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 Tariq Ramadan: ses interviews 7

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zapimax
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zapimax


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15062005
MessageTariq Ramadan: ses interviews 7

Existe-t-il un antisémitisme islamique ?

Par Tariq Ramadan
dimanche 23 décembre 2001


La responsabilité des musulmans et des juifs en Occident est énorme : vivant ensemble, citoyens des même sociétés, ils devraient faire entendre leurs voix au nom de la justice et du respect mutuel. En France, par exemple, on trouve une situation tout à fait singulière, à savoir les communautés juives et musulmanes les plus nombreuses d'Europe. Aux Etats-Unis, nous trouvons la même situation avec deux communautés partageant la même citoyenneté. En cela ces sociétés, et l'Occident en général, devraient faire office de laboratoire du « vivre ensemble ». Sur le terrain néanmoins tout indique que les difficultés se multiplient. On a certes par le passé connu des moments de nervosité mais rien de similaires aux tensions qui ont suivi la seconde Intifada et plus récemment la nouvelle flambée de violence au Moyen-Orient. Tout se passe comme si la jeunesse française, d'origine immigrée et musulmane, était plus sensible aux événements en Palestine et manifestait son mécontentement de façon plus audible.

Des propos malveillants, des « A bas les juifs ! » fusant dans certaines manifestations, voire des exactions contre des synagogues ont pu être enregistrés dans différentes villes de France. Plus généralement, on a pu entendre ici et là des propos ambigus sur les juifs, leur pouvoir occulte, leur rôle insidieux dans les medias, leur sombre stratégie, et tout à l'avenant. Après le 11 septembre, les fausses rumeurs sur les 4000 juifs qui ne se seraient pas présentés à leur poste le matin des attaques contre le World Trade Centre, ont été relayées jusque dans les banlieues.

Des voix musulmans, trop rares, se sont fait entendre pour se démarquer de ces propos et attitudes. On a parfois expliqué ces phénomènes par la frustration et un sentiment profond d'humiliation. Cela peut être mais il faut néanmoins être honnête et aller jusqu'au bout de l'analyse du phénomène : comme cela se voit à travers le monde musulman, il existe aujourd'hui en Occident un discours antisémite qui cherche à tirer sa légitimité de certains textes de la tradition musulmane et qui se sent conforté par la situation en Palestine. Ce discours n'est pas uniquement le fait de jeunes désœuvrés mais il est également véhiculé par des intellectuels ou des imams qui à chaque écueil, au détour de chaque revers politique, voient la main manipulatrice du « lobby juif ».

La situation est trop grave pour que l'on se satisfasse de propos de circonstance. Les musulmans, au nom de leur conscience et de leur foi, se doivent de prendre une position claire en refusant qu'une atmosphère délétère s'installe dans certains pays occidentaux. Rien dans l'islam ne peut légitimer la xénophobie et le rejet d'un être humain par le seul fait de sa religion ou de son appartenance. Ce qu'il faut dire avec force et détermination, c'est que l'antisémitisme est inacceptable et indéfendable. Le message de l'islam impose le respect de la religion et de la spiritualité juives considérées comme la noble expression des « gens du Livre ». Dans les premiers temps de son installation à Médine, avant les conflits d'alliance, le Prophète Muhammad avait menacé : « Celui qui est injuste envers un contractant (les chrétiens et les juifs de Médine), je témoignerai contre lui le jour du jugement dernier ». Plus tard, en pleine période de conflit, huit versets du Coran furent révélés pour innocenter un juif qu'un musulman cherchait à faire injustement accuser à sa place. Muhammad n'a cessé d'enseigner le respect des êtres dans leur différence : il se leva un jour alors qu'une procession funèbre passait non loin de lui ; on lui annonça qu'il s'agissait d'un juif, à quoi il répondit : « Ne s'agit-il pas d'une âme humaine ? »

On ne peut négliger cet enseignement et continuer à alimenter des représentations pour le moins trouble concernant les juifs. C'est la responsabilité des cadres associatifs et des imams de diffuser un message sans ambiguïté sur les profonds liens entre l'islam et le judaïsme, sur la reconnaissance islamique de Moïse et de la Thora, sur la contextualisation nécessaire de certains textes équivoques, sur le respect mutuel et le refus de toute forme d'antisémitisme explicite ou larvé. Cela veut dire également qu'il faut reconnaître l'horreur que fut l'holocauste, en étudier la portée et respecter la blessure et la souffrance qui ont façonné la conscience juive au 20ème siècle.

Pour que tous les citoyens de confession musulmane accèdent à la compréhension de cet enseignement, il faut que celui-ci soit accompagné d'un certain nombre d'actions concomitantes. En amont, il faut lutter contre le sentiment de victimisation qui colonise de nombreux esprits parmi les citoyens français musulmans et notamment parmi les plus marginalisés. De malaise en repli communautaire, ils finissent par stigmatiser l'autre, l'Etat, la police, le juif « qui ne nous aiment pas, qui nous manipulent… ». C'est ici la responsabilité partagée des intellectuels musulmans et de l'autorité publique : pour les premiers, il s'agit de dispenser un enseignement islamique cohérent et non littéraliste qui insiste sur la responsabilisation personnelle et le respect de l'autre ; quant aux pouvoirs publics, il s'agit de proposer des actions concrètes qui brisent la logique des ghettos économiques et qui réforment les politiques sociales et urbaines sur le plan local. Qu'on le veuille ou non, le désœuvrement et la discrimination sociale sont une des causes majeures du racisme.

A un autre niveau, il devient urgent que des représentants juifs et musulmans prennent langue et établissent un dialogue franc et exigeant afin d'éviter d'alimenter les réflexes communautaristes qui pourraient mettre à mal le principe du vivre ensemble. L'autocritique doit être mutuelle et en ce sens, il faut relever le courage du cinéaste Eyal Sivan lorsqu'il s'en prend à l'attitude de certains représentants de la communauté juive qui prennent les citoyens en otage et entretiennent la confusion entre la critique de l'Etat d'Israël et les manifestations d'antisémitisme. Il faut effectivement condamner les dérapages antisémites de certains musulmans ; il est néanmoins de la responsabilité des intellectuels juifs, religieux ou laïques, de ne pas confondre les registres. Un premier ministre d'extrême-droite, qu'il soit juif ou non, est porteur d'une idéologie qu'il faut dénoncer pour ce qu'elle est. Critiquer Sharon, pour ses horribles complicités passées et l'horreur de sa politique actuelle, ce n'est point manquer de respect au judaïsme, de la même façon que critiquer une à une les dictatures des pays musulmans n'est point s'en prendre à l'islam. Le respect que nous devons au judaïsme ne doit pas être sujet à caution dès lors que l'on dénonce l'injuste politique de l'Etat d'Israël. A entretenir ce type d'amalgames malsains, on finit par creuser des tranchées entre des appartenances qui évident de son sens la pratique d'une citoyenneté française fondée sur des valeurs de justice et d'égalité.

Musulmans comme juifs doivent cesser d'alimenter le sentiment d'être des « victimes », et reconsidérer les discours que chacun entretient sur l'autre. Au nom d'une commune éthique citoyenne, notre dignité sera fonction de notre capacité à savoir critiquer, au-delà de toute appartenance confessionnelle, tout Etat et toute organisation à l'aune des principes du droit sans considérer qu'il s'agit d'une manifestation d'antisémitisme ou d'islamophobie. C'est cette exigence intellectuelle qu'il faut enseigner et qui aidera tous les juifs et les musulmans à offrir à leur foi et à leur appartenance respective l'amplitude d'une conscience de soi universelle et non celle d'une identité-ghetto très étriquée. En Europe et en Amérique du Nord, les conditions objectives qui permettraient de relever ce défi sont réunies, reste à s'engager ensemble dans la voie de l'autocritique constructive et à refuser la perverse tentation des condamnations sélectives.

Tariq Ramadan
Être musulman, être entendu

Par Tariq Ramadan
vendredi 10 novembre 2000


ON laisse entendre que ma réflexion sur l'islam et la laïcité relève du double discours (Le Monde du 29 septembre). On le suggère plus qu'on ne le prouve. Qui peut nier que la sécularisation et la laïcité soient nées en Occident ? La question qui se pose aux musulmans est : pouvons-nous vivre dans ce cadre ? Ma réponse est « oui », tant à la lumière des sources islamiques qu'à celle des législations européennes.

L'histoire du droit musulman montre que jamais la raison ne fut considérée comme une ennemie de la foi et le principe, en matière sociale, est que « tout est permis » dès lors que l'on respecte les prescriptions générales des sources scripturaires. Dans le contexte européen, les juristes doivent évaluer les acquis et les adaptations possibles.

Encore faut-il que les pouvoirs publics appliquent la laïcité de façon équitable. Or il n'en est rien : au nom du préjugé que « l'islam s'oppose à la laïcité », toutes les initiatives des musulmans sont suspectées. Je demande une application stricte et équitable des textes de loi loin de toute instrumentalisation idéologique de la laïcité. Je me suis également exprimé contre la tentation communautariste : la communauté de foi ne peut légitimer aucun enfermement communautariste.

J'ai interpellé certains élus locaux qui, en période électorale, jouent sur le sentiment communautaire en promettant des mosquées ou en plaçant, de façon visible (mais souvent inéligible), des noms à consonances maghrébines sur leur liste. Qui donc entretient un communautarisme malsain ?

Il y a quelques années, des musulmans désiraient être dispensés des cours de biologie, car ceux-ci « contredisaient l'islam ». Je me suis opposé à toute dispense de cours. Les hypothèses scientifiques sur l'origine de l'être humain, les pensées marxiste ou nietzschéenne peuvent contredire nos enseignements : que dire de l'évolution, des thèses du matérialisme ou de « la mort de Dieu » ? Il appartient aux familles ou aux associations de présenter un éclairage musulman sur ces questions comme le font les juifs et les chrétiens depuis des décennies. Pourquoi cela serait-il suspect chez les musulmans ? Il n'y a là aucune remise en cause du statut de la raison : je peux respecter son usage et contester certaines de ses conclusions, je peux être rationnellement convaincu de l'évolution des espèces et défendre l'idée d'un Créateur.

Je m'oppose à la diabolisation de l'Occident. Néanmoins, je fais la différence entre le commerce équitable et l'OMC ou McDonald's, entre Hugo et Dallas, et je critique les excès de l'économisme, l'individualisme, ou encore l'impérialisme culturel et la perte des références éthiques. Faudrait-il, pour prouver mon intégration, que j'en perde mon sens critique ? Les acquis de l'Occident en matière de droits humains sont indiscutables, mais je ne suis pas dupe : seule une conscience éveillée me permettra de préserver ma spiritualité, un sens aigu de la justice et une dignité morale.

Les musulmans seront vraiment acceptés en Europe quand on admettra qu'ils puissent être critiques sans leur supposer des intentions inavouées. On aimerait que je renie mon grand-père, Hassan Al-Banna, ou que « j'avoue » ma totale adhésion à sa pensée. Soit je suis « un intellectuel éclairé », soit « un obscurantiste », sous-entendu comme mon grand-père. Equation simple, mais surtout simpliste : non, je ne renie pas ma filiation avec un homme qui a résisté aux colonisations anglaise et sioniste, qui a fondé 2 000 écoles, 500 centres sociaux, autant de coopératives de développement, et qui n'a jamais, toutes les études sérieuses le prouvent, commandité d'attentats terroristes.

Je défendrai ma vie durant la mémoire de cet homme, assassiné à quarante-deux ans, et qui, sous la répression, appelait : « Soyez comme l'arbre fruitier, on vous attaque avec des pierres, répondez avec des fruits. » Je m'élèverai enfin contre les amnésies sélectives et la diabolisation, qui opèrent encore dans les sociétés des anciens colonisateurs de l'Egypte comme de l'Algérie. Il faudra bien un jour revisiter cette histoire : sans doute ce devoir de mémoire est-il la seule voie pour parvenir à un dialogue des civilisations d'égal à égal. Je vis dans un autre contexte : sans renier ma filiation, j'opère par sélection et ma pensée évolue. Mon souci est de promouvoir une présence digne, égalitaire et citoyenne.

Je sais que mon discours dérange aujourd'hui, mais je peux vous assurer que, ces prochaines années, de plus en plus de Français de confession musulmane vont apparaître sur la scène, qui seront sûrs d'eux-mêmes et de leurs droits citoyens et il faudra bien cesser, en France, de traiter de haut ces éternels « jeunes musulmans », de les soupçonner de double allégeance, de chercher à passionner jusqu'à l'aveuglement le débat sur l'islam. Le discours entretenu sur ma « duplicité » est symptomatique, il est signe d'une période de transition. Mais ce temps passera : si aujourd'hui nous sommes soupçonnés, nous serons très bientôt respectés, par sagesse autant que par nécessité.

Tariq Ramadan est professeur de philosophie et d'islamologie à Fribourg et à Genève

Tariq Ramadan
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