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 25 ans dans la vie du Québec: 25 ans..Planète Québec

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mihou
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mihou


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15052006
Message25 ans dans la vie du Québec: 25 ans..Planète Québec

L'Actualité, no. Vol: 26 No: 14
15 septembre 2001, p. 82

Édition souvenir 25e anniversaire
25 ans dans la vie du Québec: 25 ans... d'ouverture sur le monde
Planète Québec

Lisée, Jean-François

Multiculturel et pétri d'influences étrangères, le Québec est devenu un modèle d'ouverture et d'originalité.

Frappons d'abord un grand coup sur notre complexe d'infériorité, qui ne mérite pas mieux: il n'existe pas, en Amérique du Nord, de société plus ouverte sur l'étranger que le Québec. Les États-Unis? Jamais superpuissance mondiale ne fut plus nombriliste. Il faut dire qu'il s'y passe beaucoup de choses, dans ce nombril, et qu'il s'y trouve pas mal de monde. En ces temps de présidence texane - et maintenant que George W. Bush vient d'effectuer le premier séjour de sa vie sur le vieux continent -, il n'est pas inutile de citer cet argument révélateur, exquis car véridique, d'un autre politicien texan, engagé dans le débat pour faire de l'anglais la seule langue officielle de son État: "Si l'anglais était suffisant pour Jésus-Christ, il l'est aussi pour le Texas!"

Le Canada anglais? C'est mieux qu'au Sud, certes. Beaucoup mieux. Mais soustrayez sa relation d'amour/haine avec les seuls États-Unis (18 des 20 émissions de télé les plus écoutées outre-Outaouais sont américaines) et vous obtiendrez une société dont la plupart des membres savent que l'Italie n'est pas un quartier de Chicago, mais qui ne bat pas pour autant de record d'ouverture sur le monde.

Le Québec, oui. Et ces 25 dernières années ont été celles de sa mondialisation accélérée. On pourrait la dater non de 1976, année où la jeunesse olympique a envahi Montréal, mais de 1967, année de l'Exposition universelle. Dans les deux cas, et il s'agit d'un point essentiel, c'est le monde qui est venu au Québec et en a modifié le caractère, non le Québec qui a imprimé sa marque dans le monde.

Comment mesurer le degré d'ouverture d'un pays ou d'un peuple? Ce n'est pas succomber à la religion du tout-économique que de constater l'aptitude collective des Québécois à vendre leurs produits à l'extérieur de leurs frontières, car il leur faut s'adapter à des marchés, des réglementations, des cultures et des langues autres. Or, ils réussissent à exporter 60% de tout ce qu'ils produisent. Du bois et du fer? Oui, mais désormais davantage encore des produits de l'aéronautique et de la télécommunication. Seulement quatre autres nations occidentales dépendent autant que nous de leur capacité de percer les marchés extérieurs: le Luxembourg, l'Irlande, la Belgique et la République tchèque.

Il est vrai que nous vendons essentiellement nos produits à nos voisins états-uniens, le plus riche marché au monde. Mais nous sommes les seuls sur le continent à les fabriquer avec autant de pièces européennes. Nous sommes les champions de la fusion des concepts, des techniques, des technologies européennes et américaines. Deux fois plus souvent que les autres scientifiques occidentaux, ceux du Québec publient leurs recherches en tandem avec un chercheur étranger. Le tiers du temps avec un États-Unien, 40% du temps avec un Européen. Nous absorbons les idées, les techniques et les modes, nous les marions, puis les renvoyons à l'étranger où leur attrait tient au fait qu'elles sont étrangement familières mais étrangement différentes. C'est vrai des produits de Bombardier, d'Ubi Soft ou de BioChem Pharma comme des prestations du Cirque du Soleil ou des films de François Girard.

Le Québec de 2001, c'est celui d'un véritable double branchement, sur l'Europe et sur les États-Unis. Il était temps. L'historien Gérard Bouchard a bien noté combien le Québec fut longtemps coupé en deux: d'une part, des élites uniquement tournées vers la France et dédaignant une américanité pourtant essentielle à notre identité; d'autre part, un peuple intégrant sans complexe la culture, les attitudes, les modes, le savoir-faire de nos voisins américains, mais méfiant envers les diplômes et le savoir, attributs des élites et de ces snobinards de Français.

Notre plongée collective dans l'américanité et dans le savoir ne fait aujourd'hui plus aucun doute. Quebecor et Jean Coutu sont d'importants employeurs au sud (les entreprises québécoises emploient directement 60 000 Américains). Nous sommes le septième partenaire commercial des États-Unis en importance. Il est de bon ton, en certains milieux, de pleurer l'affaiblissement de nos liens avec la France. C'est pour beaucoup une illusion d'optique, due à l'accroissement de nos liens vers le sud. Jamais autant de Québécois et de Françaisn'ont traversé l'Atlantique, dans un sens ou dans l'autre, pour s'instruire, se former, étudier (100 000 en 30 ans), visiter (600 000 par an), investir (350 entreprises, 50 000 emplois directs). Trouvez deux autres peuples, séparés par un océan, qui font un brassage aussi intense. Pour les Québécois, Gérard Depardieu et Robert De Niro, Patricia Kaas et Whitney Houston, la Sorbonne et le MIT, Adibou et Super Mario, José Bové et Ralph Nader, Astérix et Superman, cela fait partie du paysage.

À petits pas, de mille manières, la jonction entre notre filière américaine et notre French connection s'est faite sans qu'on ait bien mesuré encore l'extraordinaire levier que cela représente. Un outil était indispensable à cet arrimage: la langue. La loi 101 est vieille de presque un quart de siècle. Elle a indubitablement enseigné le français aux Québécois non francophones - et fait fuir quantité d'unilingues. En parallèle, les francophones ont augmenté, avec leur scolarité désormais parmi les plus élevées au monde, leur connaissance de l'anglais. De sorte qu'aujourd'hui la moitié de la population active québécoise est bilingue, une proportion qui atteint les deux tiers à Montréal, 80% des cadres et des ingénieurs.

Quel critère est plus révélateur de l'ouverture sur le monde que la capacité d'une société de parler, d'écouter, de lire ce qui se fait dans une autre langue que la sienne? Dans le Québec du 21e siècle, du professeur de cégep à l'ingénieur des mines, du dessinateur de mode à l'informaticien, du haut fonctionnaire au militant antimondialisation ou féministe, une importante proportion de la population s'abreuve quotidiennement à deux civilisations, la française et l'américaine, et par leur intermédiaire à ce qui se fait, se dit, se critique, s'imagine. Voilà notamment pourquoi le Québec n'arrête pas de se démarquer de ses voisins anglo-américains dans son approche sociale (garderies, délinquance, économie sociale), économique (intervention de l'État, syndicalisation record), culturelle. Voilà aussi pourquoi Montréal est aujourd'hui davantage engagée dans l'économie du savoir que la moyenne des métropoles nord-américaines et pourquoi la proportion de l'économie québécoise consacrée à la haute technologie est plus forte que celle de tous les pays du G7, Japon excepté.

Parce qu'il est resté francophone dans une Amérique qu'il comprend mieux que jamais, le Québec est en train de récolter les dividendes de son originalité. C'est un atout, et il faudrait en faire un programme: renforcer ce double branchement, multiplier les passerelles, les stages, l'intégration des connaissances. Faire en sorte qu'un nombre croissant de diplômés universitaires aient connu à la fois, dans leur champ d'études et sur place, ce qui se fait de mieux en Amérique anglophone et en Europe francophone. Et pour cela faire en sorte que nos diplômés du cégep aient une connaissance réelle, opérationnelle, du français et de l'anglais, ce qui n'est pas le cas à la sortie des cégeps francophones ni anglophones.

Si le Québec est à ce point pétri d'influences étrangères, s'il opère à la manière d'un creusetoù il broie ces emprunts dans sa propre et singulière réalité pour en tirer une matière nouvelle et la renvoyer aux expéditeurs, qu'en est-il du regard que les autres portent sur lui? Je n'en dirai que quelques mots, car on y accorde généralement trop d'attention, ce qui est symptomatique d'une petite nation incertaine de son identité et de sa valeur.

Jamais les Québécois n'ont été aussi présents ailleurs: chanteurs, danseurs, scientifiques, entrepreneurs, ingénieurs, ministres, maires, syndicalistes, avions, trains, logiciels, saisons du Québec à Paris, Londres et bientôt New York, missions commerciales nombreuses, courues et réussies. On ne pourrait guère en faire beaucoup plus tout en s'occupant du logis. Pour un peuple de sept millions de personnes, c'est beaucoup et cela nous transforme. Pour la planète, c'est très peu et cela ne l'affecte pas sensiblement. Normal.

Outre le fait que nos chanteurs ont envahi leurs radios, les Français moyens prennent de nos nouvelles aussi souvent que nous du Nouveau-Brunswick. Vite: nommez-en le premier ministre Ce n'est pas la première information qui vous vienne? Alors voilà, vous avez compris. Ce n'est pas l'absence. Ce n'est pas l'omniprésence.

Le Québec politique existe pour les petites nations qui cherchent, comme lui, à se tailler une place. Le Québec est une référence forte, positive, une source d'inspiration et d'espoir en Catalogne, à un niveau d'intensité surprenant. En Écosse ou en Slovénie, c'est un utile point de comparaison. À Londres, le nouveau délégué général du Québec, Daniel Audet, diagnostique un mal pernicieux: la désignation d'origine incontrôlée. "J'ai interrogé des amis britanniques sur Céline Dion, Jacques Villeneuve, Leonard Cohen, le Cirque du Soleil, Michel Tremblay, Notre-Dame de Paris, Mordecai Richler, Robert Lepage, Oscar Peterson et La La La Human Steps, racontait-il dans un récent discours. Ils en connaissaient plusieurs. "Ce sont des Français", m'ont-ils dit, "des Américains", "des Britanniques", parfois "des Canadiens". Jamais ils ne les ont identifiés comme "Québécois"." Le succès ne suffit donc pas. Le Québec à Londres: no logo. Un problème que la souveraineté aiderait à résoudre. Un parmi d'autres - fin de la parenthèse.

En Amérique, c'est pis. Aucun peuple n'est autant nourri d'information sur le Québec que les Canadiens anglais. On trouve chez eux des îlots de compréhension, de respect et d'amitié pour nous. Ils sont malheureusement isolés dans une mer de préjugés et de ressentiment. Le livre le plus lu de tous les temps sur le Québec (80 000 exemplaires vendus en 1992) y fut l'essai de feu Mordecai Richler qui nous décrivait comme une société tribale, rétrograde, corrompue, antisémite, mais avec de bons restaurants. L'agressivité des années 90, exacerbée par Meech et trois référendums, s'est maintenant transformée en un mépris tranquille, intégré, assumé. Aujourd'hui, outre-Outaouais, le Québec ne vaut plus qu'on s'y intéresse, sauf pour le citer comme repoussoir. Son cas est réglé.

Aux États-Unis, il y a certes des gens qui nous connaissent et nous estiment. Wall Street considère désormais le Québec, même souverainiste, comme un endroit bizarre mais pas dangereux et plutôt rentable, contrairement au sentiment ambiant d'il y a 25 ans. Certains milieux culturels de la côte est goûtent aux charmes de notre théâtre et de notre danse. Il n'y a pas moins de 200 prestations culturelles québécoises de tous ordres chaque année aux États-Unis. Partout où passe le Cirque du Soleil - bien identifié au Québec la plupart du temps -, les louanges abondent. Céline a beaucoup oeuvré, y compris chez Oprah ou chez Rosie, pour faire connaître Charlemagne. À elle seule, en 10 ans, elle a fait plus que les Expos en 30 ans pour indiquer à l'Américain moyen que le Québec existait, qu'il pouvait être compétent et professionnel, remplir des salles et gagner des trophées. Oui, la presse nationale américaine a fait état de l'affaire Michaud et de la démission de Lucien Bouchard, mais il faut aussi noter l'excellente presse économique et touristique dont le Québec, sa capitale et sa métropole jouissent depuis trois ou quatre ans. Et tout cela c'est une goutte d'eau dans l'océan états-unien, qui ne comprendra jamais pourquoi les autres peuples ne veulent pas s'assimiler complètement à l'anglais,ce qui serait tellement plus simple et éviterait tant de chagrins. C'est ainsi, c'est structurel, ce le sera pour l'avenir prévisible, c'est tout.

Certains pensent que pour être acceptés par nos voisins, il faudrait leur ressembler davantage. Ce serait la pire des politiques. Notre originalité est désormais notre force; il faut en faire également notre carte de visite, sans états d'âme et sans illusions. Nous sommes différents, atypiques, compétents, dynamiques, tolérants et généralement de bonne humeur. À la longue, ça finira par intéresser un certain nombre de gens, surtout ceux qui doivent le savoir, dans des créneaux bien précis. Mais pas tous, ni même la plupart, car nous ne sommes pas assez nombreux, puissants, importants (ou violents) pour retenir durablement l'attention.

Alors, pour le reste, vous achetez nos produits: parfait. Vos entreprises - 600 américaines, 600 européennes - s'installent chez nous et embauchent nos cerveaux: bravo. Vous nous considérez comme votre "marché intérieur" tout en vous pliant à nos lois linguistiques sans les approuver: on n'en demande pas plus. Vous trouvez notre Caisse de dépôt socialiste mais applaudissez à notre politique familiale: fort bien. Vous venez assister à nos festivals et tournez vos films dans nos rues: excellent. Vous nous trouvez charmants mais un peu provinciaux: c'est votre problème, dear, pas le nôtre.

Le fait est que le Québec, phénomène singulier en Amérique, ne sera jamais complètement compris et accepté que par lui-même. Nous devrions l'admettre et nous en remettre. Nous sommes condamnés à être une énigme. Cela peut avoir son charme. À condition de le vivre sans complexe, bien dans notre peau, en assumant notre originalité.

Jean-François Lisée Journaliste et auteur politique, Jean-François Lisée a été correspondant à Paris et à Washington, et a collaboré à L'actualité pendant 10 ans. Conseiller des premiers ministres Parizeau et Bouchard, il est maintenant chercheur invité au groupe CRITERES de l'Université de Montréal. Il travaille sur le thème de la social-démocratie face à la mondialisation.
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