Guet-apens
Quant on parle de guet-apens désormais, on ne fait plus référence au film culte de Sam Peckinpah avec Steve McQueen et Ali MacGraw, mais à ce que l'on appelle, en termes policiers et journalistiques, la logique de surenchère. Une sorte de jeu violent qui est passé par les Tarterêts et par les Mureaux, des banlieues chaudes s'il en est, pour mieux revenir par Epinay ou des éléments de la Bac, la brigade anticriminalité, ont été violemment agressés ce week-end. Une attaque calculée. Les policiers étaient attendus. Et s'ils ont pu se dégager du piège, c'est en tirant en l'air, ce qui est inhabituel et montre bien qu'il y a quelque chose qui s'est encore radicalisé ces derniers mois dans ces quartiers difficiles, alors que l'on croyait avoir déjà touché le fond.
Un an après les émeutes de novembre dernier, il faut, en effet, constater que, malgré les différentes promesses faites par le gouvernement, la situation ne s'est pas améliorée et que la volonté d'en découdre avec les forces de l'ordre, représentation vivante et première, d'un Etat immatériel pour les jeunes de banlieue, n'a fait que s'amplifier. Ce n'est pas surprenant. Quelles que soient les mesures annoncées et quelle que soit la sincérité de nos responsables dans leur volonté proclamée de rattraper les retards, il faut du temps pour y parvenir. Or, le temps est ce qui manque le plus. Ces jeunes sont impatients, donc ils utilisent l'inacceptable violence, dernier recours selon eux contre une oppression et un oubli qu'ils disent ne plus vouloir supporter, alors que les policiers, de leur côté, s'inquiètent de ce changement de comportement. «Ils s'emmerdent en banlieue», a résumé l'un d'eux, «ils appellent les keufs et ils se les mangent...». Un constat qui en appelle un autre: c'est que les policiers sont, aujourd'hui, partagés entre ceux qui considèrent qu'il faut changer de mode d'intervention dans les cités, ce qui sous-tend un durcissement des méthodes et d'autres affrontements. Et ceux qui pensent qu'il faut raison garder et travailler avec conscience républicaine, même si le ras le bol gagne du terrain dans la profession.
L'inquiétude est donc réelle. Les jeunes sont passés de la fuite devant la police à l'affrontement puis à l'attaque organisée, certains se plaignant du rôle du ministre de l'Intérieur qui utiliserait les provocations verbales pour ensuite mieux taper du point sur la table et montrer toute sa détermination à ses électeurs. Vu l'état d'esprit, on comprend que le travail de promotion du civisme fait par Djamel Debbouze, Joey Starr et quelques autres, ne rencontre pas le succès escompté. Peu nombreux, pour l'instant, sont les jeunes qui ont fait le choix de s'inscrire sur les listes électorales ce qui confirme le peu de crédit qu'ils accordent à la politique pour changer leur vie, la vie.
par Patrice Biancone
http://www.rfi.fr/actufr/articles/082/article_46810.asp
Lun 16 Oct - 22:17 par mihou