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 Napoléon, ce raté

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mihou
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mihou


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15052006
MessageNapoléon, ce raté

L'Actualité, no. Vol: 23 No: 18
15 novembre 1998, p. 104

Napoléon, ce raté

Arseneault, Michel

L'empereur des empereurs vit son deuxième Waterloo: un essai le dépeint comme un faux Corse, un enfant illégitime, un homme raciste et antisémite.

À quatre ans, Roger Caratini voulait être Napoléon: Corse, petit-fils de général, il rêvait de conquêtes et de gloire. Soixante-dix ans plus tard, écrivain passionné d'histoire, il publie Napoléon: une imposture (Michel Lafon), un essai qui déboulonne l'«énorme idole» de son enfance.

Prenant le contre-pied de «la légende dorée délirante», il brosse un tableau dans lequel Napoléon apparaît comme un enfant illégitime, un faux Corse, un officier qui gagne les batailles mais perd les guerres, un dictateur qui rétablit l'esclavage et promulgue des décrets antisémites, un pseudoconquérant qui provoque la mort de 1,8 million de combattants français! On est très loin du «stratège de génie», «écrivain remarquable», empereur parmi les empereurs, qui réorganise la justice, les finances, l'administration et l'éducation entre deux batailles.

Le livre de Caratini n'est pourtant pas un pamphlet, mais un véritable ouvrage de vulgarisation historique comprenant 90 pages d'annexes et d'orientations bibliographiques. «L'histoire, c'est le document, explique Caratini. Pas de document, pas d'histoire. J'ai besoin de la preuve.»

Jean Tulard, un historien de la Sorbonne qui fait autorité, confirme le sérieux de sa démarche. «Caratini a un parti pris antinapoléonien, dit-il, mais il s'appuie sur les faits. Quand il parle du traité de Versailles, c'est clair qu'il l'a lu.»

Car, au lieu de se contenter des sources secondaires, abondantes puisque Napoléon aurait inspiré environ 100 000 ouvrages - 500 par année! -, Caratini passe au peigne fin les actes de naissance, les contrats de mariage, les comptes rendus de bataille, etc. Ce qui lui permet d'affirmer que le père de Napoléon a falsifié un registre municipal pour faire croire qu'il avait épousé Letizia Ramolino. En réalité, leur union s'était limitée à la signature d'un contrat dotal, ce qui faisait de leurs cinq enfants des bâtards... Aux yeux de Caratini, c'est la première d'une série d'«impostures» napoléoniennes.

A-t-il vraiment été un grand homme d'État? L'auteur le dépeint plutôt sous les traits d'un dictateur antisémite, qui interdit certains départements français aux Juifs et qui rétablit l'esclavage, ce qui provoquera de nouveaux massacres en Haïti (alors Saint-Domingue). La Révolution avait pourtant accordé la citoyenneté française aux esclaves comme aux Juifs.

Napoléon inaugure l'ère du pillage des territoires conquis et viole les traités internationaux les uns après les autres. «La règle d'or des grands États, dit Caratini, c'est de respecter les traités; sinon, c'est l'anarchie parce que toute violation risque de déclencher une guerre.» Ce que Napoléon, qui estimait que la guerre était «l'antidote de l'anarchie», aurait récusé. Mais l'essayiste s'en moque. Comme de l'ensemble du Mémorial de Sainte-Hélène, ces Mémoires que l'Empereur en exil a dictés au comte de Las Cases et que Caratini considère comme «un conte de fées».

Napoléon était-il au moins corse? Caratini rappelle qu'il est issu d'une famille originaire de Gênes qui vendit l'île à la France en 1768 et que les Bonaparte parlaient non pas la langue locale mais l'italien à la maison. Ils n'étaient donc pas plus corses, fait-il valoir, que les Français installés en Algérie n'étaient algériens. C'est à ce chapitre que le parti pris de Caratini est le plus manifeste. Les Bonaparte, écrit-il, étaient en Corse depuis «à peine deux siècles»... «Quelles que soient leurs protestations patriotiques, la Corse n'est pas leur patrie, et, s'ils aiment ses calanques, ses montagnes et ses forêts, ils ne sont pas prêts à mourir pour elle.» Est-ce là la seule mesure du patriotisme, même corse?

Caratini trouve tout de même à Napoléon quelques bons côtés. Il est intelligent, courageux, volontaire. «Il est indiscutable que Napoléon a de très hautes qualités de meneur d'hommes, de publiciste, de communicateur, dit-il. Mais il n'a pas les qualités d'un homme d'État.»

Le mythe de Napoléon serait d'abord attribuable aux écrivains romantiques, comme Stendhal et Musset, peu portés sur la rigueur historique. Il serait aussi dû à une Troisième République (le gouvernement de la France de 1870 à 1940) en mal de héros. «On a besoin de gloires nationales quand on instaure un nouveau régime, explique-t-il. Et, comme on ne peut pas prendre de «gloires nationales» dans la monarchie, puisqu'on est républicains, on exalte Napoléon Ier.»

La Troisième République créera donc des chaires d'histoire du Premier Empire dans les universités. Et les circulaires du ministère de l'Éducation - l'école est désormais libre, gratuite et obligatoire - diront aux éditeurs comment traiter le sujet, précisant même qu'il faut écrire empereur pour Napoléon III, mais Empereur pour l'autre. «Ça va jusque-là! dit Caratini. Voilà comment on falsifie l'histoire! Et tout le monde est entré dans le moule.»

À tel point que Caratini, pourtant auteur d'une vingtaine d'ouvrages - dont une Histoire critique de la pensée sociale et une Histoire de la Corse, aux éditions Seghers-Robert Laffont -, a eu du mal à se faire publier. «Vous me croirez ou non, mais tout le monde a refusé de publier mon bouquin!» Les éditeurs parisiens ne voulaient pas, semble-t-il, se mettre à dos leurs auteurs qui ont fait de Napoléon leur fonds de commerce. Caratini a tout de même fini par convaincre Michel Lafon, qui lui a demandé, en contrepartie, un roman historique sur Jules César et une biographie «classique» d'Alexandre le Grand.

TOUCHE PAS À MON NAPOLÉON

De Napoléon, de Gaulle a dit: «Il remue les âmes.» Y compris celle (du moins ce qu'il en reste) de l'édition parisienne. Je l'ai appris à mes dépens.

Max Gallo, ex-ministre du gouvernement socialiste, écrivain et auteur de Napoléon (Robert Laffont), roman historique en quatre volumes, avait accepté très volontiers de me recevoir. Il m'avait même déjà fixé un rendez-vous. Mais, quand j'ai mentionné que j'allais également interviewer Roger Caratini, il a explosé!

Sa longue diatribe se résumait à un seul mot: non. Gallo n'avait pas l'intention de polémiquer, par l'intermédiaire de L'actualité, avec Caratini, qui à son avis ne cherchait qu'à mettre à profit le succès de son Napoléon. Il m'a plutôt encouragé à téléphoner à l'historien Jean Tulard, dont le Dictionnaire Napoléon (Fayard) est d'une rigueur incontestable. Il me dirait à quel point Caratini était peu sérieux. Ce que j'ai fait, avant de rappeler Gallo pour lui dire que Tulard, en réalité, pensait beaucoup de bien de Caratini, ce qui m'a valu une nouvelle sortie.

Gallo m'a dit ne plus vouloir parler de Napoléon. De toute façon, le grand homme qui lui tient à coeur désormais, ce n'est plus Napoléon, mais de Gaulle, c'est-à-dire De Gaulle, un autre roman signé Gallo...
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