Roland Cayrol dénonce les conflits d'intérêt dans la presse française
Le directeur de l'Institut de sondage CSA-Opinion, s'inquiète de la
présence d'actionnaires industriels dans les médias français et appelle
à un réflexion et à une nouvelle législation. en partenariat avec l'IUT de Journalisme de Cannes
Les Français se méfient des journalistes. Tel est le constat dressé par Roland Cayrol lors du colloque « Virtuels et médias, le journalisme en sursis ? »
tenu à Cannes du 23 au 25 novembre. En cause, la cohabitation, sous
l'égide d'un même groupe, de secteurs industriels sensibles et d'une
activité journalistique.
Roland Cayrol «
Nous sommes le seul pays au monde où les groupes de presse sont dirigés
par des industriels ou des financiers qui ont également des intérêts
dans d'autres domaines (armement, industrie du luxe, eau…). Les grands
groupes dont je viens de parler sont des groupes qui ont une activité
principale et qui de surcroît ont des instruments de communication…
sans doute pour servir aussi leur stratégie et leur politique. » Alors que Dassault jongle entre
Le Figaro et l'aéronautique, Bouygues papillonne de TF1 à la construction, en passant par la téléphonie mobile.
Le Monde,
dont deux représentants sont invités aux Rencontres de Cannes, a
lui-même comme actionnaire important le groupe Lagardère dont les
contrats avec l'Etat
dans de nombreux domaines sont de notoriété
publique. Forcément, la définition du journaliste,
« celui qui rapporte les faits au bénéfice de la vérité » en prend un coup. C'est ce que les Américains appellent le conflit d'intérêt : le journaliste du
Mondequi traite de l'aéronautique ou de la presse magazine, secteurs
d'activités du groupe Lagardère, sait qu'il risque de mettre en cause
son employeur.
Hervé Gattegno Hervé Gattegno, rédacteur en chef du
Point, confirme que la présence d'un actionnaire principal privé, François Pinault en l'occurrence, réduit la liberté d'expression.
«
La vraie question qui se pose aux salariés du Point comme à l'ensemble
des journalistes, c'est de savoir s'ils pourraient eux-mêmes révéler
des informations mettant en cause leur actionnaire. Pas de langue de
bois, il est probable que non ! L'actionnaire propriétaire d'un journal
ne considère pas forcément que celui-ci a pour vocation de mettre à
jour des informations compromettantes. Ce qui est nécessaire, c'est la
transparence entre le média et ses lecteurs. Chaque fois que nous
parlons de François Pinault ou de son groupe dans nos colonnes, nous
signalons qu'il est le propriétaire du Point. Je pense que ce contrat
de confiance existe avec les lecteurs. Il est probable que les lecteurs
du Point n'attendent pas spécialement de leur journal qu'il fasse des
enquêtes sur son propre actionnaire. » Pour Roland Cayrol, il n'est pas anodin que la France se retrouve à la 31ème place
dans le classement de Reporters Sans Frontière
qui évalue la liberté d'expression
dans le monde. Selon lui, il faut
remédier à cet état de fait par une concertation des professionnels et,
sans doute, par des mesures législatives :
«
Certes, il faut changer la loi, mais surtout, les journalistes doivent
réfléchir à de nouvelles normes d'exercice professionnel, et établir de
nouvelles normes éthiques et déontologiques. Dans beaucoup de journaux,
il y a déjà des sociétés de journalistes qui s'efforcent de défendre
l'indépendance rédactionnelle face à ces tentatives de pression des
groupes. Je crois qu'il faut continuer dans ce sens. » Samedi 24 Novembre 2007 - 22:38
J. Iwaniuk et J. Tomeï (IUT de Cannes)
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