Juin 40 : massacres de tirailleurs sénégalais.
C’est rare qu’on parle des tirailleurs sénégalais
systématiquement massacrés pendant l’offensive allemande de
1940. Un récent livre de Raffael Scheck - s’il n’est pas exempt
de ces travers agaçants qu’on retrouve chez beaucoup d'universitaires
dont l'écriture est à peu près à la littérature ce que la
gynécologie est à l'amour- a au moins l'avantage de revenir
sur cette question peu connue en France et qui mériterait
d’être approfondie (voir aussi les études de Peter Martin
en langue allemande sur la négrophobie nazie).
En juin 1940, au cours de l’offensive, et donc dans les jours
qui précédèrent la désormais célèbre visite d’Adolf à Napoléon
aux Invalides, plusieurs milliers de soldats coloniaux furent
assassinés dans des conditions révoltantes par les troupes
du Reich. Beaucoup de Sénégalais s’étaient battus avec vaillance,
sans ignorer, apparemment, ce qui les attendait s’ils étaient
pris vivants. Ceux qui prenaient le risque de se rendre étaient
séparés de leurs camarades ou de leurs officiers européens
et souvent exécutés sommairement. Les raisons de ces exactions
sont clairement liées à la propagande raciste de Goebbels.
Pour beaucoup de soldats allemands, et pas seulement les plus
« nazifiés », les Africains n’étaient que des bêtes sauvages
et leur utilisation par les Français « blancs » était une
violation des lois de la guerre autant qu’une trahison de
la « race » blanche. En fait, ces préjugés étaient souvent
partagés par le haut commandement français et par une partie
de la population. J’ai le souvenir d’avoir entendu dans mon
enfance des femmes de combattants rappeler de quelle manière
on les rassurait entre septembre 39 et juin 40 sur le sort
de leurs maris mobilisés. « Ils ne craignent rien, disait-on,
on a mis les nègres en première ligne». Au-delà de cette rumeur,
il y avait sûrement un fond de vérité.
Sur le thème des combattants subsahariens engagés dans les
opérations, on se reportera utilement au film honnête de Pierre
Javaux,
Les enfants du pays (2005) où malheureusement
l’excellent Michel Serrault, peut-être mal dirigé en l’occurrence,
ne semble pas au mieux de sa forme, trop soucieux qu’il est,
semble-t-il, de jouer son propre personnage. L’idée du film
est assez simple : en 1940, quelques tirailleurs se retrouvent
isolés de leur unité dans un village en lisière de la frontière
belge, au moment de l’offensive. Il ne reste que trois habitants
: un vieil homme et ses deux petits enfants qui ne partagent
pas ses préjugés. Pierre Javaux semble avoir ignoré le sort
généralement réservé aux tirailleurs capturés. Si tel n’avait
pas été le cas, il aurait sûrement tiré parti de cet élément
pour enrichir le dénouement, par ailleurs intéressant, de
son histoire. A propos de cinéma, je recommande l'excellent
film de John Ford
Sergent Rutledge (1960) récemment
réapparu sur les écrans parisiens sous un titre français (involontairement
?) raciste
Le sergent noir ! Il ya des gens décidément
indécrottables. Dommage, car ce titre imbécile va exactement
à l'encontre du propos du film.
http://www.claude-ribbe.com/blog.htm
Mer 3 Oct - 16:47 par mouragues