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 Quand Le Monde voit la criminalité à travers un prisme ethni

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mihou
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mihou


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26052006
MessageQuand Le Monde voit la criminalité à travers un prisme ethni

Quand Le Monde voit la criminalité à travers un prisme ethnique...


Reportage
Le retour de la mafia corse
LE MONDE | 22.05.06 | 15h01 • Mis à jour le 22.05.06 | 15h01
http://www.lemonde.fr/web/imprimer_element/0,40-0@2-3230,50-774563,0.html

Il n'est jamais bon pour un truand de s'absenter trop longtemps. En cavale ou en prison, il pense souvent que l'on attend son retour. Mais lorsqu'il revient, généralement, les choses se gâtent. Farid Berrhama, un caïd de 40 ans, surnommé "Gremlin" pour ses accès de fureur, en a fait l'amère expérience, le 7 avril, lorsque 14 balles lui ont transpercé le corps dans une brasserie à Marseille. Ses deux lieutenants ont reçu deux fois moins de balles, mais cela ne les a pas sauvés pour autant.

Berrhama avait fait ses classes dans la région de Tarascon et de Carpentras, auprès de Marc Monge, connu dans le milieu pour sa propension à monter les truands les uns contre les autres, ce qui lui vaudra d'être tué début 2000 à Saint-Ouen, en Seine-Saint-Denis.

Machines à sous, trafic de stupéfiants, exécution des concurrents, le jeune Farid devient vite "le caïd de Salon-de-Provence" et grimpe les échelons d'un milieu dominé par le clan de Francis Vanverberghe, dit "le Belge", dont le charisme et la puissance de feu en font le seul véritable parrain du milieu français.

Attiré par la puissance dominante, Berrhama se place dans le sillage d'Antoine Cossu, dit "Tony l'anguille", alors beau-frère du Belge, et obtient une petite renommée grâce à sa spécialité: "la voiture barbecue". Après avoir tué sa victime dans une voiture, il place le corps dans le coffre avant d'y mettre le feu.

L'affaire "Topaze", nom de code d'une enquête sur un réseau international de trafic de cocaïne, dans lequel Berrhama est impliqué aux côtés de proches du Belge, l'éloigne, un temps, du terrain. Arrêté, en 2001, à Malaga, en Espagne, il est ensuite extradé en France. Il ressort de prison au mois d'août 2005, convaincu qu'une place de choix l'attend.

Mais les temps ont changé. La disparition du Belge, tué, le 27 septembre 2000, dans un bar-PMU des Champs-Elysées, à Paris, a entraîné la mort de tous ses fidèles qui voulaient le venger. Ceux qui ont fait savoir qu'ils ne "bougeraient pas" sont encore en vie.

Berrhama, dès sa sortie, remonte une équipe de malfrats venant, pour l'essentiel, de l'Etang-de-Berre pour s'approprier le marché des machines à sous et de la drogue à Marseille. Parmi les victimes de cette reconquête, un Corse, âgé de 36 ans, né à Marseille, Roch Colombani, tué dans sa Mercedes le 23 mars, est celle de trop. S'en prendre à lui, c'est aussi menacer ceux qui occupent aujourd'hui le haut du pavé du crime : les Corses. Mais cela, Berrhama n'en a cure. Il le paiera de sa vie.

Selon les spécialistes du grand banditisme, les Corses de Marseille et de l'île ont repris, depuis la mort du Belge, l'ascendant sur le milieu français. "Aujourd'hui, face à l'éclatement de la grande délinquance, ce sont les rares truands à être organisés. Ils sont plus discrets. Ils se parlent avant de s'entretuer et peuvent même s'entraider", explique un commissaire de police d'origine insulaire.

Ils avaient quitté le devant de la scène depuis l'exécution, en 1982, de l'empereur des jeux Marcel Francisci, soupçonné par les Américains de tremper dans le trafic de drogue, puis, celle, en 1985, de Paul Mondoloni, dit "M. Paul", dont l'austérité n'avait d'égale que sa capacité à échapper à la justice. Francisci appartenait à la lignée des parrains corses qui ont dominé Marseille depuis Paul Carbone dans les années 1930. Mondoloni fut son associé. Juge de paix, capable de réunir le gotha du milieu sur de grosses affaires de drogue, il faisait le lien entre les Corses et la mafia sicilo-américaine.

Après leur mort, les Corses n'ont pas disparu. Repliés, ils ont poursuivi leurs affaires dans l'ombre du Belge, qui s'est imposé en éliminant ses concurrents. Cet équilibre a duré pendant plus de dix ans, chacun faisant ses affaires ou s'associant dans des trafics de drogue, tels que "Topaze". Mais au fil du temps, le Belge a sans doute fini par oublier ses devoirs de parrain. Il ne bougeait plus guère de Paris, où ses lieutenants lui portaient, tous les quinze jours, une mallette d'argent liquide. Tout juste si les policiers ont relevé qu'en 2000 il s'était rendu sept fois en Corse. Pourquoi ? Mystère.

Est-il intervenu en défaveur des intérêts corses? A-t-il oublié de partager certaines prébendes? Ses protections sont-elles tombées? En tout cas, il ne s'attendait pas à ce qu'un tueur casqué vienne l'éliminer dans ce bar-PMU des quartiers chics de Paris, où il rachetait les tickets gagnants pour blanchir son argent de poche.

En 2006, les policiers, un temps égarés sur la piste des caïds de banlieue, s'accordent, désormais, pour dire que "son exécution profite aux Corses". Déjà, le 3 juin 2003, une note des renseignements généraux (RG) indiquait "qu'il y aurait une entente entre une partie des Bastiais de la Brise de mer, les Corses de Marseille et un Italo-Marseillais pour prendre le contrôle des affaires du Belge".

On sait désormais que la jeune garde de la Brise de mer, ce fameux gang basé en Haute-Corse, qui occupe, depuis plus de vingt ans, une place centrale dans le banditisme français, n'est pas étrangère à tous ces bouleversements. Parmi ces nouvelles têtes brûlées figurent notamment José Menconi, grand costaud aux cheveux longs, excellent motard, connu pour ses évasions spectaculaires et ses talents de braqueur. Proche d'un autre braqueur et célèbre fugitif, Antonio Ferrara, Menconi fonctionne depuis longtemps en duo avec Jacques Mariani, fils d'un baron de la Brise de mer.

En 2003, l'Office central de répression du banditisme (OCRB) avait mis en place un dispositif de surveillance près de la plage Ocoa, à Saint-Tropez, après avoir appris que les patrons des principales boîtes de nuit y étaient parfois convoqués par la nouvelle puissance dominante. En vain. Selon les RG, chaque premier mercredi du mois, vers 14 heures, deux hommes à moto travaillant pour les Corses faisaient le tour de Saint-Tropez pour récolter les fruits du racket. Non loin de là, à Toulon, la chute des Perletto, alliés du Belge, dans l'affaire Topaze a fait place nette. Cohabitant jusque-là avec les Perletto, considérés comme les patrons du Var, la famille Barbieri menait ses propres affaires mais restait dans l'ombre. Là aussi les choses ont changé. Fin septembre 2005, les policiers ont incarcéré Antoine Barbieri et ses complices pour 40 kg de cocaïne.

Le lieu d'arrestation, un appartement du Val-de-Marne, dissimulait un laboratoire de transformation de la drogue. Les Barbieri sont originaires du même village, Moltifao, au-dessus de la Balagne (Haute-Corse), que les Costa, piliers historiques de la Brise de mer. Quasiment un lien de sang...

L'avancée des Corses n'est cependant pas uniforme. Les écoutes, dans l'affaire de cocaïne des Barbieri, ont permis d'apprendre qu'ils avaient des griefs à l'encontre de l'activisme de l'équipe Menconi dans le Var. Le même Menconi, alors en cavale, sera d'ailleurs arrêté en 2003, à Aubagne, grâce à un tuyau donné par des voyous... à la brigade de recherche et d'intervention (BRI) de Marseille.

En dépit de ces aléas, les Corses renforcent leurs positions. A Saint-Laurent-du-Var, des fidèles de la Brise de mer, très liés à des élus locaux, sont aujourd'hui présents dans les sports nautiques et se retrouvent dans un établissement balnéaire à la mode dont ils ont fait leur QG. Le jeune Jacques Mariani aurait acheté en sous-main une brasserie de la ville.

Même s'il n'accepte généralement guère les intrusions étrangères, le milieu niçois, tout proche, a laissé faire. Il est vrai que les Corses ont toujours disposé à Nice de bases solides sans prendre part aux affaires de la pègre locale. Pourtant, là aussi, si les policiers locaux estiment qu'"il n'y a pas vraiment de nouveau depuis la mort du Belge", ils s'intéressent de près à la famille Agostini, brasseurs proches de notables locaux dont les appétits commencent à faire jaser. La PJ travaille ainsi sur les liens entre l'un des rejetons de cette famille et une nouvelle bande qui tente de percer dans le milieu de la nuit niçoise.

En février 2002, le parquet de Nice s'était penché sur la tentative de reprise du club de football de la ville par les fils de Rolland Cassone et de Roger Mouret, figures du grand banditisme marseillais. Mouret, originaire de Grenoble, serait un affidé de Cassone, Italo-Marseillais présenté comme l'un des juges de paix du milieu marseillais. Cassone, lié au milieu de la nuit, n'est pas n'importe qui. Vieille relation de Jean-Jérôme Colonna, dit Jean-Gé, ancien de la French Connection et figure incontournable du milieu de Corse-du-Sud, son réseau s'étend de l'Italie à la Corse.

Le paysage marseillais compte également deux familles dont les liens avec la Corse n'ont pas échappé aux enquêteurs. Souvent citées et peu condamnées au regard des faits qu'on leur impute, les Baresi et les Campanella sont des fratries dont le nom est redouté chez les voyous, à Marseille comme à Paris.

L'un des frères Baresi, poursuivi dans des affaires de racket sur le port de Marseille et de commissions occultes dans le football professionnel, illustre un mélange des genres très local. Proche de l'homme d'affaires Bernard Tapie, ami de Renaud Muselier, député (UMP) et maire adjoint de Marseille, qui ne le dément pas, il sait se faire discret à l'instar de ses autres frères. Pourtant, le nom des Baresi apparaît régulièrement dans les notes de renseignements de la police sur le milieu phocéen et leurs contacts avec la famille Mariani de la Brise de mer sont connus.

En 2003, tandis qu'ils surveillaient un Corse, ex-garde du corps du leader nationaliste François Santoni, les policiers rapportèrent, par écrit, à leur hiérarchie qu'il s'était vu proposer la gestion de 200 machines à sous sur Paris et sa région par un homme qui prétendait représenter les Baresi. Son refus les empêcha d'en savoir plus mais l'épisode laissait entrevoir la dimension présumée des Baresi.

Chez les Campanella, Michel, âgé de 44 ans est considéré comme "l'un des plus dangereux malfaiteurs de la région". Le 27 mars, la BRI de Marseille a sablé le champagne après son arrestation en douceur. Ayant purgé dix ans de prison pour des braquages, il était, notamment, recherché pour des règlements de comptes dans la région de l'étang de Berre. Il pourrait, sans doute, éclairer la justice sur l'affaire Berrhama, mais le détenu est du genre taciturne...

Solidement installés dans leurs bastions depuis la mort du Belge, les Corses n'ont pas traîné à pousser leur avantage sur Paris. Machines à sous, trafic de drogue, les voyous insulaires ont retrouvé leur implantation du passé. Face à la dispersion du milieu, ils sont les seuls, à l'exception des Gitans de Seine-Saint-Denis, à offrir un front uni à tout ennemi potentiel.

Les autorités constatent que les Corses progressent même, de manière tout à fait légale, sur leur terrain de prédilection, les cercles de jeux. Longtemps fermé, le Cercle Concorde, établissement de jeu parisien, doit rouvrir prochainement. Son futur directeur, Paul Lantieri, s'était exilé à Aix-en-Provence après que sa discothèque, l'Amnésia, à Bonifacio (Corse-du-Sud), l'une des plus grandes d'Europe, eut été rasée, en 2000, par un attentat attribué au milieu. Paris, Marseille, le Var, il n'y a que Lyon d'où les Corses semblent aujourd'hui absents. La nouvelle donne touche même leur île natale. La Corse-du-Sud est encore sous le choc des assassinats qui ont frappé l'île ces derniers mois. Parmi les victimes figuraient des personnalités n'appartenant pas au milieu. L'élimination en mars de Robert Felicciaggi, homme d'affaires ayant fait fortune en Afrique avant un retour sur l'île pour une carrière politique, a plongé les observateurs dans une grande perplexité.

La situation est si instable que Jean-Gé, personnalité de l'histoire criminelle insulaire, qui affirmait en 2002 s'être retiré des affaires, a remonté une équipe pour se protéger des mauvaises surprises. Il aurait même demandé à ses sbires de découvrir les commanditaires de l'élimination de Feliciaggi dont il était proche. Reste la très fantasmatique Brise de mer, dont les fondateurs, devenus de très riches retraités de 50 ans et plus, évitent de monter en première ligne. En revanche, leur influence, leurs alliances en France et à l'étranger et la crainte que suscitent leurs jeunes successeurs leur assurent un rôle majeur sur le milieu français.

Membre historique de la Brise de mer, Richard Casanova, autre mythe insulaire, a été arrêté début mars dans l'affaire du "casse du siècle" de l'UBS, à Genève, après seize ans de cavale. Atypique, lié à certains chefs d'Etat africains, associé dans les jeux sur ce continent, interlocuteur de certains services de l'Etat, il rappelle ces personnages sulfureux des affaires troubles de la Ve République. Il ne manquait que cette touche du passé pour parfaire le retour en force des Corses sur le marché du crime.

Jacques Follorou
Article paru dans l'édition du 23.05.06
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Quand Le Monde voit la criminalité à travers un prisme ethni :: Commentaires

Portrait
François Marcantoni, vedette du milieu et ami des vedettes
LE MONDE | 24.05.06 | 13h28 • Mis à jour le 24.05.06 | 13h28
http://www.lemonde.fr/web/imprimer_element/0,40-0@2-3226,50-775448,0.html

Il n'est rien d'autre qu'un honorable retraité. Bien calé au fond de son fauteuil, François Marcantoni s'efforce de convaincre de ce qui est pour lui "une évidence". A 85 ans, il n'est plus cette figure du "milieu" familière des "unes" de la presse des années 1970, mais un vieux monsieur tranquille qui partage sa vie entre Paris et sa maison de campagne de Goussainville (Eure-et-Loir). "Quand les flics me suivent, dit-il d'un ton le plus sérieux, ils voient que je ne fais que 600 mètres par jour, 300 mètres aller, de chez moi à l'Hôtel Méridien, où je donne mes rendez-vous, et 300 mètres retour !"

Cette discrétion revendiquée n'a pas empêché la police de placer encore François Marcantoni en garde à vue en 2005. Il était soupçonné dans une affaire de racket et a finalement été mis hors de cause. "Je suis victime de ma réputation, proclame-t-il, désespéré. Dès qu'il se passe quelque chose, c'est Marcantoni par-ci, Marcantoni par-là." L'honorable retraité ne veut pas jouer au coquet, mais il insiste, afin qu'on le comprenne bien: "Je vous assure que je m'en passerais volontiers."

Pour qu'il évoque l'affaire Markovic dans son nouveau livre, Monsieur François. Le milieu et moi de A à Z (Ed. Le Cherche Midi, 254 p., 17 €), son éditeur a dû se montrer persuasif. "Si cela ne tenait qu'à moi, je n'en aurais pas parlé", confesse-t-il. A la fin du mois de septembre 1968, le cadavre de Stephan Markovic est découvert dans une décharge publique d'Elancourt (Yvelines), une balle dans la tête. Ce ressortissant yougoslave au physique avenant a pour caractéristique d'être un proche du comédien Alain Delon. Une des affaires les plus sulfureuses de la Ve République est enclenchée. Elle vise l'ancien premier ministre et futur président, Georges Pompidou, et mêle dans un véritable micmac des gaullistes des services secrets, la presse à scandale et des voyous. Des photos truquées circulent qui accusent Claude Pompidou, l'épouse de Georges, d'avoir participé à des parties fines, dont Markovic était l'un des maîtres de cérémonie.

Et Monsieur François, dans tout cela ? Lui aussi, alors qu'il est fiché au grand banditisme, entretient des liens avec l'acteur, dont il vante aujourd'hui encore "la fidélité en amitié". Il est aussi le cousin d'un protagoniste de l'affaire, l'agent des services d'espionnage Jean-Charles Marchiani, gaulliste antipompidolien, futur préfet du Var, et suspecté d'avoir tenu un rôle actif dans la machination. La police ne tarde pas à effectuer un rapprochement entre le mort d'Elancourt et le trop célèbre Marcantoni, qui se retrouve, une fois de plus, en prison. "J'avais le port de tête idéal pour porter le borsalino", résume-t-il dans son livre, en précisant: "La police judiciaire s'est donc évertuée à démontrer que la balle qui avait traversé la matière grise du Yougoslave m'appartenait."
L'ancien commissaire Claude Bardon, qui interrogea Marcantoni, n'est pas de cet avis. Des éléments matériels mettaient selon lui en cause "Monsieur François", qu'il décrit comme un homme "solide, courageux, un bon exécutant", qui avait su se faire sa place aux lendemains de la guerre, dont il était sorti en "voyou honorable de l'Occupation". Un non-lieu avait cependant été rendu en sa faveur en 1976.

Sur le reste de son parcours, il est volontiers plus prolixe. Le "milieu" d'abord. Le jeune Corse originaire du village d'Alzi (Haute-Corse) n'était pas destiné à figurer au palmarès des beaux messieurs. Il se rêvait artificier, a commencé sa formation à Toulon. Elle a été interrompue par la guerre. Résistance. Prison, déjà. "Là, explique-t-il, je me suis dit: si je m'en sors, je vivrais une autre vie." La grande vie. Il entame une longue carrière dans le gang des "tractions avant", "la meilleure voiture de l'époque", carrière qu'il va traverser "sans se faire tirer une seule fois dessus", et pendant laquelle il va rencontrer ceux qui comptent.

Barthélemy Guérini, dit "Mémé", maître de Marseille, autant dire maître du monde, jusqu'au milieu des années 1970 ? "Un homme formidable. Nous étions très intimes. Je vois encore sa fille, Christine, installée à Paris." Francis Vanverberghe, "le Belge", un successeur du précédent, dont la vie s'est brutalement interrompue en septembre 2000, après qu'un individu non encore identifié lui eut tiré huit balles dans le corps? "Il était très sympa, élégant. Il avait la classe." François Marcantoni précise qu'il devait dîner avec "le Belge" le soir de son assassinat. Il avait aussi beaucoup d'estime pour le rival, Gaëtan Zampa, "Tany", qu'il rencontrait "amicalement" à Paris. C'était "des commerçants", résume-t-il d'une audacieuse formule.

Est-ce à cet éclectisme qu'il doit son exceptionnelle longévité ? Ou à son art de ne dire du mal de personne? "Quand je parle des gens, admet-il, je me sens obligé de dire du bien." Il y a une exception: les Zemmour, flamboyants boss de la capitale jusqu'au début des années 1980. "Ils faisaient dans la drogue et dans le proxénétisme. Je ne les aimais pas", condamne-t-il sans appel.

Pour M. Bardon, qui, à ses débuts, en 1962, avait reçu pour mission d'infiltrer le milieu parisien, "Marcantoni n'a jamais franchi la dernière marche... Il connaissait les grands, mais ceux-ci ne l'associaient pas aux mécanismes les plus subtils de leurs affaires. Mais il était fiable, il avait bonne réputation."

Monsieur François avait des intérêts dans un bar chic près des Champs-Elysées, ouvert par le frère de Tino Rossi. L'établissement était fréquenté par des vedettes du cinéma et du music-hall, dont il garde un souvenir forcément ému: "Ginette Leclerc, Viviane Romance, Jean Richard, Achille Zavatta, Raymond Pellegrin." Et puis, il y en a un qu'il n'oubliera jamais. Ce n'est pas Alain Delon, mais Michel Simon, qu'il a connu "trop tard". "C'était un révolté, dit-il. J'étais allé chez lui, à Bry-sur-Marne, accueilli par ses mainates qui chantaient La Marseillaise. On était partis déjeuner dans ma Chevrolet. Les gens se levaient pour lui. Il était avec une fille de la porte Maillot et fredonnait des chansons d'Arletty. Quand j'ai appris sa mort à la radio, ç'a été un choc."

Aujourd'hui, François Marcantoni fait "attention" pour jouir de ses dernières années, nanti de la morale de sa propre histoire. "Je ne regrette rien, vous pouvez l'écrire, dit-il. Car je préfère le champagne à la limonade et le caviar aux lentilles."

Pascal Ceaux

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Parcours

1920
Naissance à Alzi (Haute-Corse).

1940
Entame une formation d'artificier à Toulon.

1959
Est inscrit au fichier du grand banditisme.

1968
Découverte du corps de Stephan Markovic.

1976
Non-lieu en faveur de François Marcantoni.

2006
Parution de "Monsieur François" (Le Cherche Midi).

Article paru dans l'édition du 25.05.06




A Paris, le règne du clan gitan des "H"
LE MONDE | 22.05.06 | 15h01
http://www.lemonde.fr/web/imprimer_element/0,40-0@2-3230,50-774564,0.html

La scène se déroule dans un bar situé près de la place de l'Etoile à Paris. Elle est racontée par un policier, fin connaisseur des Hornec, les "H", comme les surnomme le milieu. Ce jour-là, un homme pénètre dans l'établissement et tente de convaincre le patron de lui verser une obole, s'il veut éviter des "ennuis". Celui-ci résiste et obtient un délai. Lorsque le racketteur revient, il est accompagné d'un individu qui, sans dire un mot, s'assied à une table. L'autre glisse un nom à l'oreille du barman: celui de Marc Hornec. Plus question de résistance... Dans la région parisienne, les "H" ont bonne réputation. Ils forment aujourd'hui le seul clan vraiment organisé, autour de trois frères, Marc, Mario et Jean-Claude, les seuls "beaux mecs" avec lesquels les Corso-Marseillais négocient d'égal à égal. Les uns et les autres se sont jusqu'à présent gardés de tout affrontement. La famille Hornec possède quelques biens immobiliers aux environs de Cannes et de Nice. Les autres affirment leur présence à Paris dans les machines à sous et les jeux en général. Chacun dispose de son aire d'influence, et seule la région lyonnaise est à l'écart de ces arrangements. Les Corso-Marseillais, hégémoniques dans le Sud, y sont totalement absents. Dominé par le trafic de stupéfiants, le grand banditisme est entre les mains des équipes de beurs des cités de la banlieue lyonnaise, qui travaillent en relation avec l'Espagne.

C'est au début des années 1990 que les "H" s'emparent du pouvoir. Gitans originaires d'Alsace installés à Montreuil (Seine-Saint-Denis) au début du XXe siècle, ils ont constitué une équipe originale qui mêle, autour de la fratrie, des beurs tels Ihmed Mohieddine ou Nordine Mansouri, dit "la Gelée", lui aussi né à Montreuil. Ils prennent la place de Claude Genova, spécialisé dans le racket des voyous. Celui-ci tombe dans un guet-apens en août 1994; encerclé par un groupe de 8 hommes, il est assassiné à la sortie d'un rendez-vous avec les Hornec.

S'ouvre alors une période florissante. Il se dit qu'à Paris plus aucune affaire sérieuse ne se traite sans l'aval des "H". Ils sont rarement pris en défaut par la justice. En 1995, Marc est condamné à quatre ans d'emprisonnement, après qu'environ 500 kg de haschisch ont été découverts dans un box loué à son nom. En février 2002, il est à l'origine d'une polémique entre policiers et magistrats: interpellé en décembre 2001, l'homme a été remis en liberté six semaines plus tard par un juge des libertés et de la détention.

En fait, les Hornec n'apparaissent plus en première ligne. Dans leurs rares interventions publiques, ils se présentent comme des gens honnêtes qui n'ont rien à se reprocher. Selon un policier, ils investissent dans des sociétés financières établies au Luxembourg ou dans des commerces parisiens dont ils deviennent les propriétaires de fait par l'intermédiaire de proches. Leur nom est un moment cité parmi les possibles commanditaires de l'assassinat de Francis le Belge en septembre 2000 à Paris. Mais la piste n'aboutit pas.

"En région parisienne, la situation est aujourd'hui très anarchique, explique un avocat qui connaît bien les "H". Les voyous se saucissonnent entre eux. En clair, lorsque l'un d'entre eux a réussi un beau coup, il a intérêt à être discret, sinon d'autres l'enlèvent pour lui extorquer son butin. Les Hornec sont la seule équipe que personne n'ose ennuyer."

Au faîte de leur puissance, les "H" n'ont toutefois pas franchi la dernière marche, qui les placerait au niveau des Corso-Marseillais, estime un policier spécialisé dans la lutte contre le grand banditisme. Quelques signes récents sont interprétés en leur défaveur. James, le fils de Mario, a été tué par balles le 24 décembre 2005. L'hypothèse d'une mort accidentelle - il aurait été tué par un homme qui craignait d'être cambriolé - a été admise par la famille. Mais elle est vécue comme un coup dur par Mario, aujourd'hui chef du clan. D'autre part, Marc serait atteint de troubles psychiatriques. Il a produit une attestation émanant d'un professeur de médecine du sud de la France. Il n'empêche que les policiers s'interrogent sur la réalité de cette subite maladie mentale. Ils suspectent une tentative pour échapper à d'éventuelles poursuites. Sans vouloir encore y croire tout à fait, ils posent désormais ouvertement la question du déclin des "H".

Pascal Ceaux
Article paru dans l'édition du 23.05.06
 

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