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 Sénégal: la filière arachidière, la théorie du faire-faire

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Tite Prout
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Tite Prout


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Sénégal: la filière arachidière, la théorie du faire-faire Empty
10102006
MessageSénégal: la filière arachidière, la théorie du faire-faire

Interview de Badara Ndiaye, CADTM Sénégal
Sénégal : La théorie du faire faire : la filière arachidière au Sénégal

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par Damien Millet

DM : Badara, peux-tu nous préciser en quelques mots les évolutions récentes de la filière arachidière au Sénégal ?

BN : Tout d’abord, l’arachide joue un rôle essentiel dans l’agriculture sénégalaise, donc dans l’ensemble de l’économie de mon pays. L’hivernage fut bon cette année et la production a dépassé le million de tonnes.

Jusqu’en 2000, c’est la SONACOS (Société Nationale de Commercialisation des Semences) qui était chargée de gérer l’ensemble de cette filière. Elle était omniprésente dans l’ensemble du processus, de la vente des semences et engrais aux paysans à l’achat des récoltes et la transformation en huile par exemple. Par son intermédiaire, l’Etat était un acteur central dans la gestion de l’arachide au Sénégal.

Quelque chose me dit que cette histoire finit mal...

En l’an 2000, la SONACOS avait accumulé une dette de 60 milliards de FCFA, soit 600 millions de francs français. Pour les bailleurs de fonds, l’Etat devait se désengager au profit d’une stratégie du faire-faire. Et aussi bien le pouvoir d’Abdou Diouf que celui d’Abdoulaye Wade en place depuis deux ans ne sont jamais sortis de la logique ultralibérale des institutions financières internationales.

Selon elles, la responsabilité de cette dette incombe à un Etat gabégique, et d’après leurs beaux principes, seul le recours au privé peut permettre de rationaliser les coûts. La Banque mondiale a donc exigé du Sénégal la libéralisation de la commercialisation de l’arachide. La SONAGRAINES, qui s’occupait en tant que structure étatique de la vente et de la commercialisation des graines, a été dissoute le 31 décembre 2001 et remplacée par des opérateurs privés nationaux, à travers le système dit du carreau-usine. Désormais, les producteurs doivent vendre leurs récoltes à l’un des mille points de vente considérés comme les seuls marchés légaux, où ces opérateurs privés nationaux les achètent, servant de nouveaux intermédiaires entre les petits paysans et la SONACOS qui n’est plus qu’un agent de transformation industrielle.

Dans quelles conditions s’est effectuée cette dissolution ?

La pression systématique effectuée par les bailleurs de fonds a forcé le gouvernement à mettre en place cette libéralisation au pas de course. Le départ d’un acteur important - la SONAGRAINES - eut lieu alors que les nouveaux acteurs n’étaient pas encore en place. Cette libéralisation fut à la fois prématurée, précipitée et injustifiée. La production s’est très mal vendue, et les difficultés ont été aggravées par une spéculation acharnée de la part des commerçants " bana bana ". C’est tout le monde rural sénégalais qui en ressent les conséquences forcément négatives. Il reste l’impression d’un énorme gâchis et d’une stratégie qui ne manquera pas d’avoir des conséquences sur les élections municipales, rurales et régionales du 12 mai 2002, particulièrement dans le bassin arachidier.

Comment réagit l’Etat face à cette situation ?

La nomination d’un nouveau directeur à la SONACOS en janvier dernier n’a pas apporté d’amélioration notable dans l’organisation de la campagne arachidière. Les financements promis par l’Etat sont arrivés avec retard et furent insuffisants pour acheter le quota de 600 000 tonnes fixé par l’Etat.

L’Etat avait accordé des prêts aux opérateurs privés pour qu’ils financent le démarrage de la campagne, mais il n’a pas encore récupéré les sommes prêtées. Les paysans recevaient des bons de caisse en échange de leur production, mais le système ne fonctionne pas encore correctement, et ces bons tardent énormément à être recouvrés. De nombreux paysans ne parviennent pas à recevoir les sommes qu’ils attendent et leur niveau de vie diminue dramatiquement.

Mais le gouvernement n’a pas essayé de juguler ces dysfonctionnements ?

L’Etat a timidement essayé de contourner l’interdiction des subventions en augmentant les quantités de semences ou d’engrais distribués, mais le FMI et la Banque mondiale ont tout de suite fait part de leur désaccord. Et bien sûr le dernier mot leur revient puisque ce sont eux qui tiennent les rênes de l’économie de notre pays comme de la plupart des pays en développement.

A travers les conditionnalités édictées par les institutions de Bretton Woods, l’Etat n’a pas été en mesure de soutenir le prix à la production, qui est passé de 145 FCFA à 120 FCFA le kg. On mesure là la perte de souveraineté entraînée par les politiques d’ajustement structurel qui nous ont été imposées, avec évidemment le soutien du pouvoir politique.

La récente décision au niveau de l’UEMOA (Union "économique et monétaire ouest-africaine), qui regroupe les pays ayant comme monnaie commune le Franc CFA, d’augmenter la TVA de 10 à 18 % selon les critères de convergence internes à cette zone monétaire, a contribué à renchérir le coût de a vie en milieux rural et urbain.

Au bout du compte, ce sont toujours les populations qui subissent de plein fouet. Leurs revenus ont-ils malgré tout pu être maintenus ?

Certains producteurs, lassés de devoir attendre indéfiniment l’argent qui devait leur revenir suite à la vente de leur arachide, ont alors accepté de vendre leur récolte dans les marchés locaux entre 60 et 65 FCFA le kg. Le libéralisme est à l’œuvre sous nos yeux.

Tout cela a conduit à un appauvrissement des paysans et un enrichissement des opérateurs privés. Actuellement 400 000 personnes sont en situation difficile en milieu paysan, les pluies exceptionnelles de janvier ayant également apporté leur lot de désagrément en ce qui concerne le bétail.

Le responsable d’une association de paysans, M. Cissoko, a déclaré : " La privatisation tue le paysan. " Elle aurait, selon les acteurs du monde politique et rural, surtout favorisé les alliés politiques du pouvoir via les opérateurs privés.

On arrive à la situation ubuesque où l’Etat s’est endetté pour faire jouer à des opérateurs privés une partie importante du rôle joué auparavant par la SONACOS. C’est un phénomène particulièrement inquiétant : le développement de la théorie du faire faire. Le but est d’instituer des opérateurs privés qui remplacent l’Etat dans des fonctions de services ou d’industrie.

Cette théorie du faire faire est-elle à l’œuvre dans d’autres domaines également ?

L’éducation est un autre domaine où cette idée avance depuis 1994. L’Etat s’endette sur une ligne de crédit pour l’éducation, afin de payer des GIE (Groupements d’Intérêt Economique), des associations, des sociétés privées, pour leur permettre de recruter et former du personnel destiné à enseigner dans des zones définies prioritaires.

De plus, la stratégie du faire-faire constitue une politique de désengagement de l’Etat des fonctions sociales qui lui sont dévolues : éducation, santé, infrastructures, etc. Le peuple des villes et des campagnes souffre terriblement de cette stratégie.

Pour le moment, la résistance syndicale empêche le transfert total des personnels enseignants du primaire et du secondaire à des collectivités non étatiques, par exemple à des communautés de base comme c’est le cas dans certains pays africains.

Dans l’enseignement élémentaire, le faire-faire est dans un processus contradictoire, non stabilisé. Mais le personnel est constitué à majorité de volontaires payés sous forme de bourses, pour un montant correspondant à environ la moitié du salaire d’un fonctionnaire accomplissant la même tâche, mais qui lui profite de surcroît d’un programme de couverture sociale. Il n’est pas garanti dans ces conditions que le programme scolaire exigé soit réellement effectué. Là aussi, c’est la théorie du faire-faire.

L’Etat se décharge également sur les collectivités locales pour les infrastructures mais elles n’ont pas encore assez de moyens. En 1997, un(e) contribuable payait 5175 FCFA aux collectivités locales et recevait en moyenne 421 FCFA sous forme de services et d’investissements. Pour la même période les 60 communes du Sénégal avaient une capacité négative de 399 millions de FCFA. La tendance se poursuit avec, au niveau des collectivités locales, des budgets de fonctionnement qui couvrent en moyenne 60 à 70 % des budgets. Ce qui entraîne une inefficacité totale des collectivités. L’impôt foncier représente 46% en moyenne des recettes et connaît des difficultés dans le recouvrement.

Dans le domaine de la santé, depuis l’initiative de Bamako lancée par les Etats africains et des organisations internationales sous l’égide des Nations Unies, on assiste à la multiplication de mutuelles de quartier pour la santé de proximité. Moyennant une cotisation de l’ordre de 200 à 1000 FCFA par mois, elles permettent une prise en charge d’une partie des frais (par exemple entre 40% et 60% pour une consultation), avec un plafond de dépenses concernées. De plus, il faut attendre 6 mois avant de pouvoir en bénéficier. Mais comment peut-on aider les plus pauvres ainsi, alors qu’à Dakar, 300 000 personnes ne peuvent gagner 100 FCFA par jour pendant 30 jours consécutifs ? A terme, ces mutuelles vont devenir les interlocuteurs des hôpitaux, centres de santé, cases de santé et dispensaires, et pour cela, il faut une certaine stabilité et des capacités institutionnelles effectives, y compris la capacité de résister à d’éventuelles pressions visant à en faire des structures privées d’intermédiation entre les bénéficiaires et les structures sanitaires. On se dirige donc vers un système où les mutuelles pourraient permettre aux hôpitaux devenus autonomes de réaliser des profits conséquents et un décrochage des travailleurs de la Fonction Publique avec une possibilité d’indexer les salaires sur la productivité.

Les cahiers de charges définis pour le secteur de l’Education sont une préfiguration de ce passage du concept d’administration à celui de management avec application au secteur public des normes de rendement comme dans les entreprises. L’Etat se décharge donc là aussi des salaires et de ses responsabilités sociales, conformément aux exigences de la Banque Mondiale et du FMI.

Le faire-faire commencé à être exporté en Afrique par des experts de la Banque Mondiale, suite au " succès (selon les bailleurs de fonds évidemment) obtenu dans le laboratoire sénégalais ".

On a également beaucoup parlé de la privatisation ratée de la SENELEC, la compagnie nationale d’électricité. Où en est-on ?

Après l’échec de la privatisation au profit d’Hydro-Québec/Elyo, qui s’est soldée par un retrait à l’amiable parce que le pouvoir estimait que les intérêts nationaux n’étaient pas assez pris en compte, un autre repreneur étranger fut choisi : Vivendi ! Mais Vivendi proposait à l’Etat de lui faire une avance financière pour l’achat de la SENELEC, le reste étant payé au fur et à mesure des années grâce aux bénéfices réalisés. Le gouvernement de Wade s’est opposé à cette solution. Le seul candidat potentiel aujourd’hui est AES, une entreprise américaine au bord de l’expulsion de la cotation boursière, qui ne semble pas avoir les moyens de financer une telle acquisition. C’est une impasse totale. Cependant, le prix de l’électricité a augmenté de 10 % au 1er mars 2002, et à terme vont être instituées des conditions draconiennes de recouvrement. Il s’agit dès lors d’un véritable problème de souveraineté et de dignité pour le Sénégal et sa population. Les gouvernement successifs, depuis 1981 à nos jours, portent une responsabilité dans cette situation qui risquent d’hypothéquer l’appareil national de production.

Comment les populations jugent-elles la politique d’Abdoulaye Wade et de son équipe ?

L’état de grâce est maintenant bien terminé. Il faut attendre les législatives pour mieux y voir clair. Wade avait tous les leviers en main pour mener sa politique, mais il n’a pas pris de mesure sociale significative. Le 7 janvier 2001, il a fait adopter une nouvelle Constitution où l’on peut noter par exemple de graves restrictions sur le droit de grève. L’Etat cherche à contrôler les organisations syndicales pour empêcher toute forme de contestation. Mais on assiste à la mise en place d’un front de contestation avec l’élaboration d’une plate-forme revendicative, notamment sur l’âge de la retraite à 60 ans, la défense d’un service public de qualité, la stabilité de l’emploi, etc. Le mécontentement grandit comme en témoignent les nombreuses luttes en cours.

Quel est l’état de l’opposition dans le pays ?

Les partis de la Gauche traditionnelle tendent à se rapprocher actuellement, leurs liens s’étant distendus depuis mars 2000 et l’avènement de l’alternance. Mais les gens étaient très déçus du Parti socialiste d’Abdou Diouf contre lequel ils ont majoritairement voté en 2000, et le Parti démocratique sénégalais (libéral) du président Wade prend le même chemin.

L’arachide pourrait sanctionner le pouvoir. Ainsi, l’opposition pourrait jouer un rôle important lors des prochaines municipales. Mais vu la concentration des pouvoirs au niveau présidentiel, cette éventuelle percée pourrait ne pas influer significativement au niveau local sur le sort des populations. Elle critique beaucoup les rapports entre le pouvoir et le FMI et la Banque Mondiale. Il est cependant bon de souligner que le P.S qui était au pouvoir, est actuellement dans l’opposition et critique les choix de Wade. Mais quand les socialistes étaient au pouvoir, ils ont été de bons et loyaux élèves du FMI et de la Banque Mondiale, appliquant pendant vingt ans sans discernement ni mesure une politique totale d’ajustement structurel qui a très largement contribué à mener le pays dans la situation sociale actuelle.

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