MONDE-HISTOIRE-CULTURE GÉNÉRALE
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.
MONDE-HISTOIRE-CULTURE GÉNÉRALE

Vues Du Monde : ce Forum MONDE-HISTOIRE-CULTURE GÉNÉRALE est lieu d'échange, d'apprentissage et d'ouverture sur le monde.IL EXISTE MILLE MANIÈRES DE MENTIR, MAIS UNE SEULE DE DIRE LA VÉRITÉ.
 
AccueilAccueil  PortailPortail  GalerieGalerie  RechercherRechercher  Dernières imagesDernières images  S'enregistrerS'enregistrer  Connexion  
Derniers sujets
Marque-page social
Marque-page social reddit      

Conservez et partagez l'adresse de MONDE-HISTOIRE-CULTURE GÉNÉRALE sur votre site de social bookmarking
QUOI DE NEUF SUR NOTRE PLANETE
LA FRANCE NON RECONNAISSANTE
Ephémerides
Le Deal du moment :
Coffret dresseur d’élite ETB ...
Voir le deal
56.90 €

 

 Ces Français qui partent réussir ailleurs

Aller en bas 
AuteurMessage
mihou
Rang: Administrateur
mihou


Nombre de messages : 8092
Localisation : Washington D.C.
Date d'inscription : 28/05/2005

Ces Français qui partent réussir ailleurs Empty
21122006
MessageCes Français qui partent réussir ailleurs

Le Point, no. 1741
Economie, jeudi 26 janvier 2006, p. 64

Ces Français qui partent réussir ailleurs

Emmanuel Saint-Martin; Saïd Mahrane; F. A.; Armelle Vincent; Carole Duffréchou; Romain GUBERT

La faute au chômage. A la morosité. Mais aussi à la mondialisation du marché de l'emploi. Les jeunes Français ne résistent plus aux sirènes de l'Espagne, des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne... ou même de pays beaucoup plus exotiques.

Benoît Garcia pianote depuis quelques minutes sur un ordinateur. Sous ses yeux, les offres d'emploi et les pays défilent. La Pologne ? La Grande-Bretagne ? Le Québec ? Cet ébéniste ne sait pas encore vers quelle contrée plus ou moins lointaine il va bientôt partir. Il s'en moque. Ce dont il est sûr, c'est qu'il bouclera à nouveau sa valise dans peu de jours. Comme il l'a déjà fait il y a quelques années, lorsqu'il est sorti de son école et que, déjà, parce qu'il ne trouvait pas de travail en France, il s'était exilé à Londres quelques mois. « J'adore la France. Mes amis, ma famille. Je n'ai pas l'âme d'un mercenaire. Mais je ne supporte plus d'attendre une amélioration de la situation économique. Cela fait plusieurs semaines que je cherche. Je ne trouve que des petits boulots dans la restauration, payés des clopinettes. C'est le néant. Je ne peux pas rester plus longtemps ici les bras croisés. » Ce jeune trentenaire plein de talent et de belles références - dans le passé, il a travaillé en CDD pour des artisans du faubourg Saint-Antoine, pour l'Assemblée nationale et l'aile Richelieu du Louvre - ne cherche pas particulièrement à faire fortune. Mais simplement à exercer ce métier qu'il aime tant. Quitte à faire des sacrifices. « Il y a quelques mois, je suis parti sur un chantier à Budapest, en Hongrie. Je ne touchais que 400 euros par mois, mais j'y ai vu des gens heureux, motivés, dynamiques... »

A deux pas de la Bastille, à Paris, l'Espace emploi international est un endroit étrange. C'est un peu le repaire de tous ces futurs exilés qui s'apprêtent à quitter la France. Un cuistot pour la Chine, un ingénieur pour l'Azerbaïjdan, un médecin pour la Finlande, un informaticien pour Munich... Dans cette agence gérée conjointement par l'ANPE et l'ancien Omi (Office des migrations internationales, rebaptisé récemment Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations - Anaem), une dizaine d'ordinateurs recensent des milliers d'offres d'emploi disponibles à l'autre bout du monde, dans des pays au nom exotique ou à deux pas, chez nos voisins européens. Derrière une table, un conseiller vante les mérites de tel ou tel continent. Un autre tente d'alerter un candidat au départ un peu trop naïf que refaire sa vie ailleurs ne résoudra pas forcément ses problèmes personnels. Larbi, 32 ans, a fait son choix. Ce sera le Québec. Ce jeune ingénieur diplômé en 2002 est au chômage depuis dix-huit mois après un CDD. Il a déjà engagé les premières démarches pour décrocher un visa de travail. Après avoir envoyé 200 CV dans des entreprises françaises, décroché quelques entretiens, des réponses toutes négatives, il jette l'éponge. « J'ai le sentiment d'être dans un cercle vicieux, comme si on avait dressé des barrières devant moi. En France, pour se loger, il faut un job. Pour décrocher un job, l'employeur veut quelqu'un avec de l'expérience... Partir à l'étranger n'a jamais fait partie de mes projets. Je voulais même construire ma vie ici. Mais je ne vois aucune autre solution. »

Les chiffres donnent le tournis. En dix ans, 600 000 Français sont allés chercher leur eldorado à l'étranger. Soit une augmentation de 40 % des départs par rapport à la décennie précédente. Rien que l'an passé, les inscriptions dans les consulats ont fait un bon de 14 %. Plus symbolique : en 2005, le nombre des Français installés à l'étranger a dépassé pour la première fois 2 millions. C'est une hémorragie. Selon un sondage de l'Apec (Association pour l'emploi des cadres), 65 % des jeunes fraîchement diplômés bac + 4 s'avouent même prêts à quitter l'Hexagone s'ils n'y trouvent pas d'emploi. Autre donnée qui donne la mesure du phénomène : 40 000 jeunes diplômés attendent actuellement un VIE (une sorte de service national d'un an à dix-huit mois dans une entreprise française installée à l'étranger). Pas étonnant dans un pays où 40 % des moins de 30 ans sont au chômage, ce qui en fait la lanterne rouge européenne.

Tout un symbole : certains ont même fait un business de ce nouveau « marché ». Tel le site Internet www.france-expatries.com (8 salariés et 160 correspondants internautes sur toute la planète) qui propose une multitude de conseils pratiques. « Il y avait un vrai besoin pour ceux qui veulent partir, mais aussi pour ceux qui vivent à l'étranger et qui se posent des tas de questions sur l'évolution de la législation en France », raconte Renaud Alquier, 26 ans, le patron du site créé en 2001.

La faute au chômage ? La faute au « déclin » de la France ? A ses rigidités ? Bien sûr. Mais pas seulement. En tout cas pas pour les jeunes diplômés des grandes écoles. Pour Jacques-Olivier Pesme, professeur à l'Ecole de management de Bordeaux, où le quart d'une promo (300 diplômés par an) choisit de partir à l'étranger pour une première expérience (contre moins de 7 % il y a encore dix ans), le phénomène est certes spectaculaire. Mais il correspond moins à une fuite pour cause de morosité ambiante qu'à l'évolution de l'économie. « Dans les années 60-70, ceux qui s'exilaient étaient des aventuriers ou des expat' traditionnels, envoyés par les quelques grosses entreprises françaises qui avaient des filiales à l'étranger. Mais, petit à petit, dans les années 80, les sociétés, petites et grandes, se sont ouvertes à l'Europe et le marché du travail s'est lui aussi européanisé. Tout comme les études, grâce aux partenariats européens entre universités. Aujourd'hui, c'est une conséquence de la mondialisation : la plupart des entreprises travaillent sur tous les continents et le marché du travail est lui aussi global. Et il est devenu plus simple pour un jeune qui veut absolument travailler chez L'Oréal d'envoyer son CV dans la filiale chilienne du groupe de cosmétiques en forte croissance qu'au siège à Paris, où il sera noyé parmi d'autres. » Même constat chez HEC : l'an passé, la grande école de commerce a vu 28 % de la promo 2005 quitter la France. Et moins par recherche d'exotisme que pour des raisons matérielles : il n'est pas rare qu'un jeune diplômé recruté dans un cabinet-conseil britannique ou à la City de Londres décroche un salaire de 50 000 à 70 000 euros par an...

Chez les scientifiques, la problématique est bien différente. Il ne s'agit pas tant d'eldorado que de survie. L'an passé, lors de la « révolte » des chercheurs, 1 500 scientifiques expatriés avaient pris la plume pour écrire à Jacques Chirac et dénoncer leur « exil forcé » dû à ce chiffre édifiant : en moyenne, trois ans après leur thèse, seul un tiers des doctorants ont trouvé un emploi stable en France. Quant à la crème de la crème, les « post-docs », 500 d'entre eux partent chaque année pour les Etats-Unis. Et une centaine ne reviendront jamais... Une situation d'autant plus édifiante que, selon des estimations fiables, le coût pour l'Etat de la formation d'un docteur dépasse 130 000 euros. Dans son petit bureau de l'Assemblée nationale, Jérôme Chartier, député du Val-d'Oise, s'inquiète de cette fuite des cerveaux qu'il qualifie d'« hémorragie ». Suffisamment, en tout cas, pour consacrer Les Entretiens de Royaumont, un colloque qu'il organise chaque année, au thème « Partir pour réussir ? ». Pour lui, il y a urgence. « Que des jeunes diplômés ou des jeunes scientifiques partent à l'étranger, c'est normal, les carrières de haut niveau doivent aujourd'hui compter un séjour à l'international. Et c'est très bien comme cela. Mais on ne peut plus laisser partir nos meilleurs chercheurs sans réagir : il faut les faire revenir. Et comme on ne peut pas les rattraper par la manche, nous n'avons qu'un seul moyen : rendre la France plus attractive. Fiscalement, mais pas seulement : en leur offrant des perspectives aussi séduisantes que celles des facs américaines ou des labos de recherche des grandes entreprises étran- gères. Il y a un marché des meilleurs et si nous voulons rester dans la course, nous devons les séduire. » Ses suggestions : à budget constant, il faudrait réorienter les priorités de la recherche publique française vers les secteurs de pointe comme les biotechnologies ou les nanotechnologies. Quitte à sacrifier une partie des budgets consacrés aux sciences humaines, beaucoup moins demandées.
Revenir en haut Aller en bas
https://vuesdumonde.forumactif.com/
Partager cet article sur : reddit

Ces Français qui partent réussir ailleurs :: Commentaires

mihou
Seulement voilà : comment rester attractif quand certains pays font une véritable cour à ceux qui songent à quitter la France ? Au nom de la francophonie, le Québec multiplie ainsi les initiatives pour débaucher les Français, quels que soient leurs diplômes. Là-bas, la croissance est soutenue. Des divisions entières de baby-boomers s'apprêtent à tirer leur révérence au monde du travail (sans immigration, la population active pourrait chuter de 10 à 20 % d'ici à quinze ans). Et les offres - en tout cas dans certains secteurs (médecine, restauration aéronautique...) - semblent illimitées. Depuis 1995, l'exode a déjà pris des proportions étonnantes : le nombre de Français accueillis chez nos cousins d'outre-Atlantique avec un visa de travail a progressé de 34 % par rapport à la décennie 1985-1995 ! Et, l'an passé, 3 700 Français se sont expatriés dans la Belle Province.

Cet après-midi de janvier, ils sont une grosse cinquantaine dans les locaux parisiens de la délégation du Québec. Des chaises ont même été ajoutées au dernier moment pour faire asseoir tout le monde. Des étudiants qui terminent leurs études. Un homme aux cheveux gris en baskets. Une dame en tailleur. Des couples de 40 ans... Quelques semaines plus tôt, ces candidats au départ ont rempli un questionnaire sur leurs motivations, leur profil professionnel, leur âge et leur situation de famille. Et ont réussi ce premier filtre. Avec son délicieux accent, Eve Bettez raconte ce pays où « l'emploi est le moteur de l'intégration ». Où, avec 2 500 kilomètres de pistes cyclables, 600 golfs, 90 stations de ski et d'innombrables parcs nationaux, « la vie est plus facile malgré nos redoutables hivers ». Elle parle de la « carte Soleil » (l'équivalent de notre carte Vitale) ou de l'« assurance emploi » (notre assurance chômage...). Et du récent accord signé en 2003 entre la France et le Canada qui permet aux salariés ayant effectué leur carrière professionnelle des deux côtés de l'Atlantique de cumuler leurs points de retraite et de ne rien perdre de leur pension. Autres sujets évoqués : les loyers divisés par deux à Montréal par rapport à Paris. Les 200 bouteilles de vin que la douane laisse entrer à tout nouvel arrivant sans taxes, « ce qui permet à celui qui vient d'arriver de se faire beaucoup d'amis ». Revers de la médaille : « Oubliez vos 35 heures et vos ponts de trois jours. Chez nous, c'est 40 heures par semaine. Deux semaines de congés payés et huit jours fériés dans l'année. » Dans la salle, certains ont déjà les yeux qui brillent d'envie. Les questions fusent. Les impôts ? « Pour un salaire de 50 000 dollars canadiens, votre revenu net toutes taxes comprises sera de 31 535 dollars. » Peut-on travailler dans l'administration ? « Oui, elle est ouverte à ceux qui n'ont pas la nationalité... »

En sortant de la salle, Anne-Régine Labrosse, 42 ans, est heureuse. Son mari occupe un poste de cadre dans une grande entreprise française. Mais il n'évolue plus. Il est prêt à sauter le pas, et c'est elle qui prépare les aspects concrets de leur expatriation avec leurs trois enfants. Sandrine de Jesus-Mota, 24 ans, future diplômée à la fin de l'année de l'Estaca, une école d'ingénieurs, a déjà décroché un long stage au Canada cet été et a elle aussi le sourire aux lèvres. Elle est venue accompagnée de deux de ses camarades de promo déjà séduits à l'idée de faire leur sac à dos et d'aller tenter leur chance là-bas... Arnaud Renard, 24 ans, titulaire d'un DESS de géopolitique, a déjà fait une croix sur la France : « Je veux essayer quelque chose de nouveau au Québec, car je ne supporte plus l'ambiance ici. Tout le monde parle de déclin, de faillite de notre système. Je ne veux plus entendre ce discours. Alors, quitte à chercher un job, autant le faire dans un pays qui a confiance en lui... » En attendant son visa, il rêve du futur emploi qui l'attend là-bas

Expatriation : les pistes et les écueils

QUÉBEC : ATTENTION AUX MYTHES

Certains évoquent la douceur de vivre de la Belle Province et l'hospitalité des cousins d'Amérique. D'autres l'attrait des grands espaces ou l'opportunité d'acquérir une expérience nord-américaine dans un environnement francophone... Quelles que soient leurs raisons, les Français sont de plus en plus nombreux à succomber aux charmes du Québec. Plus de 3 500 (dont 50 % de moins de 35 ans) ont choisi l'an dernier de s'établir dans la province canadienne. A 90 % pour des motifs économiques. « Ce sont des gens qui ont envie d'entamer une nouvelle tranche de vie, qui viennent pour découvrir de nouvelles choses. Ils n'ont pas forcément un objectif professionnel précis », explique Lionel Lebreton, le fondateur d'Objectif Québec, une association montréalaise créée en 2000 pour faciliter l'intégration des immigrants francophones.

En 2001, le Québec recensait quelque 50 000 résidents nés en France. Les autorités consulaires estiment que la population française dépasse en réalité les 80 000 personnes - c'est la communauté immigrante la plus importante après les Italiens -, et qu'une majorité de Français décide après trois ans de résidence de demander la nationalité canadienne.

Pour autant, il y a débat quant au « taux de rétention ». Plus de huit Français sur dix restent au Québec, affirme le ministère de l'Immigration. Près de la moitié repartent, rétorquent certains organismes français, qui voient revenir nombre d'immigrants déçus. Un hiver long et rigoureux, un premier emploi pas si facile à décrocher et qui souvent ne correspond pas au niveau de rémunération recherché, une langue anglaise qui s'avère indispensable, des systèmes de santé et d'éducation qui laissent à désirer... Des Québécois « superficiels » qui entretiennent avec les « maudits Français » des relations complexes... La liste des doléances est longue. « Beaucoup de Français arrivent ici en pensant qu'ils immigrent dans les DOM-TOM. Ils n'ont pas conscience d'arriver à l'étranger », constate Frédéric Contenot, un Lorrain de 42 ans qui, après douze années au Québec, envisage de regagner la France. « Il est possible de s'intégrer, mais ça m'a pris cinq ans. Ce n'est pas la situation idyllique qu'on décrit parfois », prévient cet ingénieur actuellement à la recherche d'un nouvel emploi qui met en garde contre la toute-puissance des ordres professionnels. « Beaucoup ne reconnaissent pas les diplômes français. J'ai dû repasser des examens à mon arrivée pour décrocher un emploi. »

Cécile Petit, 28 ans, pensait quant à elle avoir parfaitement préparé son immigration à Montréal et son insertion dans le secteur du multimédia : un stage de longue durée, un réseau de contacts bien établi... Pourtant, c'est comme conseillère de vente dans un magasin de décoration qu'elle s'apprête à passer son deuxième hiver au Canada. « Le fait d'être français ne facilite pas les choses, prévient la jeune femme. Là où je travaille, ils évitent d'embaucher des Français qui, selon eux, travaillent moins et réclament toujours plus de vacances. Je passe pour la maudite Française qui râle tout le temps ! »Carole Duffréchou (à Montréal)

LES FRENCHIES DE LA SILICON VALLEY

En ce matin de janvier, Guillaume Thonier, 29 ans, Xavier Casanova, 30 ans, et Arnaud Tellier, 30 ans également, emménagent dans les bureaux flambant neufs de Perenety, la start-up qu'ils viennent de fonder à Sunnyvale, au coeur de la Silicon Valley. « Regardez ce qu'on arrive à faire avec 10 000 dollars dans ce pays », commente, l'oeil pétillant, Xavier. « Nous avons loué ces bureaux, acheté des meubles et, dans quelques jours, nous serons opérationnels. » Les trois Français sont jeunes, brillants et entreprenants. Les deux premiers sont polytechniciens, le troisième centralien. Munis de leurs prestigieux diplômes, prêts à se lancer dans la vie professionnelle, ils auraient bien voulu trouver dans la France un pays moins figé et plus réceptif à leur esprit d'entreprise. Mais, résignés avant même de tenter de créer une société, certains des lourdeurs administratives qui risquaient de freiner leur élan, accablés à l'avance par le « pessimisme ambiant », ils ont choisi de s'expatrier aux Etats-Unis.

Et, quelques années à peine après leur arrivée dans la Silicon Valley et un cursus en informatique à l'université Stanford, les voilà totalement intégrés à la culture locale, sans aucun désir de rentrer au pays. « Il y a un rêve américain, déclare Xavier, et malheureusement, il n'y a pas de rêve français. Quelqu'un d'agressif professionnellement, même bardé de diplômes, ne peut pas rester en France. » Guillaume acquiesce : « Je me voyais très mal avoir une vie d'entrepreneur en France. C'est trop statique. Rien ne bouge. Et je n'avais aucune attirance pour les carrières proposées par l'X. Alors qu'aux Etats-Unis l'aventurier et l'entrepreneur sont valorisés et soutenus. » Nos trois mousquetaires viennent de concrétiser leur rêve : le développement d'un logiciel dont l'objectif est de faciliter l'échange et le stockage de données. Ils n'ont eu aucun mal à lever des fonds dans une région innovatrice et dynamique qui a donné naissance à 1 200 entreprises de haute technologie.

Comme eux, 10 000 à 12 000 Français, dont la moitié ont entre 25 et 30 ans, sont installés dans les neuf comtés de la baie de San Francisco, où les « serial entrepreneurs » sont légion. « Tout semble possible ici. Mais il ne faut pas croire que tous les gens de la Silicon Valley soient assoiffés d'argent, précise Xavier. Nous sommes idéalistes. Nous voulons créer une belle entreprise, générer des emplois et nous amuser. »Armelle Vincent (à san Francisco)
LONDRES, MODE D'EMPLOI

Promeneur de chien, trader à la City, serveur dans un pub... Les jobs ne manquent pas. Mais attention...

Logement. Les loyers sont extrêmement chers (750 euros par mois pour une chambre en colocation). L'idéal consiste donc à se faire héberger par des amis. Mais une adresse londonienne sur son CV est souvent nécessaire : cela montre que vous êtes vite disponible.

Le CV. Les CV britanniques (qui peuvent atteindre deux, trois pages) ne décrivent pas seulement études et expérience professionnelle. Ils font la part belle à la personnalité. Ne pas hésiter à mettre en avant ses qualités (« travaille bien en équipe », « motivé », etc.) et à décrire en détail ses expériences de bénévolat par exemple, en précisant ses responsabilités et ce qu'on en a tiré. Les employeurs demandent aussi toujours des « références » (au moins deux) de personnes chez qui l'on a travaillé. Elles doivent figurer sur le CV et inclure le nom de la personne à contacter, son titre, son téléphone et son mail.

Démarches. Si une offre de stage ou d'emploi apparaît particulièrement tentante, ne pas hésiter à contacter directement le futur employeur pour obtenir un entretien. Les Britanniques - même pour des postes importants - décrochent leur téléphone facilement et ne considèrent pas cela comme impoli.

Adresses. Le centre Charles-Péguy (1) peut être très utile pour les nouveaux arrivants. Destiné aux jeunes Français âgés de 18 à 30 ans, il offre conseils pratiques, aide à l'hébergement et plus de 3 000 offres d'emploi par an dans les secteurs de l'hôtellerie, de la restauration, du secrétariat, de la finance, de l'informatique et de la vente. D'autres sites britanniques sont aussi bons à connaître, qu'il s'agisse de trouver un emploi (www.gumtree.com ou www.thisislondon.com) ou un endroit où loger (www.loot.com). Les « job centres » (www.jobcentreplus.gov.uk), l'équivalent local de l'ANPE, constituent aussi évidemment un bon gisement d'emplois à condition de déjà bien maîtriser l'anglais.
Salaire. Le salaire horaire minimum est de 6,35 euros par heure pour les jeunes âgés de 18 à 21 ans, et de 7,55 euros pour ceux qui ont au moins 22 ans. Il faut ouvrir un compte en banque (cette démarche est gratuite pour les comptes courants), en fournissant une preuve d'adresse. Il faut aussi se procurer un National Insurance Number dans un centre local de Sécurité sociale, nécessaire pour toucher un salaire F. A. (À londres)

1. Centre Charles-Péguy, 16 Leicester Square, London WC2 7NH, tél : + 44 (0) 20.7437.8339, www.cei-frenchcentre.com
mihou
Marcel, Adiatou, Khaled : Le coeur entre deux rives

L'oeil mi-clos, bien calé derrière son bureau, Marcel Cakpo, 29 ans, originaire du Bénin, donne l'impression de ronger son frein. Malgré un DESS de développement des systèmes d'organisation et ce stage, qu'il réalise actuellement dans une entreprise de transports, payé 700 euros net par mois, Marcel reste sceptique quant à son avenir. « L'accès à un premier emploi est déjà compliqué, lorsqu'on est comme moi jeune, sans expérience et originaire d'Afrique, cela relève du miracle... » Alors voilà : la France, il l'aime, et c'est la mort dans l'âme qu'il envisage de la quitter pour faire carrière sous d'autres cieux : « Aux Etats-Unis ou dans un pays scandinave. »

Adiatou Touré, lui, a déjà franchi le pas. Dès 1999, alors que la croissance était encore florissante, il a compris que la France, terre d'accueil de ses parents sénégalais, ne lui donnerait rien d'autre qu'« un taf au McDo ». Aussi, bac professionnel en poche, il tente de vivre le fameux rêve américain et imagine alors une ascension à la Schwarzenegger, Al Pacino ou Rudolf Giuliani... tous immigrés, tous parvenus au sommet. Employé de banque durant deux ans, histoire de perfectionner son anglais et « de mettre des sous de côté », Adiatou est aujourd'hui le boss d'une société de production de CD et DVD, sise à Brooklyn, non loin de chez lui. « Ici, dit-il, on juge les gens sur leurs compétences et non sur leur physique, leur âge ou leur origine. En discriminant ainsi les Blacks et les Beurs, les entreprises françaises se pénalisent elles-mêmes. Outre leur image, elles passent à côté de véritables talents. »

Faire du « cauchemar algérien » un rêve, c'est le pari osé de Khaled Ammari, 33 ans. Ce dandy parisien, titulaire d'un bac, « autant dire zéro qualification pour un employeur français », a choisi de faire le parcours inverse de celui de ses parents. Après un essai dans le cinéma (il a réalisé un court-métrage) et la création d'un cybercafé, Khaled crée son entreprise de communication sur l'autre rive de la Méditerranée, à Alger. « En France, on a tendance à nous tirer vers le bas, raconte-il, on nous blâme sans cesse, nous sommes des boucs émissaires. » Pourtant « républicain », il use du « nous » pour désigner ceux qui comme lui « en ont assez ». Et, judicieusement, il imagine le bénéfice que pourrait tirer la France de sa diversité : « Ces jeunes, pour certains arabophones, peuvent être des passerelles entre la France et les pays arabes. En pleine crise du pétrole, notre pays y gagnerait économiquement. »

Et si la fracture entre les expatriés d'origine étrangère et la France était plus profonde qu'on ne l'imagine ? C'est ce qu'avance Jamila Ysati, chercheuse et auteur de « Beurs, Blacks et entreprise » (Eyrolles) : « L'expatriation n'est pas dans la logique de ces jeunes qui en ont un mauvais souvenir ou une mauvaise image. S'ils quittent la France, c'est que le mal est vraiment profond... »Saïd Mahrane

Quand la France exporte ses chômeurs...

Un billet d'avion gratuit, une allocation de séjour de 90 euros par semaine pour se loger et se nourrir. Des cours de langue gratuits et un stage de trois mois dans une entreprise espagnole, portugaise, italienne ou même hongroise... Les chômeurs inscrits à l'ANPE peuvent eux aussi prendre le large pour se rendre compte par eux-mêmes si l'herbe est plus verte chez nos voisins européens en matière d'emploi. Chaque année, après sélection (en moyenne un candidat sur trois est retenu), plusieurs dizaines de jeunes sans emploi s'expatrient aux quatre coins du continent grâce à l'Union européenne, qui finance le programme Leonardo, destiné à promouvoir la mobilité en Europe. Et ce sans casse-tête administratif, car l'UE et les associations partenaires dénichent les postes dans les entreprises. Les profils ? Ils varient selon les régions françaises (celles-ci cofinancent l'opération). En Ile-de-France (une centaine de bourses chaque année), priorité est ainsi donnée aux jeunes chômeurs de moins de 36 ans titulaires de CAP ou de BTS. « Après avoir découvert la vie à l'étranger, certains bénéficiaires décident de s'y installer. Mais, pour ceux qui rentrent, c'est une formidable opportunité, explique Anne-Sophie Corlay, responsable des échanges Leonardo chez Interéchanges, qui organise le départ de 180 chômeurs par an. En moyenne, nos stagiaires sont sans emploi depuis six à huit mois et ce programme leur permet de retrouver confiance en eux-mêmes. »R. G.

SCIENTIFIQUES : L'EXIL AMÉRICAIN

David François, 33 ans, ne « désespère pas » de rentrer en France. C'est même ce qu'il souhaite. Seulement, la recherche française n'a rien à lui offrir. Après sa thèse en pharmacie à Paris, il est parti faire un « post-doc » en Californie, puis a été recruté chez Johnson and Johnson, dans le New Jersey. « Ici, mon recrutement s'est fait en un instant ; en France on m'a à peine répondu. » Et, comme les salaires proposés sont trois à cinq fois supérieurs à ce qu'ils seraient en France - parfois beaucoup plus -, il n'a pas longtemps hésité.

Certains sont là par choix, beaucoup par obligation. Mais qu'ils soient dans la recherche industrielle ou dans une université, la plupart ne parlent de l'état de la science française que comme d'un grand gâchis. Sophie Jouaville a fait elle-même le calcul : l'éducation et la formation d'un chercheur coûtent « aux alentours de 1 million de dollars » à la France. « C'est un beau cadeau fait aux Américains : ils récupèrent des chercheurs très bien formés, avides de réussir, pour pas un sou. » Elle aussi fait partie de ces chercheurs qui ont déserté les laboratoires français pour aller faire les beaux jours de la recherche américaine. Biologiste, elle a traversé l'Atlantique après sa thèse, grâce à une bourse internationale. « J'ai décidé de partir quand je me suis rendu compte que le mandarinat qui règne dans la recherche française m'interdisait de mener à bien mes travaux. » Avant qu'elle ne décide de s'arrêter pour élever ses enfants, ce parcours l'avait menée dans un laboratoire de Harvard où elle a découvert « l'enthousiasme qui règne ici, l'idée qu'on peut arriver à quelque chose, qui contraste avec la déprime qui règne dans tant de labos français »...

Pour Norbert Perrimon, la recette est simple. « La compétition, c'est ce qui fait avancer la recherche », assure ce généticien réputé, directeur d'un important laboratoire de Harvard et installé aux Etats-Unis depuis vingt ans. « Ici, on est jugé sur ses résultats. Si on ne trouve plus rien, c'est simple : on perd son labo. C'est la recette contre le mandarinat. Ici, il n'y a pas cette idée très française qu'arrivé à un certain niveau on est là pour toujours. »

C'est aussi ce qui a poussé Hervé Agaisse, biologiste, à partir. « J'étais pourtant parmi les rares chanceux à avoir décroché un poste directement après ma thèse. » C'était à l'Inra. Mais il a néanmoins voulu compléter sa formation aux Etats-Unis. « Quand j'ai voulu revenir en France, je pouvais retrouver mon poste à l'Inra, mais on m'imposait un laboratoire qui ne convenait pas à mes objectifs de recherche. » La liberté qu'il cherchait, il l'a trouvée à Yale, où il dispose depuis un an de son propre laboratoire, « sans ce parcours du combattant du système français où il y a toujours quelqu'un au- dessus de vous pour récupérer ce que vous avez fait »Emmanuel Saint-Martin (À new york)

Romain Gubert


Encadré(s) :
« Londres représente un monde de liberté. »

Dans le quartier d'Auxerre d'où elle vient, la vie n'est pas facile pour les jeunes comme Yammouna Laouat (28 ans) : « Beaucoup de copains avec qui j'ai grandi sont en prison ou au chômage, déplore-t-elle. Les garçons ne veulent pas travailler à l'usine, car ils peuvent se faire de l'argent en vendant de la drogue. » La jeune Française d'origine algérienne a laissé en 2001 sa mère et ses sept frères et soeurs pour s'installer à Londres, sur le conseil de la mission locale de Lyon. Ici, elle a trouvé un travail d'assistante maternelle et a repris ses études pour devenir administratrice en crèche, un poste qu'elle n'aurait d'après elle jamais pu décrocher en France. Mais les ouvertures professionnelles n'expliquent pas tout : « En France, j'en avais marre d'être agressée par des jeunes Maghrébins ou par les Français de souche qui ne supportaient pas que ma soeur porte le voile, affirme-t-elle. Ici, personne ne vous ennuie. Londres représente un monde de tolérance et de liberté »Frédérique Andréani Frédérique Andréani

« À Londres, on préfère toujours le dernier arrivé. »

A Londres, Morgan Meunier a découvert son eldorado culinaire. En 2000, un an à peine après y avoir débarqué pour travailler comme chef chez Monsieur Max, il décrochait sa première étoile Michelin, au tendre âge de 27 ans. Après un passage à l'Admiralty, un restaurant chic du centre de Londres, il a ouvert il y a dix-huit mois Morgan M, à Islington. Régulièrement classé par les guides parmi les meilleures tables, son restaurant, plein à craquer tous les soirs, compte parmi ses clients les footballeurs français d'Arsenal, qui viennent en voisins. A 32 ans, ce jeune Champenois semble destiné à suivre les traces de Michel Guérard, Marc Meneau et Antoine Westermann, détenteurs de 3 étoiles Michelin, qui l'ont formé. Attiré au départ par l'aspect financier d'un travail à Londres, Morgan ne regrette rien : « En France, on ne parle que des gens établis depuis des décennies, alors qu'ici on préfère toujours le dernier arrivé, explique-t-il. Cela peut avoir un côté éphémère, mais si on est bon dans son travail, et qu'on sait se renouveler sans cesse, on peut durer et construire une bonne clientèle d'habitués, qui sortent et dépensent bien plus qu'en France. » Si Morgan, aujourd'hui marié à une Anglaise et père d'un petit garçon né à Londres, se considère avant tout comme français, il ne se voit pas rentrer : « La jalousie dans le milieu de la haute cuisine y est énorme, en particulier parmi les vieux chefs établis, qui empêchent les jeunes d'accéder à des postes où ils pourraient prouver leur talent, déplore-t-il. Si j'étais resté, il m'aurait fallu au moins dix ans de plus pour parvenir où je suis aujourd'hui. »F. A.

« D'emblée, j'ai passé des auditions au théâtre national de varsovie. »

«Je suis française malgré ce que l'on peut croire en voyant mon nom, précise Elisabeth Duda, 27 ans. J'ai quitté Paris il y a cinq ans et demi, un peu sur un coup de gueule. J'étais en deuxième année d'études de com-merce. Mais j'ai compris que je n'étais pas faite pour l'économie. Je me suis retrouvée en train de faire des demandes d'inscription dans les écoles de cinéma et de théâtre un peu tous azimuts. Personne n'a voulu me donner de chance. Alors, en suivant le conseil de ma mère, je me suis dit que je pourrais venir en Pologne, le pays de mes ancêtres. Je suis venue avec mon Molière et mon Baudelaire dans les valises. J'ai passé le concours pour entrer à l'école du film de Lodz après deux mois de cours intensifs de polonais. En France, le monde du cinéma est très fermé. Si j'étais restée en France, jamais je n'aurais pu auditionner pour un théâtre comme la Comédie-Française. Alors que je suis en train de passer des auditions pour le Théâtre national de Varsovie. C'est le privilège d'être une expatriée. Mais je ne voudrais pas quitter la France pour toujours. Ma stratégie est de partir pour mieux revenir. Ici, je joue dans une émission de télévision qui s'appelle "L'Europe se laisse aimer". Je suis la Française qui doit répondre à toutes les questions que les gens voudraient poser aux Français. Pour réconcilier les Polonais et les Français, je joue avec les histoires de plombiers et d'infirmières .»Maya szymanoska (à varsovie) Maya szymanoska (à varsovie)
mihou
« À Montréal, j'ai été responsable tout de suite. »

«Le problème en France, dénonce tout de go Fabrice Girerd, c'est que l'habit fait le moine. On ne juge pas une personne sur ses capacités ou son expérience. On lui colle une étiquette suivant l'école qu'elle a faite ou le diplôme qu'elle a obtenu. Du coup, c'est très difficile de se développer en dehors des secteurs dans lesquels on est censé évoluer. » Embauché comme dessinateur industriel avant même l'obtention de son BTS de conception de produits industriels, ce jeune Niçois a travaillé quatre ans en France, chez PSA puis Alcatel. De stages de formation en cours du soir, il tente de gravir les échelons. En vain. « Je n'ai obtenu aucune augmentation, regrette Fabri-ce Girerd. Alors j'ai saisi ma chance, poursuit-il non sans ironie : un plan de licenciement économique ! » Arrivé à Montréal au printemps 2004, il décroche un emploi chez Mecachrome. Responsable dans le domaine de la conception assistée par ordinateur, il pilote une équipe de 35 personnes. En juin 2005, il fonde sa société de consultants et travaille aujourd'hui chez le géant canadien de l'aéronautique Bombardier. « J'ai le mal du pays, confie pourtant le jeune homme de 27 ans. Mais je me suis renseigné : un retour en France, ce serait un retour à la case départ. »Carole Duffréchou (à Montréal) Carole Duffréchou (à Montréal)

« Je me sens bien à madrid. »

Il y a un peu plus d'un an, Céline Perrin, 30 ans, menait une vie douillette. Un appartement niçois avec vue sur la mer, un CDI dans une librairie et un temps de transport minimum. En 2003, cette parisienne diplômée en histoire de l'art avait fui la capitale, « magnifique mais insupportable à vivre ». A Nice, sa vie est belle, mais ennuyeuse. « Je tournais en rond, je devenais apathique. » Cette blonde pétillante rêve alors d'Espagne, de sa langue, de sa culture. « Je me souviens des attentats islamistes à Madrid du 11 mars [en 2004, 191 morts, ndlr]. Je me suis sentie en communion avec eux. » En janvier 2005, malgré des parents réticents, elle vend sa voiture et part seule à l'aventure à Madrid. En apparence, la vie madrilène n'a rien d'une sinécure : après divers petits boulots, Céline travaille comme téléopératrice à Europassistance Espagne, où elle gagne 900 euros par mois. Elle doit partager son appartement avec deux Péruviennes dans le quartier cosmopolite de Lavapiés. Qu'importe : elle ne cherche pas à faire carrière et, surtout, se dit épanouie. « Je suis devenue plus sociable. Je sors beaucoup plus, j'ai une vie culturelle remplie. Je ne dors pas assez, mais je me sens bien. Les gens savent mieux vivre ici, sans agressivité ni jérémiades. Je ne me trace pas de futur, mais je ne veux surtout pas revenir en France ! »François Musseau (à Madrid) François Musseau (à Madrid)

« Au vietnam, les jeunes sont appréciés. »

«En France, avec un BTS hôtelier, on ne me proposait que des emplois de serveur. Au mieux, j'aurais pu devenir responsable d'un McDonald's après quelques années. » Et ça, Matthieu Castaigne, 27 ans, n'en avait guère envie. Déçu par le manque de propositions dans l'Hexagone, il a donc pris la décision de s'expatrier sitôt son diplôme en poche, en mai 2000. Il ne regrette en rien cette aventure, bien au contraire.

Une première expérience - un stage dans l'équipe de direction d'un hôtel Sofitel au Vietnam - lui a immédiatement mis le pied à l'étrier. Depuis, dans ce même pays, il a été débauché trois fois. « A 23 ans, je me suis retrouvé directeur de la restauration dans un complexe de luxe en bord de mer », s'étonne- t-il encore. « En France, on ne donne pas une vraie chance aux jeunes, même très motivés. Ici, nous sommes appréciés car les patrons nous savent prêts à beaucoup travailler », souligne Matthieu. Désormais, il est directeur général d'un projet de complexe hôtelier ultrachic au Vietnam, financé par Indochina Land Holding, un fonds d'investissement occidental. « C'est un dossier de plusieurs millions de dollars ! En France, il ne serait confié qu'à quelqu'un de 50 ans », s'exclame-t-il. Quant à ses 60 compagnons de promotion de BTS, à sa connaissance, seuls 25 travailleraient encore dans l'hôtellerie, parmi eux les trois quarts seraient serveurs. Seule une autre de ses condisciples a atteint un niveau de responsabilité équivalant au sien... Elle aussi en s'expatriant Sophie Malo (À Hô Chi Minh-Ville) Sophie Malo (À Hô Chi Minh-Ville)
« À New York, tout peut aller très vite. »

Au départ, il est parti pour « un break d'une semaine ou deux ». C'était il y a cinq ans. Yan Saquet, qui était en France directeur de promotion et du marketing du label musical Mercury-Polygram, est maintenant installé à New York, « et sans aucune envie de revenir ». A la tête du label George V, producteur notamment des compilations Buddha Bar, il a découvert en traversant l'Atlantique ce qui lui manquait cruellement : la « positive attitude ». « Ici, quand vous allez voir quelqu'un pour lui proposer de faire des affaires, il se dit : "Qu'est-ce que ce type peut m'apporter ?" En France, c'est : "Comment essaie-t-il de m'avoir ?" » A l'ombre de l'Empire State Building, il a découvert le pouvoir des idées : « Vous avez un projet, vous décrochez votre téléphone, vous avez facilement un rendez-vous, souvent avec le patron, et tout peut aller très vite. En France, la première question de la secrétaire, c'est : "Il vous connaît ?", et on n'a jamais de nouvelles... »E. S.-M. (À NEW YORK) E. S.-M. (À NEW YORK)

« À Londres, si vous bossez dur, vous grimpez vite. »

Si Damien Dezons (21 ans) était resté en France, il aurait aujourd'hui « une vie de saisonnier, probablement comme garçon de café ». Au lieu de ça, il endosse tous les matins son costume trois pièces, pour aller travailler entre 45 et 50 heures par semaine comme coordinateur chez International SOS, une grosse compagnie d'assistance médicale qui emploie 400 personnes. Un emploi du temps qui contraste avec l'époque pendant laquelle il a passé six mois « en sandales et en short » à surfer à Biarritz, après avoir abandonné sa première technique en plein milieu d'année scolaire. « Je suis parti à l'étranger pour faire quelque chose de ma vie : Londres semblait le choix le plus sérieux. » Depuis son arrivée il y a deux ans comme stagiaire chez International SOS, son salaire a doublé et il s'apprête à commencer des études de marketing offertes par son employeur. « Ici, le patron n'hésite pas à prendre des risques s'il croit en vous, explique-t-il. Contrairement à la France, on ne vous juge pas sur votre diplôme, mais sur le travail que vous faites, et si vous bossez dur, vous grimpez vite. » Du coup, Damien ne se voit pas rentrer en France, de peur de stagner professionnellement sans pouvoir faire fructifier son expérience, mais aussi parce que la vie londonienne lui paraît très riche : « A part deux amis d'enfance, qui sont français et avec lesquels je vis, tous mes amis sont étrangers. Tous les jours, j'apprends quelque chose... »F. A.

À la conquête de l'eldorado celte

L'Irlande est une destination très prisée des jeunes Français. Pour le plus grand bonheur du cabinet Approach People, qui place ces émigrés dans les entreprises locales.La petite maison de Dun Laoghaire, dans la banlieue sud de Dublin, où s'activent, entre ordinateurs et téléphones, les dix consultants d'Approach People ne paie pas de mine. Difficile d'imaginer que c'est là, derrière la façade blanche de ce pavillon tout simple, que se cache l'« Ellis Island » des Français qui débarquent en Irlande pour y trouver un emploi. Et pourtant, cinq ans seulement après sa création, le cabinet de recrutement dirigé par Laurent Girard-Claudon, 28 ans, et Jean-Christophe Murat, 29 ans, est devenu un point de passage presque obligé pour les émigrés volontaires au pays de la Guinness. « En 2005, nous avons reçu quelque 100 000 visiteurs sur notre site Internet et renseigné en moyenne 200 nouveaux candidats par semaine », se réjouit Laurent Girard-Claudon. « Quant à notre part de marché, avec plus de 300 personnes placées l'an passé, elle dépasse les 70 % sur le segment du recrutement francophone », estime-t-il. Qu'il s'agisse d'entreprises françaises présentes dans le pays, comme L'Oréal, la Société générale, BNP, ou de géants mondiaux tels que Dell, Microsoft, Apple, Hertz ou HP, tous les poids lourds de l'économie irlandaise font appel au petit cabinet de Dun Laoghaire pour leurs recrutements. Comble du chic, même sa majesté l'Aga Khan a eu recours à leurs services quand il a cherché du personnel en Europe !

Le positionnement très spécifique d'Approach People, à l'interface entre des entreprises locales gourmandes en main-d'oeuvre depuis le réveil du tigre celtique et des Français souvent déçus par le marché du travail de leur propre pays, explique l'incroyable succès de la jeune société (son chiffre d'affaires a doublé entre 2004 et 2005) dans une Irlande où il y a pléthore d'agences de recrutement. « Nous nous sommes rendu compte qu'il existait une demande de personnel français de la part des nombreuses multinationales installées ici, désireuses d'avoir des nationaux bilingues pour faire le lien avec leurs filiales ou leurs consommateurs dans l'Hexagone », explique Jean-Christophe Murat. Au départ assez basique - n'importe quel routard de passage baragouinant un minimum d'anglais faisait l'affaire -, l'offre s'est sophistiquée. « Les entreprises ne recherchent plus de simples opérateurs de call-centers, mais des gens formés avec un bon niveau d'anglais et de préférence une première expérience », constate-t-il. Des postes qui séduisent beaucoup de jeunes Français « en galère » malgré leurs nombreux diplômes et stages. 40 % des personnes placées par Approach People se trouvaient ainsi au chômage lorsqu'elles ont décroché un emploi irlandais.

Carole, une Martiniquaise de 25 ans diplômée en commerce international et titulaire d'un DESS d'audit et d'expertise en informatique et technique numérique, fait partie de ces « rescapés ». Epuisée par presque un an d'entretiens infructueux, de missions d'intérim sans lendemain et de déboires administratifs - l'ANPE n'a su lui proposer qu'un poste de commissaire de police quand elle est arrivée en fin de droits -, la jeune femme a vécu comme une délivrance le coup de fil d'Approach People lui proposant de passer des entretiens pour SAP, le leader mondial des logiciels de gestion. « Tentée un temps par l'expatriation, j'avais laissé mon CV sur leur site Internet : ils l'ont récupéré quand ils ont vu une offre correspondant à mon profil », raconte-t-elle. Trois entretiens téléphoniques en anglais, complétés par une visite chez SAP à Paris, et Carole était recrutée en tant que commerciale pour le marché français au siège européen de l'entreprise à Galway, dans le Connemara. Comme elle, Karyne, 24 ans, titulaire d'un diplôme de langues étrangères appliquées (LEA), a trouvé l'emploi qu'elle n'espérait plus grâce à la base de données d'Approach People. Après presque un an de petits boulots en France, elle travaille depuis six mois chez Maxtor, un fabricant de disques durs basé à Dublin. « Peut-être me serais-je décidée à partir, avec ou sans Approach People, mais il est évident que le fait qu'ils jouent les intermédiaires a accéléré les choses », reconnaît cette Parisienne.

Malgré la proximité géographique (une heure et demie d'avion), les différences culturelles entre l'Irlande et la France restent importantes. En matière de droit du travail, de management, de rémunération, tout est très différent (voir ci-dessus). « La notion de hiérarchie est beaucoup moins présente ici. On travaille "avec" et non pas "pour". Le diplôme importe moins qu'en France, mais la contrepartie est l'obligation permanente de faire ses preuves. Il n'est pas rare en Irlande d'avoir jusqu'à 50 % de son salaire sous forme variable », explique Pascal Derrien, directeur des opérations channel chez Microsoft. Ayant lui-même eu recours à Approach People pour étoffer son effectif, ce cadre français de 34 ans juge précieux le rôle d'intermédiaire biculturel joué par les recruteurs d'Approach People. « Ici, il est inconcevable de chercher du travail pendant dix, douze mois sans en trouver. Il est donc important d'expliquer aux services de ressources humaines que le problème ne vient pas du candidat, mais du marché de l'emploi français », estime-t-il. Mais le travail de pédagogie est aussi à faire chez les nouveaux arrivants, qui, quand ils débarquent, ont des réflexes très français. « Quand nous les avons au téléphone, ils expriment un fort besoin de sécurité, s'inquiètent de savoir quel type de contrat ils vont avoir, quelle sera la durée de la période d'essai, note Gwenaëlle Le Bihan, consultante depuis cinq ans chez Approach People. Notre rôle est de les rassurer en amont afin qu'ils arrivent sereins aux entretiens. » Le même travail est à faire auprès des employeurs hexagonaux qui, jamais à une contradiction près, sont de plus en plus nombreux à contacter le cabinet de Dun Laoghaire. Mission : leur trouver de jeunes Français, bilingues et formés, prêts à quitter l'Irlande... pour rentrer en France Mélanie Delattre Mélanie Delattre

Le tigre celtique en chiffres

La République d'Irlande, c'est : - 4 millions d'habitants. - 45 % de la population âgée de moins de 25 ans.

- 4,8 % de croissance en 2005.

- 4,3 % de taux de chômage.

- un salaire annuel moyen de 34 000 euros brut, contre 28 000 pour la France (source Eurostat).

- un taux d'imposition sur les sociétés de 12,5 % (le plus faible d'Europe).

- 90 000 créations d'emplois et 65 000 arrivées de nouveaux immigrants prévues pour 2006.

« Moscou, la dynamique »

Chez lui, à Moscou, impossible de tourner la tête sans tomber sur un buste ou un portrait de Lénine. Etrange, pour un homme de la finance... A moins qu'il ne s'agisse de marquer son attachement à son pays d'adoption. Récemment, un magazine moscovite lui a consacré un article. Le titre : « Patriote »... Jacques von Polier, 30 ans, est parfois plus russe que nature. « Ici, c'est la liberté, en France, on ne peut rien faire », affirme ce jeune patron au passé entrepreneurial déjà riche. Arrivé pour étudier à Moscou il y a dix ans, à la faveur d'un accord d'échange avec l'Essec, il crée dès son arrivée deux entreprises, l'une de recrutement, l'autre d'immobilier. En 1998, le krach financier russe le laisse ruiné. Il s'en va alors vadrouiller un an en Lada Niva à travers l'Eurasie. Il en rapporte notamment un livre, « Davaï » (« Allons-y ! », en russe), chez Robert Laffont, et une interview de Massoud réalisée dans le Panchir pour le compte de Paris Match. De retour, bien que néophyte en finance, il décroche un job chez Troïka Dialog, une firme réputée de Moscou, comme vendeur d'actions russes. Peu après, il est débauché par un fonds d'investissement, avant, il y a quelques mois, de monter Profus, sa propre société d'investissements. Et pas un instant il n'envisage de revenir en France. Pour l'« âme russe » et le dynamisme du pays, sans oublier qu'en Russie « Tout le monde paie 13 % d'impôt sur le revenu ». Étienne Gernelle Étienne Gernelle
 

Ces Français qui partent réussir ailleurs

Revenir en haut 

Page 1 sur 1

 Sujets similaires

-
» Partir et réussir à l'étranger
» Un français trop français?
» L'image des Français
» Français ou francophone?
» media français

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
MONDE-HISTOIRE-CULTURE GÉNÉRALE :: SOCIETE-SOCIETY :: IMMIGRATION-EMIGRATION-
Sauter vers: