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 Des coups et des bosses pour réaliser un rêve

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mihou
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mihou


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19052006
MessageDes coups et des bosses pour réaliser un rêve

Courrier international, no. 713
Sport, jeudi 1 juillet 2004, p. 32

À BANGKOK, THAÏLANDE
Des coups et des bosses pour réaliser un rêve

Stefan Holm
Sportmagasinet (Stockholm)

A 17 ans, Plaingam veut devenir professeur. Pour y parvenir, il doit d'abord s'imposer sur les rings. En Thaïlande, les jeunes n'ont souvent que la boxe professionnelle comme issue pour échapper à la misère.

L'homme à la chemise claire se lève de sa chaise au bord du ring et boxe dans le vide d'un air découragé. "Plus fort ! Tu dois travailler plus dur", crie-t-il à son boxeur affalé dans les cordes bleues. Il est assis là sur un tabouret usé, Plaingam, "le bel éléphant", comme on le surnomme. La sueur coule sur son corps maigre pendant qu'il tourne son regard vers son entraîneur. Il acquiesce, mais le langage de son corps et le désarroi de son regard sont éloquents : le match est déjà perdu. Effectivement, le cinquième et dernier round a à peine le temps de commencer qu'il est déjà à terre. Son adversaire, Parasomboon, repousse facilement les coups que Plaingam lui assène avec son pied droit. Il l'attrape et le renverse. Il y a entre eux une différence de classe et Parasomboon le lui fait bien sentir : un corps-à-corps, un coup de genou dans la région des reins, puis il le repousse en exhibant un sourire moqueur. Les spectateurs, qui avaient misé leurs bahts sur Plaingam, gesticulent et crient leur déception. Celui-ci est désespéré et cherche des yeux l'homme à la chemise claire, mais dans cette situation aucune prière, aucune instruction ne peut l'aider. Plaingam secoue la tête quand le juge-arbitre lève la main droite vers le coin de ring rouge et annonce ce que tout le monde sait déjà, à savoir que Parasomboon a gagné le combat. Pendant que Parasomboon tombe à genoux et s'incline devant les quatre juges, Plaingam se dirige tête baissée vers le vestiaire. Submergé par la déception, il ne voit même pas le cafard qui rampe vers son siège sur le sol en béton crasseux. Deux ventilateurs tournent au plafond sans parvenir à renouveler l'air pauvre en oxygène. L'odeur âcre du baume des boxeurs et des lits de camp en bois brun envahit les narines. Quand Parasomboon revient de la cérémonie de remise des trophées, il va vers Plaingam et lui met la main sur l'épaule. Son regard est amical. Il le remercie pour le combat. L'air arrogant et condescendant qu'il affichait sur le ring a disparu au moment où il est entré dans le vestiaire défraîchi, loin des regards des spectateurs. C'était juste du spectacle, un jeu avec le public, et, dans le meilleur des cas, cela permettra au promoteur du match de ce soir, Narong Montsaychol, de lui organiser un nouveau combat, ce qui veut dire : plus d'argent pour lui. "Le bel éléphant" ne réagit pas quand le garçon qui vient de le battre essaie de lui manifester chaleur et compassion. Il ne réagit pas non plus quand un homme athlétique en sueur, au tee-shirt fatigué, quittant son programme de télévision dans un réduit voisin, vient reprendre ses gants. Plaingam reste plongé dans ses pensées. Il se remémore peut-être comment il était il y a deux heures. L'homme à la chemise claire lui bandait les articulations des doigts au moment où Parasomboon et son équipe sont entrés dans le vestiaire et se sont installés sur un banc. A cet instant, le guerrier qui sommeillait en lui s'est réveillé. Il a accueilli son challenger avec un regard qu'il aurait voulu encore plus fort que des coups de pied et des coups de poing. "Je vais tout simplement gagner. Je ne pense qu'à ça", se disait-il alors. Mais voilà. Maintenant il est affalé comme un looser. Il réfléchit peut-être à l'avenir, au fait que cette défaite réduit ses chances de remonter sur un ring. La boxe thaïe est un jeu de gladiateurs où il n'y a pas de place pour les perdants. Celui qui ne réussit pas meurt de lui-même. "Il doit s'entraîner davantage. Il n'est pas assez bon pour devenir professionnel. De plus, il était nerveux. Mais ce n'est pas étonnant. C'était son premier match dans une grande arène", lâche l'homme à la chemise claire. Il s'appelle Jitti Damriren. A 45 ans, il dirige l'un des quelque 2 000 camps de boxe thaïe du pays. Dans son équipe, Jittigym, il y a aujourd'hui sept boxeurs, tous de jeunes Thaïs. Le plus jeune a 13 ans. Chaque semaine, Jitti est au bord du ring, au stade de Rajadamnern, dans un quartier du nord-ouest de Bangkok, et suit le travail de ses poulains. C'est un paradis pour les boxeurs thaïs, un paradis sale, bruyant, glauque et usé, où les spectateurs surexcités sont séparés les uns des autres par de hautes clôtures, comme du bétail. Plaingam veut revenir, malgré son corps endolori par les coups de pied, de genou, de coude et de poing. Son avant-bras est enflé, mais Plaingam s'en est quand même bien tiré. La boxe thaïe, ou muay thai, comme ils disent ici, est un sport de guerriers et il en a été ainsi depuis que les Thaïlandais ont développé la technique du combat rapproché pour se défendre de l'invasion des Birmans. Les boxeurs ont beau crier de douleur, ils ne se plaignent jamais : ils savent que la vie elle-même donne des coups encore plus durs qu'un coup de genou dans le plexus. "Je n'abandonne pas. Un jour, je serai maître, mais je dois m'entraîner davantage. Je ne suis pas encore assez bon", affirme Plaingam. Il est devenu un homme quand il est monté sur le ring et que ses yeux sont passés du brun au noir, mais maintenant il est redevenu un adolescent qui parle ; il dit qu'il a 17 ans. A l'extérieur de la grille de fer peinte en bleu de la maison de Ratchadapiset Road, à Din Daeng, dans la banlieue nord de Bangkok, les passants entendent les boxeurs thaïs souffler bruyamment, vider leurs poumons, et détendre leur corps. C'est au Jittigym que Plaingam doit réaliser ses rêves. Il vient de Surin, non loin de la frontière du Cambodge. C'est là qu'il a été remarqué par Narong Montsaychol, le promoteur du gala auquel il a participé. Plaingam avait alors mené quarante combats et en avait gagné la plupart. Il a ensuite emménagé à Bangkok. Il a du talent. S'il n'en avait pas eu, il ne se serait pas retrouvé dans cette capitale chaotique. La défaite contre Parasomboon est son deuxième combat sous les couleurs de Jittigym, mais le premier dans une des grandes arènes de la ville. Plusieurs chaînes de télévision ont leur propre ring et diffusent de la boxe thaïe pendant plusieurs heures chaque week-end, mais ce sont les stades de Rajadamnern et de Lumpini, à Bangkok, qui réunissent les meilleurs boxeurs. L'objectif de tous ceux qui se sont lancés dans ce sport est de grimper dans le palmarès de ces arènes jusqu'à parvenir à une place en finale. A partir de là, on arrive à de grosses sommes : 200 000-300 000 bahts [4 000-6 000 euros environ] ne sont pas des chiffres extravagants. De plus, les propriétaires de club font monter les enchères en pariant 100 000 bahts sur leur propre boxeur. "La boxe thaïe est une manière de vivre. Elle fonctionne exactement comme la vie, on grandit pas à pas", explique Jitti Damriren. Plaingam est au début de sa carrière et ne gagne pas beaucoup d'argent. Pour son début avec Jittigym, il a reçu 300 bahts. Après sa défaite contre Parasomboon, il a reçu beaucoup plus, l'arène étant le stade de Rajadamnern, berceau usé de la boxe thaïe, et l'arène réunissant, depuis le 23 décembre 1945, les boxeurs qui auparavant se battaient dans les parcs, autour des temples, dans les cinémas et sur les places de marché. Jitti raconte que le promoteur paie entre 4 000 et 5 000 bahts pour un match comme celui-ci et que lui-même, en tant qu'entraîneur et propriétaire du club, en récupère la moitié. "Plaingam gagne suffisamment pour pouvoir retourner à l'école", assure Jitti Damriren. L'histoire de la boxe thaïe est marquée par la corruption, les combats arrangés, les boxeurs esclaves, mais avec les règles d'aujourd'hui personne ne peut plus prétendre que les propriétaires de club font travailler des enfants sans les payer. Désormais le promoteur doit payer le boxeur et c'est ensuite à celui-ci de partager avec le propriétaire du club, l'entraîneur et les assistants. Pour éviter les mauvais plans, tous les promoteurs et propriétaires de club doivent être enregistrés. En outre, cela coûte cher d'avoir ses propres boxeurs. Jitti Damriren occupe la place du père dans la famille des boxeurs, c'est un homme dont la seule présence diffuse calme et sentiment de sécurité. Son fils occasionnel, Plaingam, nous montre sa "chambre", dans une annexe à quelques mètres du ring. La pièce se compose de deux matelas et d'un ventilateur qui ronronne jusqu'à provoquer l'endormissement. C'est là, dans ce réduit de 15 mètres carrés, qu'il a logé au cours de ces trois derniers mois avec deux des autres boxeurs, Sinlapin, 13 ans, originaire de Nakhon Ratchasima, et Sy Tai, 14 ans, venant de Phuket. Maintenant, après deux combats et quelque 2 000 bahts en poche, il peut partir. Le lendemain du match contre Parasomboon, Plaingam, avec l'argent gagné, a pris un bus pour rentrer chez lui, à Surin. Il veut devenir professeur et il doit boxer pour réaliser son rêve. En avril, quand les écoles fermeront, il retournera à Bangkok et retrouvera son camp d'entraînement pour réunir l'argent de ses études. "Je ne peux pas le laisser tomber. Plaingam est un garçon agréable et discipliné et je sais comment on arrive à faire grandir les garçons. Il faut savoir que dans le muay thai l'expérience est primordiale", explique Jitti. Plaingam s'est rendu compte qu'au camp il a pas mal de chance. Pour s'en persuader, il lui suffit d'aller de l'autre côté de Ratchadapiset Road, où deux enfants sont accroupis devant une poubelle renversée. Peut-être cherchent-ils de la nourriture, peut-être est-ce la curiosité qui les fait fouiller les poubelles. La seule chose que nous savons, c'est que la Thaïlande ne s'est pas remise de la crise qui, en 1997, a conduit de nombreux investisseurs à reprendre leurs billes et à quitter le pays. Plaingam ne gagne pas beaucoup d'argent avec son sport, mais il vit mieux que beaucoup d'autres enfants et adolescents dans cette Thaïlande de la pauvreté. Les boxeurs thaïs n'ont pas besoin de vivre dans les bidonvilles et de se coucher le ventre vide, sous un ciel tellement souillé par les gaz nocifs que le soleil n'a pas la force de traverser la couche poisseuse de pollution. Ce n'est pas un hasard s'il y a 20 000 boxeurs dans les différents camps d'entraînement de boxe thaïe dans le pays. Ils sont nourris, logés, et apprennent à se défendre et à défendre leurs rêves. "Rien qu'à Bangkok, il y a plus de 5 000 boxeurs professionnels", indique Jitti Damriren. Ce dernier sait bien lui-même ce que grandir dans la pauvreté et être dépendant de la boxe thaïe veut dire. Il vient de Buriram, à l'est du pays, et il a été lui-même un de ces campagnards qui se sont retrouvés à Bangkok pour vivre et faire vivre sa famille. "J'avais 12 ans quand j'ai commencé et j'ai reçu 30 bahts pour mon premier match. Ce n'était pas grand-chose, mais j'étais très content parce que c'était de l'argent que j'avais gagné moi-même", se souvient-il en souriant. "Ma mère a eu sept enfants et j'étais le premier garçon. Je me sentais comme le chef de famille et je voulais m'occuper de mes frères et soeurs. C'est pour cela que j'ai commencé. Je ne voulais pas demander de l'argent à ma mère. Et puis on se sent comme un homme quand on peut se battre et gagner de l'argent. Evidemment, cela s'est fait au détriment de l'école. Je me levais à 5 heures du matin pour courir, et puis je m'entraînais à la boxe thaïe. En rentrant de l'école, je m'entraînais de nouveau. Je me souviens que mon professeur me tapait sur la tête quand je m'endormais à ses cours. Oui, je dormais surtout pendant les cours." Il abaisse son menton sur sa poitrine et protège sa nuque avec ses mains pour montrer comment le professeur le frappait avec sa règle. Jitti a été à dure école, mais c'est lui qui l'a choisi. "En tant que boxeur, on peut avoir une bonne vie. Si tu deviens populaire, l'argent vient à toi. Alors tu peux faire n'importe quoi après ta carrière. L'essentiel, c'est qu'il y ait des gens qui te fassent confiance", poursuit-il. Jitti a derrière lui une remarquable carrière, confirmée par la collection de trophées qui occupent toute une étagère dans une des pièces modestement meublées du camp. Il l'a commencée après l'école, quand il est parti pour Bangkok à l'âge de 16 ans pour devenir professionnel. Assez rapidement, il a conquis les arènes de Rajadamnern et de Lumpini, où il a mené une trentaine de combats et en a gagné quelques-uns par knock-out. Il a arrêté la boxe à 32 ans après soixante-quinze matchs comme professionnel. Les cicatrices autour de sa bouche et de ses sourcils attestent que c'était probablement pour lui le moment de s'arrêter. Plaingam n'est pas encore marqué par le sport, mais il risque de se blesser chaque fois qu'il monte sur le ring. Mais son rêve, devenir professeur, aucun coup au monde ne pourra le briser
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