L'éviction d'Alain Genestar ?



Alain Genestar, l’ancien directeur de Paris Match, accuse Nicolas Sarkozy d’avoir provoqué son éviction. L’affaire ressort maintenant car Alain Genestar a fini de négocier ses indemnités de départ, soit la bagatelle de 2 millions d’euros. Il est assez rare dans une transaction de cette nature que l’évincé ne soit pas lié par une clause de confidentialité. Visiblement, Alain Genestar a estimé sa liberté d’expression inaliénable. Oui, il considère bien que le ministre de l’Intérieur et président de l’UMP a quelque chose à voir avec son licenciement. Oui, il a bien été limogé parce que la couverture de Paris Match montrant ensemble Cécilia Sarkozy et le publicitaire Richard Attias n’a pas plus à Nicolas Sarkozy. Le journal, propriété du groupe Lagardère, a eu beau réaliser une vente exceptionnelle de 900 000 exemplaires, il y a eu en quelque sorte un crime de lèse-Sarkozy. Dès le jour de la sortie de Paris Match, le 25 août 2005, Arnaud Lagardère a en effet découvert la couverture puis a appelé son ami Nicolas Sarkozy qui lui a vertement reproché de ne avoir interdit la publication de la photo. Sarkozy, aurait alors commenté en ces termes les protestations d’innocence d’Arnaud Lagardère : «Soit il est nul, parce qu’il aurait dû être au courant, soit il est malhonnête parce qu’il savait ». Evidemment, cet écho n’est pas resté ignoré d’Arnaud Lagardère. A-t-il alors promis la tête de Genestar, comme on dit dans le Landerneau journalistique, Sarkozy l’a-t-il lui-même exigé ? Une chose est sûre, c’est qu’Arnaud Lagardère n’a pas pu tenir très longtemps une position qui ressemble un peu à celle qu’il a eu au moment où il s’est défendu pour les retards de l’Airbus A380. «J’ai le choix de passer pour quelqu’un de malhonnête ou d’incompétent (…) j’assume cette deuxième version», disait-il. Selon ses proches, ce que reproche Lagardère à Alain Genestar, c’est surtout une perte de confiance car le directeur de Paris Match était censé avertir son patron. Mais Alain Genestar a considéré qu’à partir du moment où l’information était déjà connue et dans la mesure où Cecilia Sarkozy avait un poste au cabinet de Sarkozy, ce n’était plus seulement un sujet privé. Et puis après tout, Sarkozy n’hésite pas lui-même à instrumentaliser sa vie de couple à des fins électorales.

Les relations de Sarkozy / Lagardère en cause

En avril 2005, Alain Genestar a pu assister à un séminaire interne de Lagardère Media à Deauville. Ce jour-là, quelques heures d’ailleurs avant une certaine Ségolène Royal, Nicolas Sarkozy est apparu sur scène et Arnaud Lagardère l’a présenté, je cite «non pas comme un ami mais comme un frère». Genestar ignorait peut-être que Sarkozy avait été l’avocat du père, Jean-Luc Lagardère, lors de la faillite de La Cinq en 92, il ne savait peut-être pas que l’ancien ministre des Finances avait permis le règlement d’un conflit d’héritage l’opposant à sa belle-mère en 2004. Ce qu’il ne pouvait en revanche ignoré, c’est que Sarkozy était un ami proche d’Arnaud Lagardère. On peut se dire que c’est précisément l’honneur de la presse d’agir parfois en toute indépendance. Qu’après tout Claude Durand, le Pdg de Fayard, s’était lui-même bien gardé d’avertir Jean-Luc Lagardère en 2002 lors de la sortie du livre La Face cachée du Monde, un journal dont il était actionnaire. On peut se dire aussi qu’il n’est pas normal que Jean-Pierre Elkabbach le patron d’Europe 1, autre propriété de Lagardère, prenne conseil auprès de Sarkozy avant de recruter un journaliste politique. Et puis on se dit enfin : pourquoi faut-il que la liberté de la presse, la vérité dérangeante pour l’actionnaire, s’exprime sur un sujet aussi mineur que la vie de couple d’un ministre ?

En partenariat avec l’hebdomadaire Stratégies.

par Amaury de Rochegonde

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