3 novembre 1903
Le Panama, un État sur mesure
Le 3 novembre 1903, le territoire de Panama fait sécession d'avec la Colombie.La
création du nouvel État n'a rien d'un mouvement spontané. Elle est
téléguidée par le gouvernement américain qui souhaite avoir les mains
libres pour y creuser un canal et faciliter les liaisons maritimes
entre l'océan Atlantique et l'océan Paficique.Joseph Savès
Un isthme très convoité
Le
Panama ayant l'insigne privilège d'être l'endroit le plus étroit de
l'isthme qui unit l'Amérique du Nord à l'Amérique du Sud, les
conquérants européens ont dès le XVIe siècle l'idée d'y percer un canal
pour relier l'océan Atlantique à l'océan Pacifique.Après l'échec de Ferdinand de Lesseps, dont le projet, mal conçu, sombre dans un gigantesque scandale financier, les Américains relèvent le défi et, pour 40 millions de dollars, rachètent les droits des Français sur le canal.Un enjeu stratégique pour Washington
Depuis leur guerre contre l'Espagne
(1898), les États-Unis ressentent le besoin d'offrir à leurs navires
qui relient la Californie à la côte Est un chemin plus court que le
contournement de l'Amérique du sud par le détroit de Magellan. Gagnés
par la fièvre impérialiste qui a saisi les grands États européens, ils
veulent faire de l'Amérique latine leur arrière-cour.Ils songent
d'abord à un canal qui passerait plus au Nord, par le Nicaragua, où
l'isthme est plus large qu'à Panama mais n'est pas traversé par une
chaîne de montagnes. Finalement, ils se rallient au principe d'un canal
à écluses à travers Panama, selon la conception de l'ingénieur français
Philippe Bunau-Varilla.Le gouvernement colombien, qui exerce sa
souveraineté sur le territoire, voit le projet d'un bon oeil. Mais au
dernier moment, les députés colombiens refusent d'aliéner leur
souveraineté et s'y opposent.Sans scrupule, le gouvernement du
président Theodore Roosevelt encourage alors les habitants de Panama à
faire sécession. Les vaisseaux de guerre américains mouillent devant
les villes de Colon et Panama, dissuadant l'armée colombienne
d'intervenir.Trois jours après la proclamation de
l'indépendance, les États-Unis reconnaissent le nouveau pays. Ils
signent un traité pour la construction du canal dès le 18 novembre.Ce
traité porte le nom du secrétaire d'État américain Hay et de
l'ingénieur Bunau-Varilla. Il prévoit la cession à perpétuité aux
États-Unis d'une bande de 10
miles de large (16 kilomètres)
en échange de 10 millions de dollars (une broutille). Ces conditions
léonines sont le reflet de la politique impérialiste et volontiers
brutale des États-Unis de ce début du siècle, sous la présidence de
Theodore Roosevelt, apôtre de la politique du
«gros bâton» (
«big stick»).Des travaux éprouvants
Un
médecin américain, William Gorgas, engage sans attendre la lutte contre
les moustiques qui infectent la région et propagent la malaria. Malgré
cela, sous le climat tropical, les travaux de construction du canal se
révèlent éprouvants. Ils mobilisent jusqu'à 24.000 ouvriers
essentiellement originaires des Antilles, sous la direction de
l'ingénieur civil John Stevens.Le canal, long de 75 kilomètres, est enfin inauguré au début de la Grande Guerre, le 15 août 1914, avec la traversée du vapeur
Ancon battant pavillon américain. Il aura coûté seulement 375 millions de dollars, soit 22 millions de moins que prévu !Le
trafic maritime est passé de 2.000 navires par an pendant la Grande
Guerre à 14.000 par an au début du XXIe siècle. Sa progression est
désormais freinée par la capacité insuffisante des écluses et la
largeur du chenal, qui exclut une proportion croissante de navires.La souveraineté du Panama a été rétablie sur la zone du canal le 1er janvier 2000.
http://www.herodote.net/histoire/evenement.php?jour=19031103