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 La Naissance du monde moderne, 1780-1914

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mihou
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mihou


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21122006
MessageLa Naissance du monde moderne, 1780-1914

La Naissance du monde moderne, 1780-1914
Christopher A. Bayly

En réalité, les grandes religions ont connu une renaissance spectaculaire après 1815. Au cours de ce processus, elles se transformèrent, et transformèrent les sociétés au sein desquelles elles agissaient. Bien entendu, les autorités religieuses conclurent une série de pactes et de concordats, souvent peu avantageux, avec des Etats ou des empires qui venaient de se renforcer. Au Brésil par exemple, l’Eglise catholique se retrouva séparée de l’Etat après la proclamation de la République en 1889. En France, l’Eglise dut mener un combat permanent durant les longues années sous la Troisième République après 1871. En Grande-Bretagne, les vieux règlements qui empêchaient les catholiques romains et les protestants dissidents d’aller suivre des études dans les Universités d’Oxford et de Cambridge furent finalement abandonnés. Les Eglises renoncèrent dans certains cas à mener des batailles sans objet et qui ne pouvaient sans doute pas être gagnées contres des idées libérales et scientifiques ayant le vent en poupe ; dans d’autres, elles subirent quelques défaites symboliques.

Toutefois, les autorités religieuses ne concédèrent souvent des replis tactiques que pour mieux investir certaines sphères nouvelles de la vie culturelle et sociale. La « sécularisation » ne fut en fait qu’un aspect mineur de la reconstruction interne de la sensibilité et de l’organisation religieuses. Elle fut l’arbre qui cachait la forêt, et non pas la forêt elle-même. Un peu partout dans le monde, les religions affirmèrent et affinèrent leur identité, en particulier autour de la fin du XIXe siècle. Elles se développèrent en essayant d’absorber les différents systèmes de croyance, de rituels, de pratiques qui avaient toujours bouillonné sous la surface des choses au cours des périodes antérieures de prétendue religiosité. Les autorités religieuses tendirent la main pour s’ouvrir de grandes régions de spiritualité excentrée, en particulier en Afrique, dans le Pacifique, et dans les zones en voie de colonisation de l’intérieur de l’Amérique et de l’Asie, régions qui n’avaient pas jusqu’alors été de leur ressort. Ce faisant, les grandes religions universelles s’engouffrèrent dans certaines sphères de la vie sociale et familiale qui avaient jusqu’alors relevé de la compétence des anciens ou des coutumes ancestrales, plutôt que des codes religieux. Il ne faudrait donc pas voir dans les lamentations répétées des partisans d’un réveil de la religion déclinante, sur le développement des mentalités séculières, et sur l’ignorance des païens ou des ouvriers, une preuve validant des « faits » historiques. Il s’agissait avant tout d’une manière de mobiliser des autorités religieuses de plus en plus désireuses de s’affirmer, ainsi que les publics chrétien, musulman, hindou, ou bouddhiste auxquels elles s’adressaient.

Un des traits essentiels de ce réveil des religions fut qu’il se manifesta à l’échelle planétaire. Il a toujours été entendu que c’était en partie en réaction à la vigoureuse offensive des missionnaires chrétiens à l’époque des empires que le judaïsme, l’islam, l’hindouisme, ou le bouddhisme s’étaient réorganisés. A l’intérieur de l’ère chrétienne, le catholicisme romain se vit pour sa part forcé de réviser ses doctrines et ses pratiques au début du XIXe siècle face au poids grandissant des protestants et de leur impérialisme évangélique. La dimension moins visible est que la religion chrétienne elle-même se trouva radicalement changée par la pratique du prosélytisme et des guerres de propagande menées en dehors de l’Europe. Certaines formes de publication et de prédication missionnaires inventées en Asie, en Afrique et dans le Pacifique, furent ramenées sur les continents américain et européen pour créer des missions se consacrant aux pauvres. Ainsi, les baptistes américains créèrent une de leurs premières conventions nationales en 1814 dans le but de soutenir la mission d’Adoniram Judson en Birmanie. Par la suite, d’autres conventions furent créées pour coordonner la charité ou l’action d’évangélisation au plan national. Les premières tentatives de coopération entre Eglises chrétiennes furent également menées dans les terres de mission d’Afrique et d’Asie, où les non chrétiens pouvaient effectivement se moquer de ces chrétiens incapables ne serait-ce que de s’entendre entre eux. En Asie, ces mêmes baptistes américains ainsi que les congrégationalistes n’eurent pas d’autre choix que de coopérer avec des baptistes britanniques déjà installés en Inde en bénéficiant d’un plus large soutien, ainsi qu’avec le gouvernement mis en place par la Compagnie des Indes orientales.

Dans nombre d’endroits où opéraient des évangélisateurs chrétiens, ce furent en fait les progrès préalablement accomplis par l’islam qui rendirent nécessaire une réaction de la chrétienté, et non l’inverse. Il y eut de même au sein du monde islamique, dans des régions de la périphérie comme le Nigéria septentrional, le Soudan ou les Indes orientales hollandaises, des luttes contre les éléments hétérodoxes et incroyants qui se répercutèrent et redonnèrent de l’allant aux organisations ou aux théologiens du centre. Comme on l’a dit précédemment, le prêcheur fondamentaliste de la région centrale très pauvre de l’Arabie, Abd al-Wahhab, fit trembler les mosquées d’Istambul et du Caire. Là comme ailleurs, une histoire planétaire fait apparaître des schémas de causalité invisibles pour les spécialistes nationaux et régionaux, ou pour ceux d’une seule religion.

Ce chapitre mettra l’accent sur ce que les historiens et les anthropologues continuent d’appeler les « religions universelles ». A notre époque, les croyants interprètent cela comme signifiant « religions avancées », par opposition aux religions « primitives » ou « animistes ». Ces notions évolutionnistes ne sont bien entendu plus de mise. On entendra ce terme comme signifiant seulement que ces différentes croyances avaient, d’une manière ou d’une autre, une portée planétaire ; elles s’avérèrent capables de voyager au loin et de passer d’une culture à l’autre. Cela fut dû au fait qu’elles possédaient des Ecritures saintes couchées sur le papier, et des formes de culte codifiées pour le public ou l’assemblée des fidèles. Même l’hindouisme ou le confucianisme, qui mettaient moins l’accent que l’islam ou la chrétienté sur le devoir de prosélytisme, s’avérèrent capables d’attirer des groupes situés à la marge de leur aire géographique dans une sorte de communion de rituels.

La catégorie « religion universelle » est toutefois bien loin d’épuiser le registre de la spiritualité humaine. Il existait d’autres traditions religieuses, s’appuyant sur une communauté, qui se développaient rarement en faisant des convertis. Relevaient de cette catégorie le sikhisme indien, le judaïsme, et ces variantes du christianisme orthodoxe ou syriaque implantées en Russie, au Moyen-Orient et en Inde. Les traditions religieuses de ce type se déplaçaient quand leurs adeptes migraient. Mais elles se propageaient rarement au delà des limites de certaines régions ou des certaines ethnies parfaitement circonscrites, même si ces trois fois avaient à une certaine période été plus enclines à s’étendre. En deuxième lieu, il y avait des cultes existant à l’intérieur d’autres religions. Là encore, ils étaient peu susceptibles de « voyager ». On rangera dans cette catégorie les pratiques basées sur la vénération des ancêtres et des esprits, ainsi que ces religions « anciennes » survivant dans les mondes chinois et japonais, appelées taoïsme et shintoïsme. D’autres cas relevaient de pratiques ésotériques, comme par exemple le shakti au sein de l’hindouisme, ou encore certains cultes chrétiens bénéficiant d’un enracinement local. De tels cultes apportaient une énergie spirituelle à certains groupes de fidèles, qui auraient par ailleurs considéré qu’ils se rattachaient à une religion universelle plus vaste, et aussi plus complexe du point de vue doctrinal.

Pourtant, même ces croyances et ces cultes régionaux existant au sein des différentes religions finirent par sentir peser sur eux la volonté propre aux religions universelles d’organiser et de ranger en catégories. Ainsi, les chrétiens syriaques orthodoxes commençaient à éditer et à imprimer leurs Ecritures saintes quand ils se retrouvèrent soumis à la pression des missionnaires catholiques et protestants qui tentaient de les convertir. De la même façon, les sikhs indiens commençaient dans les années 1870 à insiste sur le fait « (qu’ils n’étaient) pas des hindous » et à mettre en forme leur propre doctrine lorsque les apôtres d’un hindouisme régénéré tentèrent de les annexer . Lorsque les Japonais commencèrent à voyager à l’étranger en quête de marchés et d’un empire, ils tentèrent aussi de propager dans ces nouveaux territoires un culte shinto qui pour l’essentiel leur était propre. Finalement, dans une grande partie de la Mélanésie, de la Polynésie, de l’Afrique, et même parmi les peuples amérindiens, il existait toute une profusion de pratiques spirituelles ne connaissant ni liturgie, ni textes sacrés, ni assemblée des fidèles, et qui prenaient la forme d’une initiation aux « mystères ». Toutes ces pratiques représentaient une forme de spiritualité radicalement différente des religions universelles, et leur logique relevait du secret et de l’expérience individuelle plutôt que du conformisme ou du sermon. Il ne fait aucun doute que ces formes différentes de croyance et de pratiques religieuses humaines continuèrent de se transformer, de se développer, ou de disparaître au cours du long XIXe siècle, en fonction d’une logique interne et propre. Toutefois, ce qui fit de cette période une période unique fut que l’ensemble de ces spiritualités se trouva profondément influencé, et parfois même transformé, par l’expansion des religions universelles. Parmi ces différentes formes de religions beaucoup survécurent, résistèrent, voire se développèrent, mais rares furent celles qui ne furent pas affectées par l’expansion des empires religieux.

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