Pur sang : Charles Himmer et la drépanocytose
Même si elle demeure peu connue, la drépanocytose est l'une des
maladies génétiques les plus fréquentes au monde. Elle touche
principalement les populations Noires. A ce jour, on ne sait pas encore
la guérir. On ne peut qu’en prévenir et en soulager les symptômes. Au
quotidien, des millions de malades apprennent à vivre avec leurs crises
parfois extrêmement douloureuses. Par Ketty Guillaume
Charles
Himmer est un beau garçon. Brésilien par sa mère et Martiniquais par
son père, il attire les regards. Surtout lorsqu’il déplie son mètre 90.
Furtivement on pense à Huggy Les Bons Tuyaux, pour sa dégaine de dandy
excentrique et longiligne.Sourire irrésistible, costume rétro, autour du cou et aux poignets des
médailles de vierges et des liens colorés de l’église Bonfim do Bahia.
"Pas parce que c’est à la mode. J’en ai toujours porté. Ca, ce sont mes
racines !"
A 27 ans, Charles est hâbleur, tchatcheur, rigolard et terriblement dragueur.
Parfois puéril, il n’hésite pas à demander les numéros de téléphone de toutes les belles qui passent à portée de son regard.
Durant le temps de l’interview, il a obtenu avec une facilité
scandaleuse celui de la serveuse et zieute déjà, à deux tables de nous,
une autre jeune femme, le genre snob et inabordable.
C’est peut-être justement cela son secret ? « Les belles femmes,
personne n’ose les aborder. Ce qui fait que, plus souvent qu’on ne le
croit, elles sont seules..."
Toujours délicat, Charles raconte ses multiples conquêtes. Il énumère,
gourmand et malicieux, mais à aucun moment ne rabaisse les femmes dont
il parle. "Moi je suis commercial dans la vie et dans l’âme, je ne
lâche que très, très rarement."
Et après ? Quand ça finit par marcher ? Tu n’as jamais eu envie de te
caser ? "Et non ! Malheureusement je n’ai pas encore pu trouver la
femme qu’il me faut. Pourtant c’est mon rêve : me poser avec une
personne que j’aime et qui me comprend, avoir des enfants… Le problème
c’est que je ne suis pas quelqu’un avec qui il est facile de vivre :
avec ma maladie, ça n’est pas simple..."
« Je me rappelle une fois j’avais rencontré une Japonaise, super mimi.
Nous sommes allés chez elle et une fois endormis, pendant la nuit, une
de mes crises a commencé. Dans ces moments-là, je sais quoi faire, j’ai
l’habitude : j’appelle les pompiers, direction les Urgences Tenon dans
le 20ème. Chez moi j’ai toujours un sac d’affaires tout prêt.
Je sais que je peux me retrouver à l’hôpital à tout moment. Bref je me
tordais de douleur, les pompiers ont débarqué, la fille s’est
réveillée, elle ne comprenait pas, elle parlait à peine le français et
surtout rappelons-le, me connaissait à peine. Elle connaissait encore
moins la raison de mes symptômes ! Je me mets à sa place, comme ça en
pleine nuit, ça a dû être vraiment flippant pour elle."
C’est cette ombre au tableau qui fait de Charles un personnage
ambivalent. Derrière son grand rire et ses vannes, il connaît depuis
tout petit l’univers de la douleur, des perfusions de morphine, des
urgences, des transfusions sanguines "… Après, je suis tout neuf !"
puis quand ça va mieux, de la solitude dans la chambre d’hôpital "à
comater devant la télé pendant des jours...", pour récupérer.
Charles est atteint de Drépanocytose.
La drépanocytose, ou anémie falciforme, est une maladie héréditaire
touchant environ un nouveau-né sur 6000. Même si elle demeure peu
connue, la drépanocytose est l'une des maladies génétiques les plus
fréquentes au monde.
Elle est caractérisée par l'altération de l'hémoglobine, dont le rôle
est d’assurer le transport de l'oxygène dans le sang : Les globules
rouges sont déformés et prennent une forme de croissant (voir le
dessin). C’est pour cela que l’on parle d’anémie falciforme.
Ces
globules rouges anormaux provoquent des caillots qui bouchent les
vaisseaux sanguins, entraînant des douleurs très intenses et brutalesdans une partie du corps : fréquemment au niveau des os (des mains, des
pieds, des hanches) ou de l’abdomen. Ce sont ce que l’on appelle les
crises vaso-occlusives. Certains facteurs déclencheurs de ces crises
sont identifiés : il peut s’agir du froid, de la déshydratation ou du
stress.
La drépanocytose atteint particulièrement les populations d’origine africaine(Afrique Noire ou du Nord et Antilles). Il faut savoir que le gène de
cette maladie est à double tranchant : plus fréquent dans les zones
paludéennes, il permet à l’individu aux globules déformés de mieux
résister au paludisme que celui dont les homozygotes sont sains !
Ce gène est également récessif : il faut que les deux copies du gène soient anormales pour que l'individu soit malade. Ainsi,
une personne ne peut être atteinte que si ses deux parents lui transmettent le gène responsable. Le sang créole des deux parents de Charles en faisait donc une victime tangible.
D’autres problèmes sont posés par cette maladie : l’anémie bien sûr,
une forte fatigue ou des infections auxquelles les patients sont très
sensibles. Chez Charles, l’os de la hanche a été altéré, au fur et à
mesure des nombreuses crises. On a dû lui poser l’année dernière une
prothèse. Il s’agit d’une opération délicate qui a nécessité une longue
période d’arrêt de travail, le repos post-opératoire étant additionné à
la rééducation. "Mais ça va, je m’en suis bien remis. Par contre
quand il fait froid je sens la prothèse, c’est désagréable. Eh oui, le métal refroidit plus que le tissu musculaire, logique !"Serein, Charles explique que lors de sa convalescence dans une clinique
de l’Ouest parisien, c’était lui, le grand, qui consolait les petits
opérés, "les petits 'Drépas' comme on s’appelle entre nous". "J’étais
un peu comme le grand frère, qu’est-ce qu’ils me faisaient rigoler à
s’embrouiller toute la journée pour des bêtises !".
Alors revenons-y justement : être parent pour de vrai, pourquoi pas ?
"Le problème est le suivant :
si je tombe amoureux d’une fille Noire ou Métisse, je sais bien que je ne serai jamais tranquille.Le jour où on décidera d’avoir des enfants il y aura toujours la
question en filigrane, est-elle porteuse du gène ou pas ? Une fille
peut être porteuse saine et passer toute sa vie sans le savoir. Mais
nos deux gènes associés… Je ne veux pas voir mon enfant souffrir ce que
j’ai souffert. C’est dommage, mais je me dis qu’il vaut mieux ne pas
prendre de risques." C’est sa façon à lui de berner la maladie.
Mais ce ne sera peut-être pas si simple : Au même moment passe devant
la terrasse du restaurant un groupe de grandes lianes Métisses en mini
shorts et tongs, probablement des mannequins. Charles devine
immédiatement des Brésiliennes et sans la moindre hésitation les
interpelle : "Todo Bom? Está do Brasil? onde ao Brasil?". Surprises et
souriantes elles s’arrêtent. Irrésistible, je vous dis !
Quelques adresses :L'Association française contre les myopathies (AFM), organisatrice du Téléthon, soutient les recherches sur la Drépanocytose.
L’association DREPAVIE est l’Association Française pour la Lutte contre
la Drépanocytose. Elle propose des conseils et des témoignages,
organise des dîners et des week-ends associatifs de loisirs, par
exemple cette année en Bourgogne, pour 10 malades. http://drepavie.new.fr/
La Fédération SOS GLOBI ou Fédération des Malades drépanocytaires et
Thalassémiques, propose des infos, des recommandations en cas
d’urgence, permet de faire un don pour la recherche, etc. http://www.sosglobi.fr/
Le CIDD (Centre d'Information et de Dépistage de la Drépanocytose),
accueille pour un dépistage gratuit sans RDV, du lundi au vendredi de
14h à 17h.
37 bd St Marcel (M° St Marcel ou Gobelins) - 01 42 17 13 00
Le forum http://drepavie.editboard.com/ aide les familles à échapper à l’isolement.