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 Le prochain siècle sera-t-il celui des guerres de l’eau

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zapimax
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zapimax


Nombre de messages : 654
Localisation : Washington D.C.
Date d'inscription : 14/06/2005

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07102005
MessageLe prochain siècle sera-t-il celui des guerres de l’eau

1
Analyses et perspectives
Groupe de recherche en économie et sécurité
No 3, 2000
Le prochain siècle sera-t-il celui des guerres de l’eau ?1
par Frédéric Lasserre
Résumé : l’eau semble abondante à l’échelle de la planète, mais son inégale répartition
est à l’origine de situations de difficultés d’approvisionnement, voire de pénurie de plus
en plus fréquentes à travers le monde. On songe au Moyen-Orient, où la question du
partage des ressources en eau est un des chapitres majeurs des négociations entre
l’Autorité palestinienne et le gouvernement israélien; mais la gestion de l’eau est
problématique aussi dans certaines régions de l’Inde, de l’Asie du Sud-Est, des Etats-
Unis… Certains analystes prédisent que les tensions associées à ces pénuries
déboucheront sur des conflits; en réalité, les enjeux du partage de l’eau, pour être très
sérieux parfois, n’en sont pas moins une des dimensions dans les relations entre les
différents pays qui se partagent une ressource finie.
Si peu de conflits ont ouvertement débuté du fait de disputes sur l’appropriation de
réserves d’eau, la raréfaction de cette ressource essentielle, que les Occidentaux prennent souvent
pour acquise, est à l’origine de nombreuses tensions entre voisins de par le monde. Longtemps
ignorée, cette question du partage de l’eau a pris récemment le devant de la scène avec la
publication de plusieurs articles et ouvrages sur la question, en général assez alarmistes : Water
Wars, de Joyce Starr (1991), The Water Wars, de Bulloch et Darwish (1993), Hydropolitics, de
Leif Ohlsson (1995) en sont de bons exemples. Mme Starr rapporte notamment que, dès 1985,
les services de renseignements américains estimaient que l’eau pouvaient être le catalyseur d’un
conflit armé dans au moins 10 endroits différents, essentiellement au Moyen-Orient, mais aussi
en Afrique et en Asie.2 Ce souci est désormais celui des Nations Unies, selon M. Wally N’Dow,
secrétaire général de la seconde Conférence des Nations Unies sur les Villes, tenue en 1996, pour
qui l’eau « pourrait être un facteur de déclenchement de conflit, comme le pétrole l’était dans le
passé ».3
La population mondiale a doublé de 1950 à 1997, passant de 2,5 à 5,7 milliards
d’habitants, mais la consommation d’eau globale a quadruplé sur la même période, pour s’élever
à environ 761 m³ par an et par personne. L’eau douce est abondante : les quantités disponibles
sur Terre s’élèvent à 7685 m³ par an et par personne. Pourtant, c’est à une multiplication des
situations de crise liées au manque d’eau que l’on assiste. La principale cause de cette évolution
1 Cet article a été publié dans la Revue Internationale et Stratégique (IRIS, Paris), 1999, n°33.
2 STARR, J. « Water Wars », Foreign Policy, n°82, 1991 : 17.
3 Korea Herald, 7 juin 1996.
2
réside dans la très inégale répartition des ressources en eau, inégale répartition que viennent
aggraver deux autres facteurs : la pression démographique qui impose de mettre en valeur des
terres de moins en moins productives dans des régions qui demandent un apport en irrigation
croissant, d’une part ; et l’accroissement rapide de la consommation par habitant dès lors que
s’élève le niveau de vie, d’autre part.
Ce sont là aussi les principaux facteurs de tension : tout d’abord, les différences notables
de niveau de consommation de l’eau sur un même bassin, différences issues de rapports de force
ou de niveaux de développement socio-économique ; et ensuite, la nécessité, face à des
populations en rapide augmentation, de s’assurer d’un approvisionnement en eau constant et
garanti sur la longue durée, concourent à rendre âpres les négociations sur le partage d’une
ressource de plus en plus perçue comme cruciale pour la sécurité de certains pays.
Pourtant, les litiges ne portent pas que sur la question de l’eau. La résolution rapide de
certains disputes n’est certes pas aisée du fait d’un droit international encore très flou et
contradictoire, mais de nombreux conflits s’enracinent en fait dans des contentieux régionaux
souvent plus anciens, et dont l’échelle dépasse souvent la seule répartition des ressources
hydriques, pour importante que puisse être cette question aux yeux des parties prenantes. La
question de l’eau fait ainsi intervenir les ambitions politiques des États, les perceptions de la
menace, leurs priorités spatiales de développement, et à ce titre constitue une véritable question
géopolitique, au sens de rivalité portant sur des enjeux territoriaux.
I) L’eau, un enjeu politico-économique important
Environ 80 pays, représentant près de 40 % de la population mondiale, font face à des
pénuries d’eau chroniques. Les experts de la FAO évaluent à 2000 m³ d’eau par an et par
personne le seuil au-delà duquel l’eau est considérée comme abondante, et à 1000 m³ le seuil
critique en deçà duquel l’approvisionnement est remis en cause. Or, ce seuil de 1000 m³, une
trentaine de pays totalisant un peu plus de 300 millions d’habitants, ne l’atteindront pas en l’an
20004. Une évolution inquiétante s’esquisse si l’on établit des projections de consommation
basées sur les taux d’accroissement démographique actuels :
Tableau 1 : Un bien rare pour de nombreux pays
Eau douce disponible, en m³ par an et par habitant.
1992 2010 Variation, en %
Arabie Saoudite 140 70 -50
Rwanda 820 440 -46
Oman 1250 670 -46
Yémen 240 130 -46
Niger 1690 930 -45
Syrie 550 300 -45
Djibouti 750 430 -43
Burundi 620 360 -42
Jordanie 190 110 -42
4 Le Monde, 15 février 1994.
3
Libye 160 100 -38
Afrique du Sud 1200 760 -37
Égypte 30 20 -33
Algérie 730 500 -32
Liban 1410 980 -30
Maroc 1150 830 -28
Tunisie 450 330 -27
Israël 330 250 -24
Singapour 210 190 -10
1992 2010 Variation, en %
Pays-Bas 660 600 -9
Hongrie 580 570 -2
Belgique 840 870 +4
Islande 708 000
Canada 109 370
France 3360
Source : POSTEL, S., Facing Water Scarcity, State of the World 1993, Worldwatch Institute.
L’agriculture consomme près de 70 % de l’eau dans le monde, mais 90 % dans les pays
en voie de développement. Les climats arides ou semi-arides imposent le recours à l’irrigation
pour la plupart des cultures, mais la nécessité d’accroître les rendements du fait de la pression
démographique renforce également l’attrait de cette technique. Or, dans la plupart des pays en
voie de développement, ce sont encore des techniques traditionnelles d’irrigation gravitaire qui
sont utilisées, et dont le taux d’efficacité, c’est à dire la part qui est effectivement absorbée par
les plantes, se situe à moins de 45 %. Les techniques d’amélioration des rendements (goutte à
goutte, canalisations enterrées sous pression à micro-pores...) impliquent des investissements très
élevés que les agriculteurs ont rarement les moyens de financer. De fait, en règle générale, plus le
pays est pauvre et plus il consomme d’eau pour irriguer ; les pays du Tiers-Monde utilisent deux
fois plus d’eau par hectare que les pays industrialisés pour une production agricole trois fois
inférieure, en valeur il est vrai.5
Cette prégnance de la nécessité agricole conduit parfois, lorsque les objectifs politiques
s’y mêlent, à des décisions qui menacent la pérennité du développement à moyen terme. Ainsi,
l’Arabie Saoudite pompe des eaux fossiles pour satisfaire plus de 75 % de ses besoins en eau, et
ce taux augmente rapidement du fait d’une politique délibérée d’encouragement à la culture du
blé dans le désert. Cette politique agricole permit au royaume de devenir autosuffisant en 1984,
puis de devenir l’un des principaux exportateurs mondiaux.6 Mais, au rythme de pompage actuel,
et en supposant que 80 % des réserves d’eau puissent être exploitées, les gisements seront taris
dans 50 ans. Au rythme plus rapide qui est prévu pour les années 2000-2010, le tarissement
interviendrait beaucoup plus tôt.7
5 SIRONNEAU, J., L’eau, nouvel enjeu stratégique mondial, Économica, Paris, 1996 : 22.
6 En 1978, le royaume produisait à peine 175 000 t de blé, contre 4 millions de t en 1991 pour une consommation
intérieure de l’ordre d’un million de tonnes. CHESNOT, C., La bataille de l’eau au Proche-Orient, L’Harmattan,
Paris, 1993 : 202.
7 BESCHOMER, N., « Water and Instability in the Middle East », Adelphi Paper n°273, IISS, Londres, 1992 : 16 ;
POSTEL, S., Facing Water Scarcity, State of the World 1993, Worldwatch Institute, 1993 : 24.
4
Cette politique saoudienne souligne un autre point qui exacerbera, à moyen terme, les
tensions portant sur le partage de l’eau. Compte tenu de la vitesse d’accroissement de la
consommation en eau, de nombreux pays sont confrontés à l’obligation d’exploiter des
ressources non-renouvelables, ou d’exploiter leurs ressources à un rythme plus rapide que leur
renouvellement. Le problème majeur des déficits en eau qui en résultent réside dans la
surexploitation des ressources et dans leur caractère cumulatif : ainsi, par exemple pour Israël, la
ressource même devrait être de 15 % inférieure au niveau actuel en 2015.8
Tableau 2 : Exemples de rapport entre consommation d’eau
et renouvellement de la ressource, 1990.
Pays
Prélèvements d’eau, en % des
ressources renouvelables
Taux d’expansion
démographique, % annuel
sur 1990-1996
Libye 374 3,5
Qatar 174 2,4
Émirats Arabes Unis 140 2,7
Yémen 135 5,2
Jordanie 110 4,6
Israël 110 3,3
Arabie Saoudite 106 2,7
Koweït 101 -3,9
Bahreïn 101 2,6
Égypte 97 2
Malte 92 0,7
Source : GLEICK, P., « Water and Conflict », International Security, vol. 18, n°1, 1993 : 53
Les tensions émanant de la rareté de l’eau sont avivées avec la disparité patente dans les
niveaux de consommation entre deux groupes. Ainsi, si le citoyen américain consommait
560 litres par jour en 1997 pour ses besoins domestiques, ce niveau s’établissait à 750 litres à
El Paso (Texas), dont plus de 50 % pour des usages de loisirs comme les piscines et les jardins ;
de l’autre côté de la frontière, à Ciudad Juarez, la consommation quotidienne ne s’élève qu’à
285 litres. De même, dans les Territoires occupés de Cisjordanie, un colon israélien consomme
260 litres par jour contre 70 litres pour un Palestinien.9
II) L’eau au coeur de nombreux litiges
8 LEBBOS, G., « Rareté et précarité des ressources », Les Cahiers de l’Orient, n°44, 1996..
9 BESCHOMER, N., « Water and Instability in the Middle East », op. cit. 1992 : 13 ; PAVLOWSKY, A.,
« Palestine, un accord saumâtre », Hydroplus, n°49, décembre 1994 ; SIRONNEAU, J., L’eau, nouvel enjeu
stratégique mondial, op. cit., 1996 : 25.
5
L’eau et le partage de l’eau apparaissent de plus en plus tant comme des motifs de guerre
que comme des enjeux politiques d’une importance croissante, du fait de la mauvaise répartition
de la ressource, mais aussi de la nécessité de garantir un approvisionnement au moins constant,
sinon en augmentation, afin de garantir l’avenir de populations en expansion encore rapide.
1) L’eau, facteur de tension international, mais aussi à l’intérieur des États.
a) l’eau est une arme
En 1996, lors du raid israélien au Liban, la presse a pu documenter les objectifs de
certains bombardements, qui visaient spécifiquement les canalisations et les citernes d’eau, des
gestes contraires par ailleurs au protocole additionnel de 1977 à la Convention de Genève.10 Au
cours des escarmouches et des guerres israélo-arabes, les canaux et les barrages ont souvent été la
cible des protagonistes.
Les plans de guerre de Singapour contre la Malaisie, avec laquelle les relations sont
toujours très difficiles malgré leur relation officiellement pacifique depuis 30 ans au sein de
l’ASEAN, prévoient la pénétration du territoire malaisien sur 80 km, essentiellement pour se
donner de la profondeur stratégique, et garantir l’approvisionnement en eau.
L’approvisionnement de la petite république provient, en effet, pour près de 50 % de la Malaisie,
et les ressources actuelles commencent à se révéler insuffisantes face à une demande croissante.11
Outre des relations plus ou moins amicales avec Kuala Lumpur, ce qui préoccupe les autorités de
Singapour est essentiellement la rapide industrialisation et l’accroissement du niveau de vie en
Malaisie, qui impliquent une plus forte consommation, et donc moins de ressources disponibles à
livrer.12
Pendant la guerre en Bosnie, la majeure partie des ressources hydriques qui alimentaient
Sarajevo assiégée se situaient en zone serbe, dans les champs de puits de Bacevo. Selon leur
humeur, les Serbes coupaient l’électricité de la station de pompage, avec pour effet immédiat
l’arrêt de la distribution de l’eau.13
b) de sérieux contentieux entre États voisins
Aujourd’hui, le conflit sur l’eau le plus criant est celui concernant le partage des eaux du
bassin du Jourdain. Dans cette région, où la tension est très forte depuis la déclaration
d’indépendance d’Israël en 1948, l’eau fait partie intégrante du conflit et était au coeur du
processus de négociation qui a abouti aux accords d’Oslo en 1993. Déjà en 1919, à l’issue de la
déclaration Balfour, le président de l’Organisation sioniste mondiale, Chaim Weizmann, a
adressé une lettre au Premier ministre britannique, David Lloyd George, dans laquelle il affirme
10 Le Figaro, 25 avril 1996. Protocole additionnel à la Convention de Genève, art. 54, alinéa 2 : « Il est interdit
d’attaquer [...] des biens indispensables à la survie de la population civile, tels que [...] les installation et réserves
d’eau potables et les ouvrages d’irrigation, en vue d’en priver à raison de leur valeur de subsistance, la population
civile [...]. »
11 HUXLEY, T., « Singapore and Malaysia : a precarious balance ? » The Pacific Review, vol. 4, n°3,
1991 : 204-205.
12 Far Eastern Economic Review, 15 août 1996.
13 CHESNOT, C., « L’arme de la soif », Hydroplus, n°50, janvier 1995.
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