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 Nationalisations Tchad vs Bolivie: torrent d'hypocrisie

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Tite Prout
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Tite Prout


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Nationalisations Tchad vs Bolivie: torrent d'hypocrisie Empty
17082006
MessageNationalisations Tchad vs Bolivie: torrent d'hypocrisie

| CADTM |
www.cadtm.org/article.php3?id_article=1978

Presse internationale
Un torrent d’hypocrisie

Un homme se sert de l’argent du gaz et du pétrole pour aider les pauvres. L’autre l’utilise pour acheter des armes. Devinez lequel des deux on va diffamer...
par George Monbiot

21 juillet 2006

La civilisation a un nouvel ennemi. C’est un ancien cultivateur de coca appelé Evo Morales, l’actuel le président de la Bolivie. Hier il se trouvait devant le Parlement européen pour expliquer pourquoi il a envoyé les troupes reprendre le contrôle des gisements de gaz et de pétrole de son pays. Les ressources de la Bolivie, dit-il, ont été « pillées par les compagnies étrangères » [1], et il les récupère au bénéfice de son peuple. La semaine dernière il déclarait à Vienne, lors du sommet des dirigeants sud-américains et européens que les compagnies extractrices des combustibles fossiles du pays ne seraient pas indemnisées.

Vous devinez sans doute la suite. Tony Blair l’a exhorté à faire usage de son pouvoir en homme responsable [2] (c’est comme si Mark Oaten [3] sermonnait le pape à propos de continence sexuelle). Condoleeza Rice l’a accusé de démagogie [4]. The Economist a annoncé que la Bolivie « régressait » [5]. Le Times, dans un éditorial merveilleusement hautain, qualifiait Morales « d’irascible, xénophobe et capricieux », et cataloguait sa saisie des champs gaziers comme « un geste aussi puéril que tape-à-l’œil ». [6]

Peu importe que la privatisation du gaz et du pétrole boliviens, dans les années 1990, ait été pratiquement illégale - puisque réalisée sans le consentement du Congrès [7]. Peu importe que, jusqu’à présent, les richesses naturelles de la Bolivie n’aient fait qu’appauvrir sa population [8]. Peu importe que Morales, avant de devenir président, eût promis de reprendre le contrôle des ressources naturelles boliviennes et que sa politique soit massivement soutenue par les Boliviens. Cela ne saurait tarder : bientôt Donald Rumsfeld l’appellera le nouvel Hitler et Bush tiendra un autre discours sur la liberté et la démocratie menacées par... la liberté et la démocratie.

On râle... tout en faisant mine de s’inquiéter pour le peuple bolivien. Le Financial Times se fait du mauvais sang pour « la mauvaise gestion et la corruption » potentielles [9]. The Economist met en garde : « pendant que le gouvernement peut s’enrichir, son peuple va probablement encore s’appauvrir » [10]. The Times se lamente sur le fait que Morales « a renvoyé le développement de la Bolivie 10 ans en arrière... les groupes les plus vulnérables s’apercevront que la bouée de sauvetage économique sera bientôt hors de leur portée » [11]. Sornettes que tout cela.

Quatre jours avant que Morales ne récupère les gisements de gaz, le 1er mai, une expropriation bien plus considérable avait lieu dans un pays bien plus pauvre : la République du Tchad. Quand le gouvernement tchadien a repris le contrôle sur ses revenus pétroliers, non seulement il a fait en sorte qu’une bouée de sauvetage destinée aux pauvres leur soit réellement enlevée, mais il a également anéanti les prétentions de la Banque mondiale d’utiliser le pétrole comme programme d’aide sociale. Et tous les valeureux critiques d’Evo Morales, comment ont-ils réagi ? Ils n’ont pas réagi. Toute cette bande d’hypocrites a fait mine de regarder ailleurs.

En 2000, la Banque mondiale décidait de financer le gigantesque projet pétrolier tchadien, non sans avoir arraché au gouvernement d’Idriss Deby - détenteur de terribles records en matière de droits humains - la promesse d’utiliser les profits au bénéfice de la population du pays. L’administration Deby adopta une loi affectant 85 % des recettes pétrolières directes à l’éducation, à la santé et au développement, tout en plaçant 10 % « en fonds fiduciaire pour les générations futures » [12]. Ce qui, aux dires de la Banque, constituait « un système sans précédent de sauvegarde garantissant que des recettes seraient utilisées pour financer le développement au Tchad » [13].

Le projet n’aurait pu être lancé sans la Banque mondiale. Sa participation avait été exigée par Exxon, principal partenaire du projet, afin de fournir une caution contre les risques politiques [14]. Les différentes filiales de la Banque mondiale ont réuni au total 333 millions de dollars [15] et la Banque européenne d’investissement, quant à elle, a décaissé 120 millions de dollars [16]. Les compagnies pétrolières ( Exxon, Petronas, Chevron...) ont lancé le forage de quelque 300 puits dans le sud du pays, entamé la construction d’un oléoduc vers un terminal au Cameroun, et la production démarrait en 2003.

Les écologistes avaient prédit que l’oléoduc ravagerait les forêts tropicales du Cameroun et entraînerait le déplacement de populations indigènes qui y vivaient ; que le sociétés pétrolières consommeraient une grande partie de l’eau, si rare au Tchad, et que l’afflux de travailleurs pétroliers irait de pair avec la propagation du sida [17]. Ils alléguaient aussi que subventionner des multinationales pétrolières au nom du bien-être social était une réinterprétation radicale du mandat de la Banque. Dès 1997, le Fonds de Défense de l’Environnement mettait en garde contre le gouvernement tchadien qui n’allait pas respecter ses promesses d’utiliser les bénéfices pour réduire la pauvreté [18]. En 1999, des chercheurs à la faculté de droit de Harvard étudièrent la loi adoptée par le Parlement tchadien et prédirent que les autorités « n’avaient pas vraiment l’intention de consentir à ce qu’elle affecte les pratiques locales » [19].

En 2000, les compagnies pétrolières avancèrent au gouvernement tchadien un « bonus » de 4,5 millions de dollars qui fut immédiatement détourné en achat d’armement [20]. Enfin, début 2006, le gouvernement annulait tout simplement la loi de 1998. Il redéfinit le budget dédié au développement pour y inclure la sécurité, fit main basse sur le fonds destiné aux générations futures et détourna 30% des revenus totaux en « dépenses courantes », ce qui, au Tchad, signifie « achat d’armes » [21]. La BM, embarrassée par la réalisation de toutes les prédictions et critiques, gela les fonds déposés à Londres et suspendit le reste de ses prêts. Le gouvernement tchadien répondit en menaçant de fermer purement et simplement les puits de pétrole. Les compagnies se précipitèrent chez papa (le gouvernement états-unien) [22] et le 27 avril la Banque céda. Son nouveau protocole d’accord avec le Tchad légitime Deby à garder pratiquement tout ce qu’il a déjà pris [23].

Les tentatives de la BM pour sauver la face pourraient prêter à sourire. L’an dernier elle disait que ce projet était « un effort pionnier de collaboration... visant à démontrer que des projets pétroliers de grande envergure peuvent considérablement améliorer les perspectives de développement durable dans le long terme » [24]. En d’autres mots, c’était le modèle à suivre pour tous les pays producteurs de pétrole. A présent elle nous raconte que le projet tchadien n’était « pas tellement un modèle pour tous les pays producteurs de pétrole mais plutôt une solution unique pour un défi unique » [25]. Mais tous ces revirements ne peuvent masquer le fait que la reprise de contrôle du gouvernement est une catastrophe tant pour la Banque que pour les populations appauvries qu’elle prétendait aider. Depuis le début du projet, le Tchad est passé du 167ème au 173ème rang sur l’échelle du développement humain du PNUD et l’espérance de vie y est tombée de 44,7 ans à 43,6 ans [26]. En revanche, si Morales fait ce qu’il a promis de faire et utilise l’excédent de recettes des gisements de gaz boliviens de la manière dont Hugo Chavez s’est servi de l’argent du pétrole vénézuélien, le résultat a toutes les chances d’entraîner une amélioration importante du bien-être de son peuple.

Ainsi donc, d’un côté vous avez un homme qui a tenu ses promesses en reprenant le contrôle sur l’argent de l’industrie pétrolière dans le but de l’utiliser pour aider les pauvres. De l’autre côté, vous avez un homme qui a trahi ses promesses en reprenant le contrôle sur l’argent de l’industrie pétrolière, dans le but d’acheter des armes. Le premier de ces hommes est vilipendé comme un irresponsable puéril et capricieux. Quant au second, on le laisse poursuivre tranquillement. Pourquoi ? Parce que les actions de Deby ne gênent pas les compagnies pétrolières, contrairement à celles de Morales. Quand Blair, Rice, le Times et tous les autres défenseurs du pouvoir non démocratique disent « le peuple », il veulent dire en fait « les grosses entreprises ». La raison pour laquelle ils haïssent Morales c’est que quand lui dit « le peuple », il veut dire le peuple.
Notes:

[1] Eg Dan Glaister, 6th May 2006. “How Morales took on the oil giants - and won his people back”. The Guardian.

[2] Tony Blair, 12 mai 2006. Transcription de remarques à des journalistes à Vienne. http://www.number-10.gov.uk/output/Page9446.asp

[3] Député britannique récemment démissionnaire en raison d’un scandale impliquant des prostitués

[4] Cité par Javier Blas et Richard Lapper, 3 mai 2006. « Watchdog warns of ’dangerous’ trend on energy”. Financial Times.

[5] Pas d’auteur, 6 mai 2006. “Now it’s the people’s gas”. The Economist, US edition.

[6] Editorial, 3 mai 2006. “Outdated petulance”. The Times.

[7] William Powers, 6 mai 2006. “All Smoke, No Fire in Bolivia”. The New York Times.

[8] Eduardo Galeano, 1963. “The Open Veins of Latin America : five centuries of the pillage of a continent”. Monthly Review Press.

[9] David Lehmann, 15th May 2006. “Why we should bother about Chávez and his politics”. Financial Times.

[10] Pas d’auteur, 6 mai 2006, ibid.

[11] Editorial, 3 mai 2006, ibid.

[12] Banque mondiale, 6 juin 2000. “World Bank Group Approves Support for Chad-Cameroon Petroleum Development and Pipeline Project”. Communiqué de presse : http://www.exxonmobil.com/Chad/Library/News/Chad_NW_060600.asp

[13] Banque mondiale, sans date. “The ’Manna’ of Oil Revenues - Not to be Squandered”

[14] Banque mondiale, sans date. “A Way Out”

[15] International Finance Corporation, the World Bank, 2005. “The International Finance Corporation (IFC) Played a Leading Role in Facilitating the Oil Pipeline between Chad and Cameroon”.

[16] Center for Environment and Development, Cameroun, Les Amis de la Terre France, juin 2001. « Promesses bafouées Exploitation pétrolière et oléoduc Tchad-Cameroun Qui payera la facture ? ». http://www.amisdelaterre.org/article.php3 ?id_article=161

[17] ibid.

[18] Korinna Horta, Environmental Defense Fund, 1st March 1997. Questions Concerning The World Bank and Chad/Cameroon Oil and Pipeline Project — Makings of a New Ogoniland ? Corporate Welfare Disguised as Aid to the Poor. http://www.environmentaldefense.org/article.cfm ?contentID=1019

[19] Cité par Center for Environment and Development et al, ibid.

[20] Emad Mekay, 2 janvier 2006. “Chad Dilutes Oil-For-Development Pledge”. IPS News. http://www.ipsnews.net/news.asp ?idnews=31645

[21] ibid.

[22] Raymond Thibodeaux, 30 avril 2006. “Anger rises in oil-rich Chad as funds don’t aid the poor”. The Boston Globe

[23] Tom Maliti, 27 avril 2006. “Chad, World Bank reach deal on oil dispute”. Associated Press. http://www.mercurynews.com/mld/mercurynews/news/world/14443759.htm

[24] International Finance Corporation, the World Bank, 2005, ibid.

[25] Banque mondiale, 2006. “Where do things stand in the World Bank’s dealings with the Government of Chad ?”

[26] Cité par Korinna Horta, 11février 2006. « Caught in the oil trap”. New Scientist. Voir http://hdr.undp.org/reports/global/2005/pdf/HDR05_HDI.pdf

En cas de reproduction de cet article, mentionnez s'il vous plaît la source.
URL: http://www.cadtm.org

Source : Zmag

Traduction : Marie Meert.
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