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 Edgar Morin : « On a créé un état d'intimidation ».

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AuteurMessage
zapimax
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zapimax


Nombre de messages : 654
Localisation : Washington D.C.
Date d'inscription : 14/06/2005

Edgar Morin : « On a créé un état d'intimidation ». Empty
20062005
MessageEdgar Morin : « On a créé un état d'intimidation ».

Edgar Morin : « On a créé un état d'intimidation ».

Entretien réalisé par Silvia Cattori

17 juin 2005.

Edgar Morin, sociologue mondialement connu, a été de tous les
combats depuis soixante ans. [1] Son propos, vif et concis,
contredit l'idée que « l'antisémitisme » est de retour. Ce terme
serait brandi, selon lui, pour occulter la répression israélienne,
pour « israéliser » les Juifs, pour fournir à Israël des
justifications à sa politique. Ses prises de positions en faveur des
Palestiniens humiliés et offensés, ont valu à Edgar Morin d'être
calomnié. Nous gardons, de notre rencontre avec lui, l'impression
d'un homme de grande simplicité et probité. Nous tenons à le
remercier ici de nous avoir accordé l'autorisation de publier cet
entretien.
Silvia Cattori.

Silvia Cattori : Vous avez été condamné pour « diffamation raciale »
[2] pour avoir critiqué Israël. Pouvez-vous nous dire ce qui motive
votre intervention dans ce conflit ?

Edgar Morin : Tout d'abord il y a une chose que ne comprennent pas
les défenseurs inconditionnels d'Israël, c'est que l'on puisse être
animé par la compassion pour un peuple qui souffre. Ce sont les
souffrances continues de Palestiniens, en butte à des humiliations,
vexations, maisons détruites, arbres arrachés, qui m'animent. Bien
évidemment les articles que je rédige ne sont pas des articles
affectifs. J'essaye de faire des diagnostics. L'article « Israël-
Palestine : le cancer » [3], qui m'a valu d'être incriminé, a été
conçu dans cet esprit. J'avais rédigé auparavant un article titré «
Le double regard », [4] dans lequel j'essayais de comprendre les
raisons avancées par les Israéliens d'un côté, et les raisons
avancées par les Palestiniens de l'autre. Il est évident que
l'inégalité est incroyable. J'avais également développé cette
réflexion dans un texte, appelé « Le simple et le complexe » [5], où
j'ai essayé de voir les deux aspects du conflit. Je disais qu'il y a
un oppresseur et un opprimé ; que l'oppresseur israélien possède une
force formidable et l'opprimé palestinien n'a presque aucune force.

Silvia Cattori : Pouvez-vous expliciter ce que vous entendez par «
le complexe » ?

Edgar Morin : Le « complexe » vient du fait que les Juifs bien
entendu portent en eux le souvenir des persécutions subies par le
passé ; souvenir qui est attisé évidemment par le rappel incessant
d'Auschwitz, que l'on appelle Shoah. Il est clair aussi que tant que
l'isolement d'Israël dans ce monde moyen oriental se poursuit, tant
qu'il n'y a pas une politique qui permet son intégration, il y a une
menace tout aussi radicale que celle qui a pesé sur le Royaume
franc, le Royaume chrétien de Saint-Jean d'Acre.

Silvia Cattori : Donc vous vouliez appeler Israël à plus de raison ?

Edgar Morin : Cet article a été rédigé à l'un des moments les plus
intenses et les plus violents. Nous étions en 2002, lors de
l'offensive militaire de Sharon. C'était le moment de Jénin. Un
moment de très grande répression. De là le besoin d'intervenir et de
témoigner. J'ai fondé mon texte sur de nombreux témoignages directs.
D'ailleurs j'ai tenu à le faire cosigner par Sami Nair, un ami
français, lui-même d'origine maghrébine, et par Danielle Sallenave
qui, elle-même, était allée en Palestine. Il est évident que par ce
texte j'ai voulu établir un diagnostic et donner un signal d'alarme.
Je l'ai donc pensé, mesuré dans sa complexité. Il y avait une
question que je tenais à poser. Comment se faisait-il que deux
millénaires de persécutions et d'humiliations n'avaient pas servi
d'expérience pour ne pas humilier autrui ? Comment en est-on arrivé
à ce qu'Israël, lui-même l'héritier de juifs persécutés et humiliés,
persécute et humilie les Palestiniens ? C'est ce paradoxe historique
que j'interrogeais et que l'on m'a beaucoup reproché - entre autre -
dans le camp pro-israélien. Ainsi ce passage a provoqué la fureur
d'intellectuels comme Finkielkraut.

Silvia Cattori : Qu'y avait-il de condamnable ?

Edgar Morin : La condamnation porte sur deux passages. [6] Ces
passages, détachés de leur contexte, ont abouti à ce que la Cour
d'appel les considère comme diffamatoires racialement ; à ce que des
magistrats et un ministère public en arrivent à la condamnation des
auteurs de l'article et du quotidien qui l'a publié. Or il est
absolument évident que l'article en question n'est ni antisémite, ni
racial, ni raciste. C'est clairement précisé qu'il s'agit des Juifs
d'Israël, et non pas des Juifs de la rue des Rosiers ou de Broklin,
qui persécutent les Palestiniens. Il est également précisé que ce
n'est pas uniquement l'occupant israélien qui en arrive à des
exactions pareilles, mais tout occupant sur un territoire où il
n'est pas accepté. Toutefois, le tribunal n'a pas retenu comme «
incitation au terrorisme » le passage où je disais qu'il fallait
essayer de comprendre pourquoi il y avait ces bombes humaines,
appelées kamikazes. J'ai essayé de donner les raisons
psychologiques, historiques, y compris l'intervention politique du
Hamas ; en clair je ne fait que tenter de comprendre ce qui se passe
dans l'âme et l'esprit de ces combattants et les conditions de
désespoir et de haine qui les anime. Même si le tribunal ne leur a
pas donné raison sur ce passage, ces interrogations sont perçues par
ceux qui accusent comme une « apologie du terrorisme ». Ils ne
veulent même pas que l'on essaye de comprendre pourquoi des gens
sacrifient leur vie de la sorte !

Silvia Cattori : Tout ce qui se passe à ce sujet est
incompréhensible pour la plupart des gens !

Edgar Morin : Il se passe que, pour une grande partie des
Israéliens - et peut-être une grande partie des Juifs qui sont ici
en France entre les mains du CRIF [7], de ces organisations que l'on
appelle communautaires - il y a une sorte de judéo-centrisme, de
phénomène d'hystérie de guerre : l'ennemi est montré sous un angle
diabolique et soi-même on croit toujours avoir raison. Il se passe
que, bien qu'en France l'on ne soit pas en guerre, il y a cet état
d'esprit qui leur fait voir de l'antisémitisme dans toute critique
d'Israël. Or il est évident que l'on peut, avec des arguments
pervers, insinuer que tous ceux qui critiquent Israël - qui est un
Etat qui se déclare juif, qui se veut juif, et qui prétend
représenter tous les Juifs - deviennent antisémites. C'est une sorte
de cercle vicieux. Je crois qu'au surplus, agiter un antisémitisme
imaginaire, renforce l'israélo centrisme.

Silvia Cattori : Israël n'est-il pas assez fort comme cela ?

Edgar Morin : Israël n'existe que parce qu'il y a eu un
antisémitisme dont le point culminant a été l'antisémitisme nazi.
Malgré son hétérogénéité, Israël se sentait, dans les premiers
temps, menacé vitalement par ses voisins arabes. Mais depuis 1967,
où il est dans la position de l'Etat le plus fort, il a besoin de
camoufler cette situation de domination par celle de victime. D'où
le retour à Auschwitz et aux rappels incessants du martyre passé.
Par conséquent Israël est amené à réveiller l'idée que, dans des
pays où il y a de nombreux Juifs, les « gentils » (les non juifs)
sont fondamentalement ou potentiellement antisémites. Cela revient à
dire aux Juifs « vous n'êtes pas chez vous en France, chez vous
c'est Israël ». Autrement dit, l'antisémitisme alimente d'une
certaine façon une politique qui, au lieu de rechercher la bonne
entente et la paix, recherche la solution dans les annexions de
nouvelles terres. Voila en résumé dans quel contexte il faut situer
le phénomène de « l'antisémitisme » et son instrumentalisation.

Silvia Cattori : Alors si je comprends bien vous dites qu'il y a des
personnes qui empoisonnent le débat pour défendre l'indéfendable ?

Edgar Morin : Après la diffusion de mon article il y a eu bien
entendu beaucoup de messages de compréhension et de reconnaissance
par ceux qui ont compris cette vision complexe ; mais il y a eu
aussi des injures et des insultes. Une femme très éduquée,
ingénieur, m'a dit « mais Monsieur qu'est-ce que vous racontez !
Jérusalem est à nous depuis trois mille ans ! » Comme si c'était
d'évidence historique que Jérusalem été éternellement juive.

Silvia Cattori : Cet acharnement à faire taire toute critique qui
embarrasse Israël, ne va-t-il pas susciter des cassures
dommageables ?

Edgar Morin : L'idée de ceux qui me calomnient est de faire passer
le message que, bien que d'origine juive, je puisse être antisémite.
Ils avancent l'argument de « la haine de soi ». Parce que,
effectivement, certains Juifs, notamment dans l'Allemagne d'avant la
deuxième guerre mondiale, se sentant parfaitement à l'aise dans la
culture allemande, éprouvaient une gêne d'avoir cette chose
hétéroclite, hétérogène, qu'était leur origine. Mais en venir à
m'accuser de « la haine de soi », est absolument ridicule ! Tout
cela est absolument grotesque. Ces organismes juifs qui engagent les
procès contre moi - Avocats sans frontière, France-Israël - ont déjà
fait beaucoup de procès à d'autres gens. Le premier procès qu'ils
n'ont pas perdu est le procès en appel où je suis en cause et où, je
crois, que c'est sur instruction du Ministère de la Justice, dans le
cadre de cette vigilance extrême sur l'antisémitisme, que le
Ministère public a pris la parole au cours du procès - ce qu'il ne
fait jamais dans ce genre de procès - pour dire qu'il y avait deux
passages qui devaient être considérés comme diffamation raciale.
Voilà le contexte.

Silvia Cattori : Comptez-vous répondre aux calomnies ?

Edgar Morin : Je compte publier l'ensemble des articles que j'ai
rédigés sur cette question, sous le titre peut-être : « Ecrits
racistes et antisémites » pour qu'au moins les lecteurs puissent
voir de quoi il s'agit. Car il est vrai que c'est très difficile de
comprendre ce qui se passe en Israël-Palestine.

Silvia Cattori : Ce qui revient à dire qu'aussi longtemps que le
droit du plus fort occulte le droit du plus faible, c'est cette
vision unidimensionnelle qui primera.

Edgar Morin : On a vu à la télévision des maisons détruites, on a vu
des chars tirer sur des enfants ; mais ce que l'on ne peut pas voir
à la télévision c'est l'humiliation quotidienne faite à ces
Palestiniens qui se présentent aux postes de contrôles, à ces vieux
que l'on fait se déshabiller devant leurs enfants. C'est de ce
mépris horrible que j'ai voulu rendre compte ; de ce mépris affreux,
surtout manifesté par ces jeunes soldats de Tsahal, peut-être pas
tous ; il y a quand même une petite minorité qui va aider les
Palestiniens à reconstruire des maisons détruites. Cette humiliation
n'est pas perçue dehors ; ce sont ceux qui vont sur place qui l'ont
constatée. C'est pourquoi beaucoup de gens n'arrivent pas à
comprendre la situation quotidienne des Palestiniens. Par ailleurs,
il est clair pour moi que tous ces procès ont toujours été voulus
dans le but de faire croire à l'opinion israélienne et américaine
que la France est antisémite. Et ensuite, quand ces organisations
perdent les procès, elles répandent l'idée que les juges sont
antisémites eux aussi. Donc, ils gagnent de ce point de vue là. Et
par là même ils font peur, ils intimident. Or, s'il y a un
déferlement de racisme c'est sur les Palestiniens qu'il se manifeste.
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