Derniers éditos pour Alain Genestar et Serge July
Déboulonnage cette semaine de deux hommes de presse : Alain Genestar et Serge July.
Sur la photo, un jeune homme avec une carabine en bandoulière lit un journal au milieu des décombres. C’est par cette photo,
prise pendant la Révolution hongroise de 1956 à Budapest, qu’Alain Genestar, directeur de la rédaction de Paris Match, a
choisi d’illustrer son dernier éditorial cette semaine. « Ecrire pour Match n’a de sens que si l’écriture est accompagnée d’une
photographie ou inspirée par elle », écrit Alain Genestar. « Depuis sept ans, celle-ci m’aide à réfléchir. Il était temps que je
vous la montre ».
Ironie du sort, c’est également une photo qui a scellé le destin du journaliste, aujourd’hui poussé vers la porte de Paris
Match. C’était il y a un an, et l’hebdomadaire publiait en couverture une photo de Cécilia Sarkozy et d’un homme présenté
comme son compagnon, alors que le couple Sarkozy traversait une mauvaise passe. Le numéro se vendra à 900 000
exemplaires, au lieu des 630 000 exemplaires moyens. Voilà qui aurait du contenter Arnaud Lagardère, patron du groupe
Lagardère qui possède Hachette Filippachi, l’éditeur de Match. Sauf que Lagardère est un proche de Nicolas Sarkozy. Et il
n’apprécie pas du tout que Genestar ne l’ait pas prévenu de cette couverture qui, comme on l’imagine, n’a pas du tout plu au
ministre de l’Intérieur. Officiellement, si Alain Genestar a été prié de quitter la rédaction de Paris Match, c’est pour un «
différend déontologique », assure-t-on chez Hachette. Gérald de Roquemaurel, patron du groupe d’édition, dit reprocher à
Genestar d’avoir déstabilisé les équipes de l’hebdomadaire, qui se sont mis en grève pour protester contre l’éviction de leur
directeur de la rédaction.
Avec cette affaire, on se croirait revenu des siècles en arrière, dans ce que Daniel Schneidermann nomme dans Libération «
un état néo-louis-quatorzien, qui vient de montrer ses beaux restes ». Ultime pirouette médiatique : au moment où Genestar
fait ses cartons, Nicolas Sarkozy et sa femme affichent leur bonheur retrouvé à Venise en couverture de VSD. Et la semaine
dernière, c’est dans Paris Match que le ministre, si jaloux de sa vie privée, était photographié avec Cécilia et toute sa petite
famille à Londres.
Un autre patron de presse emblématique quitte son journal : Serge July.
Hasard de l’actualité, une autre figure des médias a du, contrainte et forcée, tirer sa révérence en la personne de Serge
July. Si Alain Genestar a été victime de pressions politiques, ce sont des impératifs économiques qui ont, cette fois-ci, coûté
sa tête au fondateur de Libération. « Je pars, à la demande d’Edouard de Rothschild, actionnaire de référence de Libération
», écrit Serge July dans son dernier édito. Rothschild posait le départ de Serge July en préalable à une recapitalisation du
quotidien, qui affiche de lourdes pertes.
Aujourd’hui, les principaux titres de la presse française appartiennent à de grands groupes industriels. En France,
l’indépendance journalistique est décidément un vain mot, lorsqu’on voit, avec July et Genestar, que les logiques
d’actionnaires où les pressions politiques pèsent bien plus lourd que la déontologie. Voilà qui ne va pas arranger les affaires
des médias, qui perdent chaque année un peu plus la confiance des Français.
par Delphine Le Goff
http://www.rfi.fr/actufr/articles/079/article_44767.asp
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La flotte européenne quitte les eaux sénégalaises
C’est la rupture. Négociateurs européens et sénégalais se sont séparés vendredi sur un constat d’échec, sans avoir renouvelé
l’accord de pêche qui expirait à minuit. Conséquence : dès ce 1er juillet, toute la flotte européenne quitte les eaux
sénégalaises.
Signé en 1980, l’accord de pêche avec le Sénégal est le plus ancien de ceux conclu par l’Europe avec un pays tiers. Depuis, il
était régulièrement renégocié, mais de plus en plus difficilement. En 2002 déjà, l’accord n’avait pas pu être prorogé à temps ;
chalutiers et thoniers espagnols, portugais, français, italiens et grecs avaient alors provisoirement cessé leurs activités dans
les eaux sénégalaises avant qu’un arrangement soit finalement trouvé.
Les discussions ont achoppé cette fois sur de nombreux obstacles. Pour sauvegarder ses ressources halieutiques menacées, le
Sénégal veut réduire les quantités de captures autorisées au large de ses côtes. Une exigence acceptée par les Européens qui
sont d’accord pour renoncer à la pêche démersale côtière pour ne pas léser les pêcheurs locaux.
Mais s’ils sont prêts à réduire leurs captures, les Européens estiment logique de diminuer d’autant la contrepartie financière
qu’ils versent au gouvernement sénégalais. Ce dernier, au contraire, souhaite l’augmenter ou, tout au moins, la maintenir à 16
millions d’euros par an. Dans le cadre d’un programme de partenariat, Bruxelles proposait aussi que sa compensation
financière serve au développement de la pêche locale, notamment artisanale. Pour Dakar, cette question relève de la
souveraineté sénégalaise.
Autre point de discorde : le débarquement obligatoire des prises dans les ports sénégalais. Enfin, contrairement au Gabon,
au Cap Vert et à Madagascar, le Sénégal rejette la proposition de Bruxelles de remplacer les quotas de marins locaux
embarqués sur les bateaux européens par des quotas de marins ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique).
Si les positions sont restées trop opposées pour renouveler l’accord de pêche, les autorités sénégalaises ont, en revanche,
déclaré complètement infondées les rumeurs selon lesquelles la concurrence de la flotte européenne serait à l’origine de la
reconversion de pêcheurs sénégalais en passeurs d’émigrés clandestins. Une mise au point à laquelle les Européens tenaient
beaucoup.
par Anne-Marie Mouradian
[01/07/2006]
http://www.rfi.fr/actufr/articles/079/article_44766.asp