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 KLU KLUX KLAN :"Pas de Nègres à Espirat"

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mihou
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mihou


Nombre de messages : 8092
Localisation : Washington D.C.
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12102006
MessageKLU KLUX KLAN :"Pas de Nègres à Espirat"

KU KLUX KLAN
"Pas de Nègres à Espirat"
LE MONDE | 12.10.06 | 18h48 • Mis à jour le 12.10.06 | 18h48

Clément aura 13 ans le 19 octobre et il n'a plus de maison. Clément vit dans
un bungalow, à quelques kilomètres de Clermont-Ferrand, et il frissonne de peur,
chaque matin, quand ses parents partent travailler. Dans la nuit du 25 au 26
septembre, son père, François Philippe, l'a découvert prostré, sur son lit,
tandis que de hautes flammes dévastaient le pavillon familial d'une superficie
totale de 439 mètres carrés. Aujourd'hui, il ne reste plus grand-chose de la
bâtisse. Mais l'incendie a épargné les inscriptions qui se détachent, en grandes
lettres noires, sur les façades avant et arrière : "SALE NÈGRE", "NEGRO TU VA
CREUVE" et "BATAR". De temps à autre, des curieux s'aventurent à Espirat, petit
village de 315 habitants, au coeur de la Limagne, et jettent un oeil avide sur
la maison en ruine, dont l'entrée est barrée par un ruban jaune de la
gendarmerie.

François Philippe, 43 ans, ne supporte plus les badauds, les questions
pressantes, les regards lourds. Quand il marche dans les débris calcinés de ce
qui fut sa maison, il baisse la tête. Ecarte du pied un vélo d'enfant. Effleure
de ses mains noueuses un parpaing noirci. Il aimerait comprendre. François
Philippe est métis, né d'un père malgache et d'une mère anglaise. Technicien
dans un bureau d'études, il dit n'avoir jamais souffert du racisme. Jusqu'à ce
dimanche de mai 2003, quand tout a commencé.
C'était le jour de la Fête de la pierre et du vin. Le vieux fort du village
était paré de mille couleurs, et les gamins couraient dans les ruelles. Venu
d'un village voisin, François Philippe construisait, seul, sa maison, depuis
2002. A mains nues, un peu à l'écart de la départementale qui traverse Espirat.
Charpente, menuiserie, plomberie, électricité, il s'occupait de tout. C'était
son rêve, son bonheur promis, pour héberger sa deuxième femme, Véronique, et
Clément, né d'un premier mariage. Deux chambres avaient même été prévues à
l'étage pour accueillir des enfants de la Ddass.
"Dans la matinée, se souvient François Philippe, j'ai découvert une feuille de
papier, type A4, posée sur une truelle. Des lettres avaient été découpées dans
un journal, puis collées sur la feuille. Ça disait : "PAS DE NÈGRE À ESPIRAT,
PREMIER AVERTISSEMENT." Je n'ai pas compris, j'ai cru à une plaisanterie. Il n'y
avait aucune raison de mal m'accueillir, ici. Mais je suis quand même allé à la
gendarmerie, pour faire une main courante. Ils ont conservé le mot. Moi, je
n'avais jamais eu de problèmes en France. A Espirat, je n'avais senti aucune
animosité, j'étais venu ici pour la tranquillité."
L'affaire en reste là. Les gendarmes ne s'inquiètent pas outre mesure, pas
plus que le maire, Daniel Rousselot. "Que pouvait-on faire de plus, dit
aujourd'hui l'élu. Les gendarmes ont fait ce qu'ils ont pu, avec leurs moyens."
Pendant trois ans, il ne se passe plus rien. François Philippe continue à bâtir
son rêve, pierre après pierre, la maison sort de terre, le couple et l'enfant
s'installent dans les chambres.
Chaque week-end, chaque soir, l'homme travaille sur le chantier. Il choisit
les meilleurs matériaux. En guise de poutres, il achète de gros rondins à
Saint-Flour, qu'il fait sécher pendant trois ans avant de les placer avec soin,
dans le salon. "Je n'ai pas pris de vacances pendant trois ans, ni ma famille
d'ailleurs. Cette année, seulement, on a réussi à partir une semaine, à
Noirmoutier."
Un jour de février 2006, Véronique Philippe, Clément à ses côtés, ouvre la
boîte aux lettres. François Philippe ne se rappelle plus vraiment la date. Il se
souvient seulement que c'était la semaine où Youssouf Fofana, le chef
autoproclamé du "gang des barbares de Bagneux", responsable du meurtre d'Ilan
Halimi, s'était enfui en Côte d'Ivoire.
Dans une enveloppe, une feuille A4, à nouveau. Toujours ces lettres, découpées
dans un journal. Et ce mot : "LES NÈGRES AU BÛCHER, DEUXIÈME AVERTISSEMENT."
Désormais, la famille vit dans la peur. Une plainte est déposée. "Le petit était
terrorisé, il pleurait tout le temps. Il y avait un tas de bois derrière la
maison, je l'ai déplacé. "Les nègres au bûcher", on avait compris ce que ça
voulait dire. Et chaque soir, je laissais mon tuyau d'arrosage prêt, au cas où.
C'était dur à vivre, on ne parvenait pas à palper la chose qui nous voulait du
mal."
La famille vit repliée sur elle-même. Le village ne sait rien de ce drame
intime, ou feint de l'ignorer. Arrive mai 2006, la France fête la commémoration
de l'abolition de l'esclavage.
Un matin, à 6 heures, en rentrant de son travail, Véronique Philippe regarde
sa maison, écarquille les yeux, les bras ballants. Dans la nuit, les
inscriptions racistes ont été dessinées sur la façade. A l'arrière, une croix a
été peinte sur un mur, surmontée de trois points. Cette même croix est dessinée
sur le pare-brise de la vieille 406 de François Philippe, à hauteur du
conducteur. "J'ai tout de suite pensé au Ku Klux Klan, indique François
Philippe, les trois points, c'était pour ma femme, mon fils et moi." Au boulot,
ça va mal. La situation pèse sur son moral. "Je ne dormais plus, je multipliais
les bêtises, j'ai même eu un blâme. Je me sentais responsable de tout ça. Et
puis j'ai fini par en parler à mes collègues."
Les gendarmes pataugent. Pas facile de cerner l'adversaire invisible. Ils
épluchent le passé de François Philippe, ne lui découvrent aucun ennemi.
Auditionnent à tour de bras. Sans résultats. Le 11 septembre, trois carreaux de
la maison sont brisés, deux à l'étage, un au rez-de-chaussée. Quinze jours plus
tard, c'est le drame. "Vers 3 heures, le 26 septembre, j'ai été réveillé par une
explosion. Je me suis levé, j'ai vu que le garage et le toit de la maison
étaient en feu, ça sentait l'essence dans le salon. J'ai couru voir mon fils, il
était assis sur son lit. On a couru dehors, j'ai eu le temps de prendre mon
portefeuille, mes clés de voiture. Dire que le soir même, Clément m'avait dit :
"Papa, il y a quelqu'un dehors." Il était en crise, il pleurait, je ne l'ai pas
cru." De la maison du voisin, en pyjama et en claquettes, il voit sa vie
s'envoler en fumées noirâtres. Son fils à ses côtés, en larmes, son jouet
préféré arraché aux flammes dans les bras.
Espirat vit maintenant à l'heure de la suspicion. Les assurances ont relogé la
famille à l'écart, dans un petit bungalow en bois. Les Philippe ont pris un
avocat, Me Gilles-Jean Portejoie. "Cette affaire est révélatrice d'un climat,
pense celui-ci, la déshumanisation touche aussi le tissu rural, et le racisme
pousse sur ce terreau." Le parquet de Clermont-Ferrand s'est décidé à ouvrir une
information judiciaire le 2 octobre pour "destruction volontaire par incendie "
aggravée par les circonstances que "les faits ont été commis en raison de
l'appartenance à une race". "Les différents incidents et menaces dont cette
famille a été victime sont de nature à faire penser que cet incendie, s'il est
bien criminel, peut être lié à une démarche raciste ", explique, prudent, Michel
Valet, le procureur de la République à Clermont-Ferrand, qui assure avoir
débloqué des moyens pour l'enquête.
Mais les indices sont maigres. Le "corbeau" ne semble pas avoir laissé de
traces d'ADN sur les lettres anonymes. Les gendarmes ont placé deux villageois
en garde à vue, réalisé des expertises graphologiques. Ils ont aussi vérifié le
contrat d'assurance de la famille Philippe, on ne sait jamais. Mais l'incendie
ne leur est guère profitable.
"Je suis pacifique, je n'ai pas d'ennemis", dit François Philippe. Qui
regrette l'attitude du maire d'Espirat. "Il n'a pas bougé, c'est chacun pour soi
et Dieu pour tous." Dans son bureau de la mairie, Daniel Rousselot laisse dire.
"Tout ça ne vient pas du village, s'il y avait ici des gens racistes, ça se
saurait." Au premier tour de l'élection présidentielle, en 2002, 25 habitants
d'Espirat avaient voté pour le FN. 25 sur 169 suffrages exprimés, soit 14,8 %
pour l'extrême droite. Une proportion "normale". "D'ailleurs, tenez, M. Martin
n'a jamais eu de problème", poursuit l'élu. Cyril Martin, c'est l'autre "Noir"
du village. Qui confirme : "Je n'ai jamais été confronté au racisme à Espirat."
Et Daniel Rousselot d'ajouter : "Ce serait à refaire, je ferais la même chose."
Il peste contre "la récupération par certains de ce drame".
Quelques villageois ont organisé une réunion à la salle des fêtes, dix jours
après les faits. "On n'a pas réagi assez vite, explique Didier Croze, traducteur
de profession, et proche de la famille Philippe. Nous sommes restés chacun dans
notre coin, sans penser que cela irait aussi loin. Il faut aujourd'hui qu'on
agisse." La création d'une association a été décidée, une pétition de soutien a
recueilli 140 signatures. "Le racisme est partout, déclare Jean-François
Veyrières, proviseur à la retraite à Espirat. Même ici, on ne se parle pas. S'il
y avait eu une prise de conscience de la population, il n'y aurait pas eu ce
drame." Et François Philippe n'en serait pas, aujourd'hui, à ressasser la
couleur de sa peau. "Moi qui me suis toujours senti blanc", dit-il, les yeux
baissés.

Gérard Davet
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