France tentera demain d’obtenir le schéma proposé à Abuja par Abdoulaye Wade : une transformation du président ivoirien en «Reine d’Angleterre». Paris tentera de renforcer, dans la prochaine résolution, les pouvoirs du prochain Premier ministre – ce qui est un exercice périlleux puisque la France n’est pas sûre de le contrôler comme elle l’a fait avec Seydou Diarra. Elle essaiera également d’obtenir un renforcement de la mise sous tutelle de fait qui prévaut depuis plusieurs années. Notamment en faisant monter en puissance les pouvoirs de Monteiro, représentant de l’ONU pour les élections, dont elle voudrait que les prérogatives empiètent sur celles du Conseil constitutionnel ivoirien. Mais pour quoi faire alors que Paris ne semble pas prête à lâcher les rebelles et à précipiter le désarmement ? La France misera-t-elle désormais sur une solution électorale, en accroissant la pression sur le président Gbagbo et en appuyant à fond Henri Konan Bédié ? En tout cas, l’ancien président le souhaite qui affirme, dans une interview dans le dernier Jeune Afrique L’Intelligent : «Je suis encore populaire en Côte d'Ivoire. Pas seulement au PDCI, mais dans le pays. C'est pourquoi j'espère pouvoir me mesurer à armes égales avec les autres candidats. Mais dans le cadre d'une élection honnête et transparente sans l'intrusion de milices ou de patriotes.»
Gbagbo boit du petit lait, le G7 dans une position malaisée
Le sommet du Conseil de sécurité arrive alors que le président de la République plane sur un nuage, avec ses récents succès diplomatiques et la qualification des Eléphants à la phase finale de la Coupe du monde en Allemagne. Sa posture est bonne : le médiateur lui a donné satisfaction, il est engagé dans une grande campagne pour la paix tandis que ses adversaires multiplient propos belliqueux, confligènes et irresponsables. Malgré tout, il veut garder la tête froide et ne rien négliger. C’est pour cette raison qu’il y a raison hier 15 ambassadeurs de pays non africains, avec à leur tête le nonce apostolique.
Quant au G7, sa position malaisée saute aux yeux. Il est question de maintenir la fiction de sa convergence avec la communauté internationale, tout en récusant «avec force» les conclusions de l’Union africaine. Malgré tout cela, le bloc rebelle apparaît avec de plus en plus d’évidence, aux yeux des diplomates accrédités à Abidjan, comme maximaliste, extrémiste, perdu dans une logique complètement suicidaire. Comme nostalgique d’une période où le parrain français, bénéficiant de la confiance de la communauté internationale, il fait du dilatoire en espérant une nouvelle initiative diplomatique – ou un coup d’Etat qui remettrait les compteurs à zéro. Mais le 17 octobre, jour de l’arrivée des porteurs du gros bâton des sanctions, c’est dans cinq jours. D’ici là, les moins déterminés de l’attelage pourrait ramollir leur position…
Sylvie Kouamé