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 Le prochain siècle sera-t-il celui des guerres de l’eau 3

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zapimax
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zapimax


Nombre de messages : 654
Localisation : Washington D.C.
Date d'inscription : 14/06/2005

Le prochain siècle sera-t-il celui des guerres de l’eau 3 Empty
07102005
MessageLe prochain siècle sera-t-il celui des guerres de l’eau 3

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Lorsque les États-Unis, à la fin du XIXème siècle, entamèrent la mise en valeur agricole du
sud-ouest, ils commencèrent à dériver le cours du Colorado afin d’irriguer les terres mises en
culture. En 1895, le Mexique protesta officiellement, rappelant que les droits d’usage des
agriculteurs mexicains en aval étaient beaucoup plus anciens que ceux des américains. Le
gouvernement américain conçu alors la doctrine Harmon, du nom du juge Judson Harmon,
chargé d’élaborer la position officielle des États-Unis, et selon laquelle « le principe fondamental
du droit international est la souveraineté absolue de chaque État, par opposition à tous les autres,
sur son territoire ». Cette doctrine de la souveraineté absolue sur le territoire et ses ressources est
encore invoquée de nos jours par la Turquie et le Tadjikistan notamment, ce dernier envisageant
même de facturer son voisin en aval, l’Ouzbékistan, pour l’eau du Syr Daria et de l’Amou Daria
qui traversent son territoire.41
D’un strict point de vue juridique, une approche légale pour élaborer d’éventuelles
solutions aux conflits hydropolitiques est davantage remise en cause par les positions
changeantes des États. Ainsi, en 1959-60, lors d’une autre dispute, avec le Canada cette fois-ci,
portant sur le fleuve Columbia, les États-Unis prirent-ils une attitude diamétralement opposée.
Soucieux d’exploiter le potentiel hydroélectrique de la rivière Kootenay au Montana, le
gouvernement américain proposa au Canada une indemnité pour l’inondation de son territoire
qu’occasionnerait la construction du barrage Libby, mais aucune part de la production électrique
engendrée par la mise en service éventuelle de la centrale attenante. Le Canada menaça alors de
dériver un débit important de la Kootenay vers le Fraser, en territoire canadien. Contestant alors
le projet canadien, les États-Unis invoquèrent alors la doctrine de « première appropriation », soit
la doctrine invoquée par le Mexique lors du différend sur le Colorado, et que l’Égypte invoque de
nos jours pour justifier son droit d’intervenir dans les politiques de développement des pays
situés en amont.42
D’autres corps de doctrine existent et tentent de définir les droits qui régissent l’usage des
cours d’eau. Il ressort que ces doctrines favorisent souvent le pays concepteur de chaque théorie,
comme l’Égypte qui préfère la doctrine de l’intégrité territoriale, selon laquelle le pays d’aval a
un droit imprescriptible à un débit fixe.
Des travaux de nombreuses commissions juridiques, comme l’Institut de Droit
International, l’Association de Droit International, ou la Commission de Droit international des
Nations Unies, émerge la notion d’« usage et de répartition équitable », invoquée lors de la
publication des Règles d’Helsinki sur l’utilisation des cours d’eau internationaux par
l’Association de Droit International en 1966, notion reprise en 1991 par la Commission dans son
projet de Loi sur les Utilisations des Cours d’eau internationaux à d’autres fins que la
navigation.43 Mais, outre que la notion de répartition équitable, dans l’éventualité où cette notion
aurait force de loi internationale, est elle-même sujette à interprétation et à négociations, elle
41 The Economist, 4 juillet 1998.
42 McCAFFREY, S., « Water, politics, and international law », in Water in Crisis, sous la dir. de GLEICK, P.,
Pacific Institute for Studies in Development, Environment, and Security, Stockholm, 1994 : 96.
43 GLEICK, P., « Water and Conflict », op. cit., 1993 : 106 ; MUELLER, T. et McCHESNEY, A., « Le Droit relatif
à l’utilisation des cours d’eau internationaux à des fins autres que la navigation », Écodécision, été 1995 ; « Recent
Developments of the International Law Commission regarding International Watercourses and their implications for
the Nile River », Water International, 20, 1995 : 198-200.
14
implique, poussée à son extrême, des changements radicaux dans les économies des États
riverains d’un même fleuve. Ainsi, le commentaire général de l’Association de Droit
International sur les Règles d’Helsinki prévoit-il qu’un « usage présent et raisonnable peut être
reconnu dans une certaine mesure », mais que son poids relatif dans la balance de l’usage
équitable peut être dépassé par d’autres facteurs comme « l’existence de productions agricoles
alternatives [...], l’emploi d’un mécanisme d’utilisation archaïque et source de gaspillage et son
possible remplacement par des méthodes moins gaspilleuses dans la limite des capacités
financières du pays.... ».44 Dans cette optique, la Turquie, qui envisage de mettre en valeur son
potentiel hydroélectrique en Anatolie après que l’Irak et la Syrie aient commencé à exploiter
l’eau du Tigre et de l’Euphrate à des fins agricoles, pourrait demander que ceux-ci modifient
leurs techniques d’irrigation afin de permettre à Ankara d’avoir un juste accès aux ressources
potentielles du bassin de ces deux fleuves. On comprend bien, dès lors, que ces résolutions, bien
que présentes dans le texte final de la Loi sur les Utilisations des Cours d’eau internationaux à
d’autres fins que la navigation votée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 21 mai
1997, aient peu de chance d’aboutir à la ratification d’une Loi générale des usages des cours
d’eau qui satisfasse tant les pays en amont que ceux en aval : trop de doctrines opposées se sont
déjà constituées, et trop d’incertitudes demeurent quant à la définition exacte de la notion
d’usage équitable et aux concessions mutuelles qu’elle implique. Parmi les 3 pays qui ont voté
contre le projet figurent deux puissances incontournables pour la résolution des conflits sur le
partage de l’eau : la Turquie et la Chine.
III) Un facteur de tension qui s’intègre dans la géopolitique locale.
Pour autant que puissent être pressants les besoins en eau des pays impliqués dans des
litiges sur le partage de l’eau, qu’il s’agisse d’arbitrage sur la répartition entre groupes
d’utilisateurs dans des pays occidentaux, d’irrigation pour mettre en valeur de nouvelles terres et
nourrir une population en rapide augmentation, ou de mise en valeur d’un potentiel énergétique,
c’est tout un éventail de réactions possibles qui caractérise ces situations de litige sur l’eau, qui
vont des relations harmonieuses à la guerre ouverte, en passant par le recours à des mécanismes
institutionnels, informels, par la tension interétatique, l’action diplomatique , le litige ouvert et le
conflit armé.45
De même, il est difficile d’établir de règle générale sur l’évolution des conflits au sein des
groupes d’États riverains. Ainsi, l’Égypte, pays en aval, a-t-elle pu, jusqu’à présent, faire
prévaloir ses vues sur le partage du Nil, bien que sa situation géographique la rende plus
vulnérable, quitte à menacer ses voisins d’intervention militaire, comme contre l’Éthiopie en
1978, ou contre le Soudan en 1995; à l’inverse, la Turquie a vu sa prééminence militaire sur la
Syrie et l’Irak renforcée par sa position d’amont sur le Tigre et l’Euphrate.
Ces divers degrés dans le conflit soulignent deux éléments importants : tout d’abord, une
crise, aussi aiguë soit-elle, dans le partage de l’eau, ne débouche pas nécessairement sur un
44 McCAFFREY, S., Water, politics, and international law, op. cit., 1994 : 98.
45 Typologie proposée par SAMSON, P. et CHARRIER, B., Green Cross International, dans International
Freshwater Conflict : issues and prevention strategies, 1997 : 9 (http ://www.gci.ch/water/gcwater/study.html)
15
conflit. Ensuite, l’eau n’est jamais un facteur unique dans le développement d’une situation
conflictuelle : rivalités anciennes, objectifs politiques et stratégiques, querelles nationalistes,
perception plus ou moins légitime du degré de la menace participent à la naissance et au
développement de la tension.
Ainsi, il est évident que la querelle opposant l’Inde et le Pakistan, à la fin des années
1950, sur le partage des eaux de l’Indus, a été considérablement attisée par la rivalité qui
opposait les deux États.
De même, la décision égyptienne de construire le barrage d’Assouan, qui a contribué à
aviver la tension entre Le Caire et Khartoum à la fin des années 1950, correspondait-elle à la
volonté d’asseoir une prééminence régionale qui s’est également traduite par les projets de
République Arabe Unie et par l’intervention égyptienne au Yémen. Inversement, la position
éthiopienne est d’autant plus ferme qu’Addis Abeba se sent soutenue par Washington et surtout
par Israël, dans le cadre d’une stratégie que l’Égypte perçoit comme visant à la contenir en
soutenant ses adversaires régionaux. L’Égypte a conçu de nombreux projets d’intervention
militaire contre l’Éthiopie (plan AIDA) ou contre le Soudan (plan Crocodile).46 Inquiète des
projets soudanais et éthiopiens, l’Égypte a envisagé de développer le reste de son territoire en
exploitant les nappes phréatiques fossiles du sous-sol, ce qui l’a amenée à s’opposer au projet de
Grand Fleuve artificiel de la Libye, qui pompe les eaux des mêmes nappes, un contentieux avivé
par les mauvaises relations entre Le Caire et Tripoli. Dépendante à 97 % du débit du Nil en
provenance des pays en amont, l’Égypte fait graviter sa politique actuelle de sécurité autour d’un
approvisionnement sûr en eau du Nil.
Dans le cadre de sa perception aiguë de sa dépendance des flux du Nil, l’Égypte suit avec
inquiétude l’évolution des conflits chez son voisin soudanais, avec lequel elle entretient de très
mauvaises relations, au point de menacer directement Khartoum d’un conflit armé en 1995, mais
chez qui elle ne voudrait surtout pas voir les rebelles sudistes, appuyés par l’Érythrée et
l’Éthiopie, prendre le pouvoir et risquer de faire sécession, créant un autre État sur le Nil dont la
politique serait favorable aux intérêts de l’Éthiopie. L’Armée populaire de Libération du Soudan
(APLS), ravitaillée directement par Addis Abeba et par Asmara jusqu’à récemment, menace le
barrage de Roseires, sur le Nil bleu, lequel fournit 80 % de l’électricité de Khartoum.47 Qui plus
est, l’Éthiopie et l’Érythrée sont soutenues par Israël, ainsi qu’on l’a vu. Dans cette optique, le
conflit frontalier qui oppose Érythrée et Éthiopie depuis mai 1998 tombe à un moment opportun
dans la stratégie égyptienne de contrer ce que Le Caire percevait de plus en plus comme une
menace sur le Nil.
Le projet de développement anatolien du GAP est un outil certes économique, mais aussi
manifestement géopolitique : tout en fournissant à Ankara les moyens de mieux mettre en valeur
une partie stratégique, mais quelque peu négligée économiquement, de son territoire, il lui
permet de mieux le contrôler en sapant la guérilla kurde grâce au décollage économique du
Kurdistan, retombée principale escomptée de ces investissements très lourds que le pays assume
46 HILLEL, D., « Troubled Waters of Eden », People and the Planet, vol. 5, n°3, 1996 ; SIRONNEAU, J., L’eau,
nouvel enjeu stratégique mondial, op. cit., 1996 : 48.
47 The Economist, 25 janvier 1997 ; PRUNIER, G., « Sudan Update : War in North and South », Writenet Country
Papers, http ://www.unhcr.ch/refworld/country1writenet/wrisdn02.html, mars 1997
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