La France veut dealer l’Afrique avec la Chine : Anticipation ou aveu d’impuissance ?
22/10/2006
Vendredi 20 octobre 2006, selon l’agence chinoise Xinhua, l’ambassadeur de France en Chine, Philippe Guelluy, déclarait à la veille de la visite de Jacques Chirac dans cet immense pays de plus d’un milliard d’habitants, que la France souhaitait discuter avec la Chine sur la résolution des conflits en Afrique. La même source relate que le diplomate français affirmait, sans enfoncer de portes ouvertes, que la Chine avait acquis un poids important au sein de la communauté internationale, et qu’elle avait noué, avec la France un dialogue intense sur la résolution des conflits régionaux. Et de prendre l’exemple du cas de la Corée du Nord.
La Chine, en développement rapide, a étendu sa présence sur le continent africain ces dernières décennies, avec des arguments impossibles à l’ancienne puissance coloniale alourdie par le passif de la Françafrique, ses crimes et ses corruptions, en plus du différentiel de croissance économique.
Ce n’est pas un hasard si cet appel essoufflé survient à quelques semaines du sommet sur le Forum de la coopération sino-africaine en novembre 2006 … Rien de bien rassurant pour ainsi dire.
La chine a déployé depuis quelques décennies une stratégie très fine de montée en puissance progressive en Afrique, jouant sur ses propres besoins en matières premières, la dotation continentale en hydrocarbures notamment et des atouts imbattables : la possibilité de prêts sans intérêts ni conditionnalités FMI autorisée par son commerce extérieur excédentaire, son savoir-faire ultra compétitif en infrastructures et ouvrages d’art, son développement industriel fulgurant dans les secteurs tels que l’informatique et les biens de consommation bon marché.
La Chine, qui est aussi et peut-être dans sa géopolitique intentionnelle d’abord une puissance politique et militaire, est présente en filigrane dans plusieurs conflits où elle fournit armes, soutiens diplomatiques, influence. Les pays comme le Soudan, l’Angola, le Tchad, l’Afrique centrale dite francophone naguère quasi monopole français, ont basculé dans le maillage du nouveau géant asiatique qui se complait à occuper les niches et marchés que les puissance occidentales ne peuvent atteindre. Son argument démographique lui permet d’exporter une diaspora commerçante qui s’adapte aux pratiques populaires locales comme les originaires des anciennes métropoles ne sauraient pas le faire pour le moment. Progressivement les spécialistes voient le géant qui s’éveille en concurrent très sérieux pour ne pas dire davantage des puissances traditionnellement implantées en Afrique.
On est rendu dans les configurations du type «conférence de Berlin» où les convoitises internationales vis-à-vis des richesses du continent sont maximisées par l’anticipation mondiale d’une pénurie à terme des sources d’énergie. De plus la ruée vers l’Afrique a aussi pour but de couper la route des matières premières aux puissances industrielles naissantes qui si elles atteignaient un taux de croissance critique pourraient changer la face de l’appareil de production mondiale et exploser les hégémonies économiques héritées de l’ère industrielle.
Le calcul de la Chine sera naturellement de voir ce qu’elle gagne et ce qu’elle perdrait à un «partage» de l’Afrique française, dans un jeu global où beaucoup d’échanges sont possibles. Mais sur le long terme, la France ne pourra pas faire le poids face au géant chinois qui jouera sa propre partition africaine. Il ne s’agira pas de co-prospérité sino-africaine, si les Africains ne l’imposent pas, mais bien de croissance et de domination du plus fort. Peut-être la Chine aura-t-elle intérêt à soutenir réellement le développement de l’Afrique pour s’assurer une stabilité de ses approvisionnements et des exportations rentables dans des petits pays accompagnés dans une prospérité intéressée ?
Afrikara
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