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 L'université africaine ou le supermarché du savoir minimum

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Tite Prout
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Tite Prout


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27052006
MessageL'université africaine ou le supermarché du savoir minimum

L'université africaine ou le supermarché du savoir minimum
Par Antoine Nguidjol
Antoine Nguidjol Docteur en philosophie, Attaché d'administration scolaire et universitaire
publié le 24/05/2006


L'université africaine, fille cadette de l'université française, a été créée et financée dès l'origine comme un service public inféodé à l'Etat. Elle en paye aujourd’hui les conséquences et les élites censées en sortir se dissolvent dans la « culture commune ».
Les universités africaines, dont la création remonte pour la plupart aux années soixante, avaient pour vocation unique de fournir des cadres aux nouveaux Etats indépendants, ainsi que le stipulait d'ailleurs la loi-cadre de Gaston Defferre votée par le Parlement français le 23 juin 1956 ; loi à laquelle participa entre autres Houphouët-Boigny futur Président de Côte-d’Ivoire alors ministre d'Etat de la quatrième république française.
Former des Africains au-delà de l'enseignement secondaire n'est devenu un impératif pour l'administration coloniale que le jour où la « décolonisation » s'est avérée inévitable. Celle-ci s'était contentée jusque-là de personnels d'exécution appelés « commis ».
Si le but de l'administration coloniale avait été autre, il n'y a pas de doute qu'on aurait assisté à une floraison d'universités africaines après la « grande guerre » ou sinon juste après la seconde guerre mondiale. Il est inutile de rappeler que l'administration coloniale, comme toute entreprise de domination d'ailleurs, se méfiait du savoir. Si elle y consentit toutefois pour des besoins d'exécution, elle en limita aussitôt le champ ; car le savoir et le besoin de liberté vont de pair.
Cet impératif technique n'a pas disparu avec les indépendances. Au contraire, il s'est accru au fur et à mesure que les nouveaux Etats ont investi des domaines de compétence nouveaux ou ceux délaissés sciemment par l'Etat colonial : en dehors des fonctions purement régaliennes (armée, police, justice), les nouveaux Etats ont beaucoup recruté pour l'enseignement lui-même (écoles, collèges, lycées), pour la santé (cadres soignants et non soignants), et surtout pour l'appareil économique (sociétés d'Etat dans divers domaines de l'économie). De telle sorte que déjà dans les années 1980, de nombreux Etats africains se sont trouvés piégés et incapables de continuer à honorer les recrutements massifs dans la fonction publique.
Un secteur saturé
Arrêtons de nous voiler la face ! Les plans d'ajustement structurel du FMI n'ont pas inventé le problème de l'accroissement exponentiel de la fonction publique africaine - même si de nombreux analystes africains ont raison de critiquer le cynisme et la brutalité des mesures correctrices imposées aux Etats africains, parmi lesquels le sacrifice des programmes d'éducation et de santé.
Nous devons cependant reconnaître que dans la période allant de 1960 à 1990, les Etats africains se sont efforcés de monopoliser contre toute logique l'ensemble de l'appareil de production ; les fonctionnaires constituent en effet les deux tiers des salariés dans ces Etats, à cause d'une politique de hauts salaires injustifiés dans certains domaines, d'emplois faciles, massifs et stables (notamment dans l'armée, la police, l'enseignement et la santé) ; et enfin, d'une façon générale, à cause d'une politique irréfléchie consistant à faire de l'emploi public le levier essentiel du progrès social.
Interrogés sur leurs futures professions, élèves et étudiants se prononçaient encore à 80 % en faveur de la fonction publique dans les années 1980, principalement pour les carrières de l'enseignement.
Le prolongement des études au-delà du secondaire n'est donc en rien le résultat d'une augmentation de la demande de compétences intellectuelles et morales, mais l'effet mécanique de demandes techniques destinées à alimenter les rouages de l'appareil d'Etat post-colonial.
Comme on pouvait s'y attendre, les effets pervers d'un tel système allaient devenir immanquablement insoutenables pour les Etats africains par saturation. L'appareil d'Etat a beau être important, il ne peut s'étendre à l'infini. La saturation a été vite atteinte en seulement trente ans, ceci principalement parce que le recrutement s'est fait de façon anarchique, illogique, et qui plus est, en privilégiant des secteurs atrocement gourmands et improductifs comme l'armée.
Elle est, aujourd'hui, telle que la demande en postes s’accroît tandis que l'offre se réduit, ne laissant parfois à l'Etat d'autre moyen que de multiplier à l'infini des obstacles insurmontables à l'encontre d'éventuels postulants ; ce qui crée les conditions d'une corruption généralisée que l'on déplore partout en Afrique.
Des intellectuels fonctionnarisés
Les récentes mesures consistant à rendre les études payantes dans les universités africaines sans que l'Etat abdique en même temps le contrôle administratif et politique qu'il exerce au sein de l'université, montre à quel point l'Etat considère toujours l'université comme un de ses rouages essentiels.
La gestion des cerveaux s'avère d'une importance stratégique pour l'Etat, surtout en des périodes où la faim, l'insécurité et le chômage peuvent amener les citoyens à le contester.
Nos universités sont les petites-filles de l'université napoléonienne. Il n'est pas étonnant dès lors de constater que les amphithéâtres ne sont plus que de simples agences de recrutement où se pressent des quantités de plus en plus nombreuses de désœuvrés qui n'auront d'activité intellectuelle que purement velléitaire.
La France, que nos Etats copient, nous donne encore hélas l'exemple d'un pays réticent à assurer l'autonomie intellectuelle et morale de ses universités. On remarquera là-bas aussi le ballet incessant de ministres entre les chaires d'université et les postes ministériels. Il est particulièrement frappant d'y constater entre autres que la presque totalité des ministres de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur sont des enseignants du supérieur, que l'université française n'est plus le lieu où s'articule et se pense l'avenir de la société française, comme pendant les années Sartre, Foucault et Bourdieu. Elle est, pour ainsi dire, entrée dans le rang. Ses "intellectuels" n'étant plus que des « fonctionnaires », ni plus ni moins.
Mon expérience personnelle en tant que responsable administratif d'un établissement d'enseignement supérieur m'a amené à voir à quel point certains d'entre eux étaient plus séduits par les postes, les honneurs, la carrière, ou les arrondis de fin de mois que procurent les heures complémentaires - que par le renouvellement intellectuel.
Malgré les efforts consentis par ceux de nos pays qui essaient de former une élite compétente, et ceux des enseignants qui s'acquittent honorablement et efficacement de leurs responsabilités, l'activité de l'universitaire africain est parfois purement velléitaire. Cet état de fait trouve sa source dans la structure même dans laquelle il opère et dans son mode de fonctionnement : En réduisant les études universitaires à une fonction purement technique et de promotion sociale, à l'opposé des exigences à la fois intellectuelles et morales de l'enseignement supérieur, on a préparé les carences actuelles de la culture universitaire - dont on peut ressentir les effets dans la déliquescence générale, l'atrophie intellectuelle et morale de nos responsables pourtant diplômés de l'enseignement supérieur.
La formation des commis de l'Etat, grands ou petits, devrait rester la mission des écoles. L'université devrait avoir une mission différente.
Elle n'est parfois en Afrique plus qu'un "resto du coeur" pour « indigents intellectuels » ; voire, une sorte de supermarché du savoir minimum où chacun vient chercher au plus bas prix de quoi soutenir son existence fragilisée.
Subventionner sans s’immiscer
Affirmer que la fonction universitaire se suffit à elle-même revient à exiger que l'Etat cesse d'y jouer un rôle de propriétaire.
L'université ne doit être considérée sous aucun prétexte comme une entreprise publique dans laquelle l'Etat fixerait d'avance les buts de productivité à atteindre, le contenu des programmes, la place et le rôle de chaque agent dans la grande industrie de l'intelligence. Pour autant, l'Etat doit subventionner l'université ; c'est tout à son honneur. Subventionner sans gérer, sans s'immiscer dans l'organisation et le fonctionnement des organes de promotion de l'intelligence est la marque d'un grand Etat protecteur de la liberté et des lumières ; c'est sa contribution, il n'en découle pas un nécessaire retour d'ascenseur.
La fonction du Recteur doit être restaurée comme intelligence centrale de la communauté universitaire : Plus qu'aucune autre, sa fonction actuelle doit être désavouée ; car il n'est actuellement pas le Primus inter pares soucieux de la communauté universitaire au nom de laquelle il exerce cette plus haute fonction ; exercice qui normalement doit relever d'une sorte de contrat intellectuel et moral entre l'institution et la personne élue. Cette dernière n'ayant pour seule mission que celle d’œuvrer au triomphe de la Culture et des bienfaits qu'elle procure à la Nation tout entière.
Nos Recteurs actuels n'appartiennent souvent pas au monde universitaire mais au personnel de gestion. Donc comme l'explique admirablement Nietzsche, il ne sert à rien d'avoir été étudiant si l'on a cessé d'étudier ; pas plus qu'il ne sert d'avoir été enseignant si l'on n'enseigne plus. La compétence intellectuelle est une activité exigeante qui se décline au présent. Sans cette exigence, l'intelligence se dissout dans le vague souvenir, c'est-à-dire dans la "culture" commune qui met tous les hommes à égalité.
L'intellectuel, phare de la Nation, ne peut pas se complaire dans cette "culture commune". Il doit la dépasser ; ce qui est par définition hors de portée de tous comme le démontre si bien Platon.
L'actualité du philosophe grec paraît aujourd'hui s'imposer à nous qui voulons découvrir les sources de la crise politique et morale de nos sociétés.
Le temps est sans doute venu de déclarer officiellement à nos jeunes générations : « si vous recherchez la réussite sociale, devenez « ingénieurs ou hommes d'affaires » ; mais si vous estimez que la quête de la vérité est essentielle à vos vies et au progrès de la Nation, alors devenez universitaires. Mais sachez dans ce dernier cas que la vie d'un intellectuel n'est pas plus facile qu'une autre. Elle est même parfois rendue plus difficile par le commerce quotidien que l'intellectuel entretient avec la vérité et ses exigences. »
Cela devrait en rebuter plus d'un et sauver l'université.
Antoine Nguidjol
Docteur en philosophie,
Attaché d'administration scolaire et universitaire

http://www.africultures.com/index.asp?menu=affiche_article&no=4426
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