MONDE-HISTOIRE-CULTURE GÉNÉRALE
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.
MONDE-HISTOIRE-CULTURE GÉNÉRALE

Vues Du Monde : ce Forum MONDE-HISTOIRE-CULTURE GÉNÉRALE est lieu d'échange, d'apprentissage et d'ouverture sur le monde.IL EXISTE MILLE MANIÈRES DE MENTIR, MAIS UNE SEULE DE DIRE LA VÉRITÉ.
 
AccueilAccueil  PortailPortail  GalerieGalerie  RechercherRechercher  Dernières imagesDernières images  S'enregistrerS'enregistrer  Connexion  
Derniers sujets
Marque-page social
Marque-page social reddit      

Conservez et partagez l'adresse de MONDE-HISTOIRE-CULTURE GÉNÉRALE sur votre site de social bookmarking
QUOI DE NEUF SUR NOTRE PLANETE
LA FRANCE NON RECONNAISSANTE
Ephémerides
Le Deal du moment : -40%
Tefal Ingenio Emotion – Batterie de cuisine 10 ...
Voir le deal
59.99 €

 

 Aimé Césaire :Poète Politique a 92 ans,Heureux Anniversaire

Aller en bas 
AuteurMessage
zapimax
membre mordu du forum
zapimax


Nombre de messages : 654
Localisation : Washington D.C.
Date d'inscription : 14/06/2005

Aimé Césaire :Poète Politique a 92 ans,Heureux Anniversaire Empty
01072005
MessageAimé Césaire :Poète Politique a 92 ans,Heureux Anniversaire

26 Juin 1913 - 26 Juin 2005 : Aimé Césaire le Poète Politique a 92 ans, Heureux Anniversaire
26/06/2005

Ecrivain, poète, romancier, essayiste, et simultanément homme politique à la longévité impressionnante, Aimé Césaire est de ces figures emblématiques, figures de proue, éclaireurs et éveilleurs de conscience, qui a marqué le 20ème siècle de son génie créateur. Homme d’action résolument, action pensée, méditée, réfléchie et mise en œuvre, inventeur d’une Négritude debout, ce brillantissime esprit de la Martinique est parvenu à offrir une perspective aux mondes noirs. Ces Afriques dispersées, ces diasporas, ce continent orphelin de ses fils déportés seront l’humus, la matière à polir, à lire, à écrire, à poncer du jeune Césaire, de l’adulte député-maire, du romancier, penseur de toujours, du patriarche pourvoyeur de sagesse. Le Nègre fondamental, est et demeure un esprit, un nègre debout, puisse t-il le plus possible déteindre encore sur les générations qui rencontrent son aura.



Césaire, dont André Breton chantre du surréalisme, estomaqué par la quintessence littéraire de Cahier d’un Retour au Pays Natal -1939- faisait un des plus grands poètes de son époque, n’a eu de cesse de reconstruire une solidarité, une nouvelle Afrique, une géographie humaine (re)vivante de l’Africain. Parcourant inlassablement dans l’histoire et l’espace les affirmations nègres, leurs désirs et projets de liberté, il posera des œuvres intemporelles sur des faits, figures, périodes historiques critiques des Nègres, des Humains. Haïti, Toussaint Louverture, Lumumba, le colonialisme, autant de questions abordées par prémonition depuis plus d’un demi-siècle par le père de la négritude et qui restent d’une brûlante actualité.

Césaire aura toujours été ce singulier universel, ces coups de boutoirs sans concessions à l’encontre de la dignité gratifiée aux uns et soustraite aux autres, aux Africains, à leurs descendants. Cette énergie, cette conviction, ce rythme et cette musique des mots, expressions, ces néologismes faisant exister des réalités insulaires au cœur d’une langue qui trop vite avait fait litière des cultures lointaines, ultramarines, africaines…



A l’occasion des 92 ans de la négritude personnifiée -sans nier les autres apports à cette expression littéraire-, Afrikara présente un important entretien accordé par Aimé Césaire au Magazine littéraire en novembre 1969 [N° 34]. L’écrivain y aborde ses relations avec la Martinique, l’Afrique, Haïti, son œuvre de création. Passionnant.



--------



Propos recueillis par François Beloux Magazine littéraire n° 34 Novembre 1969
1969. Il est député de la Martinique depuis la Libération, il a été avec Senghor, reconnu comme le plus grand poète noir d'expression française. Comment s'accordent, en lui, la négritude, la poésie et la politique ?



Q - Quels ont été vos sentiments, quelle a été votre impression quand vous avez quitté la Martinique pour venir terminer, en tant que boursier, vos études à Paris ?



R - Je n'ai pas du tout quitté la Martinique avec regret, j'étais très content de partir. Incontestablement, c'était une joie de secouer la poussière de mes sandales sur cette île où j'avais l'impression d'étouffer. Je ne me plaisais pas dans cette société étroite, mesquine ; et, aller en France, c'était pour moi un acte de libération.



Q - La rencontre avec Léopold Senghor, vos contacts avec les Africains de Paris n'ont-ils pas joué profondément sur vous ? C'est à ce moment-là, je crois, que vous avez conçu votre notion de "négritude".



R - C'est vrai, mais j'étais déjà prédisposé, si vous voulez, par un véritable état de révolte plus ou moins latente et confuse contre la société martiniquaise. Quand je suis arrivé à Paris - c'était en 32, à peu près -, je suis allé m'inscrire à la Sorbonne, et le premier noir que j'ai rencontré c'était un Sénégalais : Oussmane Sembé, qui est devenu ambassadeur du Sénégal à Washington... Le lendemain, à Louis-le-Grand, où j'étais en hypokhagne, je fais la connaissance de Senghor. Autrement dit, chose assez curieuse, dès mon arrivée, j'ai été pris en main par deux Africains, dont l'un est devenu un excellent ami, Senghor ; pendant cinq ou six ans, nous ne nous sommes pratiquement pas quittés, et il a eu une grosse influence sur moi. Il m'a aidé à analyser et à gommer ce côté négatif qui était ma haine d'une société martiniquaise qui me semblait typiquement coloniale et profondément aliénée.



Q - De la part des Martiniquais eux-mêmes ou des Français à la Martinique ?



R - Oh ! des Martiniquais eux-mêmes, bien sûr. C'est que les chaînes qui tiennent l'homme noir ne sont pas des chaînes ordinaires : ce sont des chaînes intérieures, des chaînes psychologiques...

L'homme antillais a été colonisé de l'intérieur, a été profondément aliéné. Et Senghor m'a révélé tout un monde, ça a été pour moi la révélation de l'Afrique. Et je dois dire que pendant toute ma vie d'étudiant, si j'ai eu beaucoup d'amitiés africaines je n'ai eu aucun rapport avec les Antillais et singulièrement avec les Martiniquais.



Q - Quelles différences établissez-vous entre Africains et Antillais ?



R - Elle est énorme.



Q - Dans quelle mesure peut-on dire que l'Antillais se considère comme un faux noir ? (je pense aux termes de "quarteron", "métis", demi-blanc et demi-noir).



R - Les Antillais sont des noirs ; simplement, ils ont été transplantés et ont été soumis pendant plus d'un siècle, près de deux siècles, à un effroyable processus d'assimilation, donc de dépersonnalisation. Et il a eu ce traumatisme qu'a été la traite des noirs. Les Africains, c'est tout à fait différent : ils ont conservé leur civilisation, parce que la colonisation a été extrêmement superficielle... Un Ouala sait très bien qu'il était Ouala, il n'a jamais prétendu qu'il était un Français noir, ce n'est pas vrai ; tandis que le phénomène de la colonisation s'est révélé beaucoup plus pernicieux, plus délétère aux Antilles. Les Africains ont conservé leurs religions, le contact avec leurs terres, avec leurs mythes, avec leur folklore - et puis, ils ont conservé leurs langues. En gros, ils ont maintenu leur civilisation, d'où une assurance psychologique à laquelle ne peuvent pas prétendre les Martiniquais, pas du tout. Ils sont des déracinés. C'est très important, ça. La situation des Antillais, en fait, est beaucoup plus dramatique que n'a pu l'être celle des Africains. Ce sont des gens qui ont tout perdu, qu'on a arrachés à leur terre, qu'on a transportés aux Antilles. Ils se sont trouvés enfermés dans un univers concentrationnaire qui, au fur et à mesure, s'est légèrement humanisé... Il n'y a pas de comparaison avec l'Afrique. Non...



Q - C'est vers cette époque que vous avez écrit "Cahier d'un retour au pays natal".



R - Oui. Senghor remplissait le vide que j'éprouvais et j'ai compris pourquoi je n'étais pas heureux à la Martinique. Par lui, j'ai très bien senti que mon vrai monde, c'était quand même le monde africain. Nous ne connaissions pas grand chose, mais nous lisions tout ce qui paraissait sur l'Afrique : les contes, les légendes, l'histoire de la civilisation africaine... et pour moi, ça a été la révélation de ce monde dont je n'avais que de très vagues prémonitions. Ce qui était confus en moi à ce moment-là s'est précisé, et j'ai pu jeter un regard critique sur la société antillaise, mieux comprendre ses manques, ses lacunes, ses altérations. j'ai compris alors que la société martiniquaise était une société a-culturée. C'était une civilisation noire transportée dans un certain milieu, dans un certain contexte ; une civilisation qui s'était peu à peu dégradée pour en arriver à ce magma invraisemblable, à cette anarchie culturelle dans laquelle nous vivions. Il était naturel que je ressente cette dégringolade et que l'Afrique m'apparaût, très romantiquement, comme une sorte de paradis d'où nous avions été chassés.

A mon retour, j'étais gros de tout ce que j'avais vu et plein de cette vision de l'Afrique que j'avais reçue par personnes interposées.



Q - En fait, vous avez découvert l'Afrique à Paris...



R - C'est incontestable. Je l'ai découverte à Paris, à travers les Africains ; mais ma géographie est avant tout humaine : je crois effectivement que je devais la porter plus ou moins en moi. En vérité, je n'avais presque rien lu sur l'Afrique quand j'ai quitté la Martinique, mais ça correspondait à une aspiration et la rencontre avec Senghor a fait le reste. Cela signifie que même dans un monde aussi aliéné que le monde martiniquais, nous restions, au fond, conscients de notre nature africaine.



Q - Vous avez vécu en Afrique ?



R - Relativement peu et jamais très longtemps. Mais je considère que les Antilles françaises sont beaucoup plus africaines qu'on ne veut bien le dire - et que ne l'imaginent les Antillais. Quand je suis allé en Guinée, quand j'ai été à Dakar, quand j'ai vu les bonnes femmes sur le marché : c'était tout à fait comme des Antillaises...



Q - Quel a été votre impact avec le pays, plus tôt ?



R - La Martinique est double et nous, Martiniquais, nous vivons dans un monde de fausseté ; il nous faut retrouver la vérité de notre être... Tout naturellement, j'ai débouché sur la poésie, parce que c'était un moyen d'expression qui s'écartait du discours rationnel. La poésie, telle que je la concevais - que je la conçois encore - c''était la plongée dans la vérité de l'être. Si notre être superficiel est européen, et plus précisément français, je considère que notre vérité profonde est africaine. Il s'agissait de retrouver notre être profond et de l'exprimer par le verbe : c'était forcément une poésie abyssale.



Q - En même temps, c'était une poésie-arme ?



R - Elle était arme parce que c'était le refus de cet état superficiel et le refus du monde du mensonge... C'était la plongée en moi-même et une façon de faire éclater l'oppression dont nous étions victimes. C'est un peu comme le volcan : il entasse sa lave et son feu pendant un siècle, et un beau jour, tout ça pète, tout cela ressort... Et c'était ma poésie, c'était ça "Cahier d'un retour au pays natal. C'était l'irruption des forces profondes, des forces enfouies dans les profondeurs de l'être, qui ressortaient à la face du monde, exactement comme une éruption volcanique.



Q -Vous êtes revenu en 1939; C'était la drôle de guerre, puis il y a eu la guerre pas drôle, et, en 1940, vous avez rencontré André Breton...



R - Oui, c'était au moment de la défaite.



Q - Quels ont été vos rapports avec Breton ? En un sens, vous étiez surréaliste sans le savoir...



R - A la vérité, c'était quand même dans l'air - et j'avais un peu respiré cet air-là. C'est une affaire de génération. Nous parlions de poésie avec Senghor et notre idée, c'était de rompre avec la civilisation imposée, de retrouver nos richesses enfouies et l'homme nègre qui était en nous, qui était dissimulé sous les oripeaux... il fallait nous retrouver.

Je connaissais très mal le surréalisme, mais je dois dire que mes recherches allaient dans ce sens, et lorsque j'ai rencontré Breton - et le surréalisme, ça n'a pas tellement été une découverte pour moi : plutôt une justification. Il y avait une entière convergence entre les recherches surréalistes et les miennes ; autrement dit, cela m'a confirmé, rendu plus hardi.



Q - A propos de vos écrits, on pense au titre de la revue : "Le surréalisme au service de la révolution"...



R - C'était ça. Et je me trouvais d'accord avec Breton sur la plupart des points. Mais... Breton a été extrêmement aimable, gentil... J'étais ébloui par son extraordinaire personnalité, son sens de la poésie, son attitude éthique également, parce que ce qui m'a frappé, c'est que Breton était un moraliste... un moraliste intransigeant... qui n'avait que mépris pour les arrivistes. J'ai été très séduit par lui ; en même temps, je me tenais sur mes gardes. Et je n'ai jamais voulu appartenir au mouvement surréaliste parce que ce à quoi je tiens le plus, c'est ma liberté. J'ai horreur des chapelles, j'ai horreur des églises ; je ne veux pas prendre de mot d'ordre - quelque sympathie que puisse m'inspirer tel ou tel groupement. Je refuse à être inféodé. C'est ce que je craignais avec Breton ; il était tellement fort, léonin, que j'ai craint de devenir un disciple, et je n'y tenais pas, ce n'est pas dans ma nature. J'ai toujours eu le sentiment de notre particularisme, alors je voulais bien me servir du surréalisme comme d'une arme, tout en restant fidèle à la négritude... Oui, Breton, c'est un homme pour qui j'ai eu beaucoup d'admiration et d'affection.
Revenir en haut Aller en bas
https://vuesdumonde.forumactif.com
Partager cet article sur : reddit

Aimé Césaire :Poète Politique a 92 ans,Heureux Anniversaire :: Commentaires

Aucun commentaire.
 

Aimé Césaire :Poète Politique a 92 ans,Heureux Anniversaire

Revenir en haut 

Page 1 sur 1

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
MONDE-HISTOIRE-CULTURE GÉNÉRALE :: CULTURE :: ARTS-LITTERATURE-LIVRES/ARTS-LITERATURE-BOOKS-
Sauter vers: