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 Bataille à l’Unesco sur la diversité culturelle

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mihou
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mihou


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10052006
MessageBataille à l’Unesco sur la diversité culturelle

Des biens et des services porteurs d’identité, de valeurs et de sens

Bataille à l’Unesco sur la diversité culturelle





Du 3 au 15 octobre, la première grande bataille politique livrée à l’Unesco depuis les années 1980 va avoir pour cadre la Conférence générale de l’organisation, et pour objet une convention sur la diversité culturelle. Ce texte, à contre-courant de la marchandisation généralisée promue par l’OMC, n’est pas accepté par Washington et une poignée d’autres capitales. Iront-elles jusqu’à faire capoter le projet ?



Par Armand Mattelart
Professeur en sciences de l’information et de la communication à l’université Paris-VIII. Auteur de Diversité culturelle et mondialisation, La Découverte, Paris, 2005, et d’Histoire de la société de l’information, La Découverte, coll. « Repères », Paris, 2003.

La trente-troisième session de la Conférence générale de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation et la culture (Unesco) doit, en ce mois d’octobre 2005, soumettre à l’approbation des Etats membres le projet de Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. L’objectif est de conférer force de loi à la « déclaration universelle sur la diversité culturelle », adoptée à l’unanimité au lendemain des événements du 11 septembre 2001 (1). En élevant la diversité au rang de « patrimoine commun de l’humanité », cette déclaration opposait aux « enfermements fondamentalistes la perspective d’un monde plus ouvert, plus créatif et plus démocratique (2) ». Le paradigme éthique de la « diversité en dialogue » prenait le contre-pied de la thèse de Samuel Huntington sur l’inéluctabilité du « choc des cultures et des civilisations ».

Si, au niveau des grands principes, tous les Etats sans exception avaient, en 2001, loué la pluralité des altérités comme instrument capable d’« humaniser la mondialisation », il n’en alla toutefois pas de même, deux ans plus tard, lors de la décision ouvrant la voie à la rédaction du projet. Parmi le petit nombre de pays qui s’étaient abstenus figuraient les Etats-Unis. Ils n’avaient pas oublié le double échec, une décennie plus tôt, de leur diplomatie, farouchement opposée au principe de protection de l’« exception culturelle », reformulé ultérieurement en protection et promotion de la « diversité culturelle » : en 1993, face à l’Union européenne, dans le cadre de la phase finale du cycle de l’Uruguay de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT), qui allait donner naissance à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ; et face au Canada lors de la signature de l’Accord de libre-échange nord-américain (Alena) entré en vigueur en 1994. Deux négociations qui, en reconnaissant le statut particulier des « produits de l’esprit », avaient du même coup légitimé les politiques publiques, plus spécialement dans le domaine de l’audiovisuel.

Le Canada et la France – qui a joué un rôle central dans la formulation de la doctrine de l’« exception » – sont les artisans majeurs de la mise en chantier du projet de convention. La France a mobilisé les pays de la francophonie. Le Canada, lui, a mis en place un Réseau international sur la politique culturelle (RIPC) et a réussi à rassembler quelque soixante ministres responsables de la culture pour discuter de façon informelle des moyens de renforcer la diversité, de concert avec de nombreuses associations et autres organisations sociales. Conjointement avec le gouvernement du Québec, Ottawa apporte, par ailleurs, depuis septembre 2001, son soutien financier à une coalition internationale des organisations professionnelles de la culture pour la diversité culturelle, relayée par un réseau de collectifs nationaux.

Le champ d’application du projet de convention déborde le pré carré de l’audiovisuel et des industries culturelles, puisqu’il s’étend à la « multiplicité des formes par lesquelles les cultures des groupes et des sociétés trouvent leur expression ». Des formes qui concernent aussi bien les politiques de la langue que la valorisation des systèmes de connaissance des peuples autochtones. Il n’empêche que, dans l’opinion, ce sont des exemples empruntés aux industries de l’image qui illustrent les risques que la mondialisation libérale fait courir à la diversité culturelle. Ainsi le département d’Etat, à Washington, et la Motion Picture Export Association of America (MPEAA) – créée en 1945 et rebaptisée Motion Picture Association (MPA) en 1994, porte-parole des intérêts des majors – ont-ils exercé des pressions sur des gouvernements comme ceux du Chili, de la Corée du Sud, du Maroc ou des anciens pays communistes, afin, dans le cadre d’accords commerciaux bilatéraux, de les faire renoncer à leur droit de mettre en place des politiques cinématographiques, en échange de compensations dans d’autres secteurs.

Trois sessions de réunions intergouvernementales, dont la dernière en juin 2005, ont été nécessaires pour peaufiner le texte soumis à la Conférence générale. Les rédacteurs ont tenté la médiation entre deux positions. L’une, majoritaire, et incluant l’Union européenne, qui défend le principe d’un droit international entérinant le traitement spécial des biens et services culturels, parce que « porteurs d’identité, de valeurs et de sens ». L’autre, soutenue par des gouvernements comme ceux des Etats-Unis, de l’Australie et du Japon encline à voir seulement dans ce texte une expression de plus du « protectionnisme » dans un secteur censé, comme les autres services, relever de la seule règle du libre-échange. Entre les deux, un ensemble disparate d’argumentaires, parmi lesquels ceux formulés par des Etats exprimant leur crainte de voir s’effriter la cohésion nationale par contamination du principe de diversité. De ce point de vue, le texte résulte aussi d’une production interculturelle.

Le résultat est là : un ensemble de règles générales concernant les droits et les obligations des Etats : « Les parties, dit l’article 5, réaffirment (...) leur droit souverain de formuler et mettre en œuvre leurs politiques culturelles et d’adopter les mesures pour protéger et promouvoir la diversité des expressions culturelles, ainsi que pour renforcer la coopération internationale afin d’atteindre les objectifs de la présente convention. » Pivot de l’édifice juridique, le principe de souveraineté : un Etat peut récupérer le droit à édicter des politiques culturelles qu’il aurait aliéné antérieurement.

Pour que la convention acquière un caractère normatif en cas de litige, cruciale est la définition de son rapport avec les autres instruments internationaux. C’est là tout l’enjeu de la rédaction finale de l’article 20. Il confirme que les relations de la convention avec les autres traités devront être guidées par l’idée de « soutien mutuel, de complémentarité et de non-subordination ». Lorsque les parties, lit-on, « interprètent et appliquent les autres traités auxquels elles sont parties, ou lorsqu’elles souscrivent à d’autres obligations internationales, [elles] prennent en compte les dispositions pertinentes de la présente convention ». L’article 21, lui, fait de la concertation et de la coordination avec d’« autres enceintes internationales » (non nommées) une des prémisses de l’application du précédent.
Penser le droit à la communication

Ces « autres enceintes », ce sont celles où se joue également le sort de la diversité culturelle. C’est le cas de l’OMC, avec l’Accord général sur le commerce des services (AGCS), où les services audiovisuels et culturels sont à l’ordre du jour des libéralisations, dans la perspective de sa conférence ministérielle de Hongkong en décembre prochain. C’est aussi le cas de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), concernée par la patrimonialisation croissante des biens publics communs, dont témoigne l’appropriation privée des savoirs et connaissances, eux aussi source de créativité.

Le talon d’Achille de la convention reste son suivi, la question des sanctions en cas d’infraction, la faiblesse des mécanismes de résolution des litiges.

Le principe de souveraineté est encadré par un ensemble d’autres principes directeurs : respect des droits de l’homme, égale dignité et respect de toutes les cultures, solidarité et coopération internationales, complémentarité des aspects économiques et culturels du développement, développement durable, accès équitable, ouverture et équilibre. Pour mettre en œuvre le principe de l’accès équitable et celui de la solidarité et de la coopération internationales, les articles 14 à 19 prévoient, entre autres, un « traitement préférentiel pour les pays en développement » et l’établissement d’un Fonds international pour la diversité culturelle, financé par des contributions volontaires publiques ou privées.

Encore conviendrait-il de s’interroger sur l’expérience de projets apparentés. Au premier chef, celle du Sommet mondial sur la société de l’information, organisé par une autre agence des Nations unies, l’Union internationale des télécommunications (UIT), et dont la première phase s’est tenue à Genève en décembre 2003, la seconde étant prévue à Tunis en novembre 2005. Difficulté à mobiliser des ressources publiques dans les grands pays industriels, afin de financer un « fonds de solidarité numérique » qui permettrait de lutter contre l’inégalité d’accès au cyberespace. Intérêt des fondations philanthropiques des multinationales de l’industrie de l’information à combler le vide.

La construction de politiques culturelles est difficilement concevable sans le détour par la question des politiques de communication. Or la convention, et, plus fondamentalement, la philosophie même d’action de l’Unesco à l’égard de la diversité culturelle tendent non seulement à dissocier les deux problématiques, mais aussi à ignorer la seconde.

Dans la version finale du projet figurent deux allusions à la « diversité des médias ». L’une, au point 12 du préambule, rappelle que « la liberté de pensée, d’expression et d’information ainsi que la diversité des médias permettent l’épanouissement des expressions culturelles au sein des sociétés ». La seconde, à l’article 6, parmi les mesures à prendre, énumère au bas de la liste (point h) « celles qui visent à promouvoir la diversité des médias, y compris au moyen du service public de radiodiffusion ».

Ce que serait cette « diversité des médias », on ne le saura point. Pas la peine de chercher le mot « concentration », par exemple : le concept dérange. Crainte d’effrayer les Etats-Unis, qui contribuent à hauteur de 20 % au budget de l’Unesco et sont revenus y siéger en 2003, après l’avoir quittée en 1984 pour marquer leur désaccord avec les demandes du mouvement des pays non alignés en faveur d’un rééquilibrage des flux à travers un nouvel ordre mondial de l’information et de la communication (Nomic) ? Certes. Compartimentation des tâches entre divisions d’une grande machine bureaucratique ? Certes encore. Mais il y a plus.

L’institution internationale a créé sa propre légende noire sur cette période des années 1970, où le débat sur les politiques culturelles allait de pair avec celui sur les politiques de communication. La réflexion socio-économique sur les industries culturelles situait alors au rang de questions fondamentales les phénomènes de concentration économique et financière accentués par l’internationalisation (3). Les thèmes du « dialogue des cultures » et du « développement harmonieux dans la diversité et le respect réciproque » inspiraient les travaux de la Commission internationale pour l’étude des problèmes de communication, nommée par le directeur général de l’Unesco de l’époque, le Sénégalais Mohtar M’Bow, et présidée par l’Irlandais Sean MacBride, prix Nobel de la paix. Commission plurielle qui comportait des personnalités comme Hubert Beuve-Méry, fondateur du quotidien Le Monde, et le romancier Gabriel García Márquez. Premier document émanant d’une institution internationale sur l’inégalité des échanges culturels et informationnels, le rapport MacBride, entériné par la Conférence générale de l’Unesco de 1980, et publié sous le titre symbolique Voix multiples, un seul monde, montrait pourquoi il devenait urgent de penser le droit à la communication comme expression de nouveaux droits sociaux (4).
Mobilisation des réseaux

Si, malgré la sourde hostilité des Etats-Unis, la convention est approuvée, elle s’imposera comme une référence avec laquelle les intervenants privés et publics devront de toute façon composer. D’où la nécessité, pour de nouveaux acteurs, de se l’approprier : non seulement pour la mettre en œuvre, mais également pour en repousser les limites.

Au cours du processus d’élaboration du projet et, auparavant, de l’approbation de l’idée même d’un instrument juridique, et en de nombreux lieux de la planète, ces acteurs ont effectivement précédé la prise de conscience des responsables publics, qu’ils ont incités à prendre position. C’est une leçon majeure de l’intense mobilisation, au niveau national et international, des réseaux liés au mouvement social, comme du réseau des collectifs nationaux des organisations professionnelles de la culture.

Les premiers ont tissé un fil rouge entre les débats sur la convention et ceux qui se déroulent notamment au Sommet mondial sur la société de l’information, faisant converger vers le plaidoyer pour les « droits à la communication » les problématiques de la diversité culturelle et médiatique. Diversité des sources d’information, de la propriété des médias et des modes d’accès à ceux-ci, soutien au service public et aux médias libres et indépendants. Les seconds, forts de quelque trente collectifs nationaux bâtis en moins de quatre ans, ont montré que l’on pouvait conjuguer métiers de la culture et citoyenneté, sans s’enfermer dans la défense d’intérêts corporatistes.

Dans la déclaration finale d’une assemblée tenue à Madrid en mai 2005 à la veille de la dernière mise au point de l’avant-projet, ces réseaux ont appelé les Etats membres de l’Unesco à « résister aux pressions qui essaient de diluer le contenu de la convention » et à « celles qui cherchent à ajourner son adoption jusqu’à la Conférence générale de l’Unesco en 2007, ou même après, ce qui compromettrait de façon significative son impact ». Rien n’est encore joué. La balle est dans le camp des Etats.
Armand Mattelart.

Voir aussi :
-Un laboratoire dévitalisé, par Jean-Michel Djian



(1) Lire Bernard Cassen, « Une norme culturelle contre le droit du commerce ? », le Monde diplomatique, septembre 2003.

(2) Koïchiro Matsuura, directeur général de l’Unesco, « La diversité culturelle du monde », dans Déclaration universelle sur la diversité culturelle, Unesco, Paris, 2002.

(3) Lire à ce propos : Les Industries culturelles. Un enjeu pour la culture, Unesco, Paris, 1982 ; Les Industries culturelles, Unesco, division du développement culturel, Paris, 1980.

(4) MacBride (rapport), Voix multiples, un seul monde, Unesco - La Documentation française, Paris, 1980.

LE MONDE DIPLOMATIQUE | octobre 2005 | Pages 26 et 27
http://www.monde-diplomatique.fr/2005/10/MATTELART/12802
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https://vuesdumonde.forumactif.com/
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