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 Quand l'islam attend son Luther

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mihou
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mihou


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08052006
MessageQuand l'islam attend son Luther

Quand l'islam attend son Luther

Propos recueillis par Fabien Roland-Lévy

Malek Chebel, né en Algérie il y a cinquante ans, est une figure emblématique de l'intégration réussie par la voie de la méritocratie. Cet universitaire spécialiste des sciences humaines est l'auteur d'une vingtaine d'ouvrages, parmi lesquels le « Dictionnaire amoureux de l'islam » (Plon). Avec son « Manifeste pour un islam des Lumières » (Hachette Littératures) publié il y a un an, Malek Chebel jette les bases d'un projet de modernisation de l'islam. Pour Le Point, ce musulman partisan de la laïcité décortique les blocages de l'intégration à la française, dit tout le mal qu'il pense des positions de Nicolas Sarkozy sur l'islam de France, s'élève contre les systèmes de discrimination positive et s'oppose au prédicateur communautariste Tariq Ramadan en affirmant que la meilleure chance de l'islam est qu'il se développe au sein d'un espace laïque et républicain.

Le Point : Manifestement, l'islam est en crise, et cette crise devient un problème planétaire. Le moment n'est-il pas venu pour vous, les musulmans du cercle de la raison, de relever la tête ?

Malek Chebel : Nous, les musulmans du « cercle de la raison », comme vous dites, essayons de limiter un peu les dégâts, de montrer que la crise actuelle est une crise temporaire et que nous devons la dépasser. Il s'agit d'une des nombreuses répliques des grands bouleversements des siècles passés : le reflux des musulmans d'Andalousie, à partir de 1492, a été vécu comme un grand traumatisme que la communauté n'a pas surmonté ; de la même façon, il y a eu la fin de l'Empire ottoman, autrement dit, l'échec d'une conception de l'Histoire fondée sur le rapport de forces, le conflit, la violence ; puis le choc de la colonisation. L'intégrisme, la violence sont les répliques actuelles des grands séismes de l'histoire du monde arabo-musulman. Mais déjà un peu partout des musulmans réagissent, se livrent à de profondes remises en question, osent parler.

Vous êtes l'auteur d'un « Manifeste pour un islam des Lumières » (Hachette), vous tenez un discours positif, ouvert, pacifique, mais on ne vous entend pas beaucoup...

ll n'est pas facile de couvrir la voix des prédicateurs, plus aguerris dans le domaine de la propagande. Il est difficile de tenir des discours raisonnables face à la montée en puissance de l'intégrisme religieux et de la violence. A ce stade, l'islam n'a-t-il pas besoin d'un grand réformateur ?Un Luther, un Gandhi ou un Mandela ! Oui, bien sûr, mais un grand réformateur ne se décrète pas, il faut certaines conditions. Personne n'avait programmé Atatürk, pas plus que Nasser ou Bourguiba, ni tous ceux qui ont voulu faire bouger l'islam. C'est la situation qui fait le grand homme. Le Luther de l'islam viendra le jour où l'état d'esprit des musulmans et l'évolution de la pensée musulmane seront prêts. De plus, il viendra sûrement de l'intérieur.Que ce soit dans les rapports de l'Education nationale, de la Cour des comptes ou dans les médias, le bilan de l'intégration en France est jugé négatif. Faites-vous aussi partie des pessimistes ?Je suis au contraire plutôt optimiste. Il y a dans la société française des évolutions sociologiques intéressantes. On assiste à des phénomènes d'interpénétrations multiples et féconds dans différents secteurs, l'école, la formation, le maillage complexe entre les jeunes. Les mariages mixtes, de plus en plus nombreux, sont un symbole fort d'une volonté d'intégration.Vous, Malek Chebel, qu'est-ce qui vous a animé dans votre parcours ? Aviez-vous un rêve, un modèle ?Mon cas est un peu particulier. Je suis la somme d'un si grand nombre de traumatismes qu'il est inutile de revenir dessus ! Disons que lorsque les autres commençaient à zéro, moi je débutais à - 10. Orphelin à 2 ans, placé en institution à 9 ans, j'avais tout pour échouer. Et pourtant, depuis l'école primaire, dans mon Algérie natale, jusqu'à la faculté, les études ne m'ont apporté que des joies, parfois inespérées et presque indues. L'espace scolaire a toujours été mon terrain de jeux, mon lieu d'épanouissement... Chacun sa névrose, n'est-ce pas ?

Vous seriez donc un archétype de la réussite méritocratique ?

Oui, mais c'est un mérite paradoxal, donc inexplicable. De la chance, beaucoup de chance ? Quand je suis arrivé en France, en 1977, j'avais le choix entre trois bourses. J'ai choisi la plus dure. Plus tard, j'ai achevé ma thèse six mois avant la date de la soutenance, j'ai passé le reste du temps à voyager à travers l'Europe... souvent en stop.

Une vraie success story ! Si tout le monde était comme vous, il n'y aurait pas de problème d'intégration...

C'est l'école de Jules Ferry qu'il faut remercier. Et puis les fenêtres que nous proposent la République des lettres et tout le dispositif lié au savoir, l'école laïque, l'université, etc. A 28 ans, j'avais déjà une carte d'auteur aux Presses universitaires de France. Un jour, dans une file d'attente à la Bibliothèque nationale, un vieil homme me dit : « Monsieur, au commencement de votre carrière, vous possédez déjà ce sésame. Pour ma part, j'espère être publié aux PUF avant de mourir. »

Avez-vous le sentiment de représenter l'« élite beur » ?« Beur » ?

Je n'aime pas trop le mot. Si vraiment je fais partie d'une quelconque élite, je préférerais que ce soit l'élite ordinaire, si je puis m'exprimer ainsi, celle de mes confrères, dans ma discipline.

Les symboles les plus éclatants de cette élite beur sont Jamel Debbouze et Zinedine Zidane. Doit-on pour autant les citer comme modèles à des jeunes qui n'ont aucune chance de pouvoir suivre leur exemple ?.

Sans doute, mais Jamel, Zidane, Fellag, Rachid Taha, Mami ou Abdelatif Benazzi jouent un rôle important. Ils brisent un interdit très lourd, celui du succès. Ils sont la démonstration vivante que dans ce pays l'accès à la super-élite sportive, artistique ou intellectuelle est possible, y compris pour un jeune cumulant des handicaps au départ. Vertu de la méritocratie, peut-être ! Mais, pour parvenir au sommet, ces stars issues de l'immigration ont dû travailler dur, elles ont sûrement payé le prix. Maintenant, les cadets savent que c'est possible, à condition qu'ils s'en donnent les moyens

Et pourtant, beaucoup de jeunes continuent à ramer.

En effet, les gens d'origine arabe percent dans les secteurs où la performance individuelle est importante, mais pour entrer dans un système complexe, une institution, ou l'université, nous avons du mal. Le système a tendance à nous exclure, parce qu'il doit se protéger lui-même. Il faut réfléchir à ces inhibitions réciproques. Nous n'avons pas encore développé des réseaux de solidarité qui soient capables d'enrayer la machine à exclure. C'est le signe que, de ce point de vue, nous avons encore un long chemin à parcourir. Nous serons véritablement intégrés le jour où plus personne ne remarquera la réussite individuelle de chacun de nous. Mais c'est en cours...

La discrimination positive offre-t-elle une solution ?

Je suis contre la discrimination positive, car cela jette une suspicion sur les personnes que l'on distingue, et puis ce n'est pas républicain. Je préférerais un contrat national contre toutes les formes de discriminations économiques et non pas un saupoudrage subjectif à l'avantage de tel ou tel groupe. Les verrous invisibles se fichent comme d'une guigne des quotas. Il faut d'abord sensibiliser les gens et les informer. Après quoi, on investit sérieusement le terrain de la citoyenneté, en garantissant une équité absolue devant les protocoles d'embauche, face au savoir, face à la politique.

Vous-même, avez-vous été victime de discrimination ?

Oui, au début de ma carrière. J'étais confronté à l'hypocrisie du système de sélection, à l'ambiguïté des critères de choix. Comme par hasard, on vous demande toujours le truc que vous n'avez pas. J'étais une fois face à un jury : la première chose que l'on me demandait, c'était la nationalité. A l'époque, Lionel Jospin, qui était ministre de l'Education nationale, avait supprimé ce critère pour les postes de chercheur (par exemple au CNRS) ou de professeur d'université. Evidemment, je n'en veux à personne, mais cela a peut-être déterminé autrement ma carrière. Dans mon cas, ça m'a boosté littéralement. J'étais une curieuse machine qui transformait tout en positif, à commencer par les échecs.

On a l'impression que le monde musulman ne s'intéresse... qu'à l'islam. On ne vous entend pas sur des sujets concernant les sociétés modernes, par exemple l'homosexualité, l'euthanasie, la congélation du sperme...

L'homosexualité est condamnée par les textes, Coran et tradition postérieure, mais les homosexuels sont comme un poisson dans l'eau dans toutes les sociétés orientales. Avec l'ostracisme et l'homophobie qui, évidemment, touchent la plupart des minorités. La congélation du sperme comme l'euthanasie sont pour l'heure proscrites en ce qu'elles remettent en question la disponibilité totale que l'être humain doit manifester à l'égard de son Créateur. En clair, la vie comme la mort appartiendraient à Dieu, on n'aurait pas à s'en mêler.

On n'a pas entendu les musulmans lors du dernier raz de marée, en Asie du Sud-Est.

Sur le tsunami, vous avez raison. Et pourtant, il y a bien eu des quêtes dans les mosquées, d'autant que 80 % des régions sinistrées sont a priori « musulmanes ». J'exclus les touristes. Mais le scandale est ailleurs. C'est lorsque des imams ignorants disent que le tsunami symbolise la colère de Dieu contre le tourisme sexuel, que c'est une punition divine. C'est aberrant...

Les conflits liés au voile islamique semblent en recul. Est-ce l'effet de la nouvelle loi ? Cela signifie-t-il que la République laïque doit de temps à autre parler haut et clair pour rappeler la règle ?

A l'évidence, la loi a fait reculer les personnes hésitantes. Entre deux maux, elles ont préféré le moindre, c'est-à-dire accepter que leur fille aille à l'école plutôt que de s'enfoncer encore dans son ghetto. Au passage, je rends hommage à tous les musulmans qui ont privilégié le savoir, l'attitude républicaine et le pragmatisme à l'hystérie de la condamnation divine que certains mentors brandissaient haut et fort. Il n'était pas facile de garder la tête froide et tenir le cap lorsque les tenants d'un islam rigoriste voyaient en vous un éventuel ennemi de l'intérieur. A charge maintenant d'entendre cette demande de reconnaissance de la part des jeunes Français d'origine musulmane, ceux des banlieues bien sûr, mais également ceux des facultés, des bureaux et des entreprises.

Ce courant rigoriste est-il majoritaire dans la communauté musulmane ?

Il est largement minoritaire ! Mais, à cause de sa médiatisation, il est devenu artificiellement majoritaire. Le Conseil français du culte musulman (CFCM) y est aussi pour quelque chose. Certains de ceux qui y siègent développent des thèmes ultramoralisateurs, sans qu'ils soient eux-mêmes des modèles de vertu. Ce qui effraie la France profonde. Du reste, ces porte-parole autoproclamés ne pensent plus qu'à leur future réélection, et cela nuit beaucoup à l'image de l'islam. L'opportunisme politique ! Je prétends qu'il existe en France une force montante, nettement majoritaire, appelez-la moderne, républicaine, laïque ou citoyenne, qui est très attachée aux formes sécularisées du lien entre religion et politique et qui n'acceptera jamais que pour des raisons pseudo-divines l'on s'immisce dans ses affaires. C'est cette force que j'aimerais voir aux commandes du CFCM, car ce serait vraiment démocratique. Pourquoi n'existe-t-elle pas ? Peut-être n'avons-nous pas cherché dans la bonne direction...

Nicolas Sarkozy a écrit dans un livre (1) que les religions et l'islam en particulier sont indispensables pour donner un sens à la vie, qu'un idéal spirituel doit prendre le relais car « la République n'est pas une fin en soi ». Qu'en pensez-vous ?

J'ai surtout entendu dire qu'il préconisait la construction de mosquées. Or, sur ce point, il me semble que les musulmans ne sont pas demandeurs. Ce qu'ils souhaitent, c'est une reconnaissance de leurs droits, et d'un droit en particulier, celui de pratiquer librement leur religion. L'argent, ils se chargeront de le trouver. Pour le reste, je trouve que les principes généraux de la République doivent s'appliquer à l'islam. Ni plus ni moins. Les musulmans doivent regarder par deux fois les promesses qu'on leur fait, surtout celles qui ne sont pas méritées. C'est toujours un piège d'accepter des cadeaux lorsqu'on n'a pas la possibilité de rendre la pareille. J'attends d'un responsable politique qu'il me parle davantage du projet républicain et non pas qu'il se substitue aux imams. C'est un musulman qui vous le dit : il est dangereux de donner l'opportunité aux imams de remplacer les parlementaires et les hommes politiques. Se développer dans un espace laïque et républicain, c'est une chance pour l'islam. Et les musulmans le savent parfaitement.

Partisan d'un islam communautaire, Tariq Ramadan s'exprimait récemment dans ces colonnes. Que lui répondez-vous ?

Je dis que les musulmans doivent combattre les idées de ceux qui les prennent en otages. Aucun messie, aucun prophète, aucun leader charismatique ne saura remplacer le travail personnel que chaque musulman doit consentir pour assurer son intégration.

L'objectif de ceux qui, s'abritant derrière un postulat divin, visent à imposer l'islam à toute la planète ne fait que nous exposer davantage. Avec eux, on va vers le mur. Les êtres humains doivent se gouverner par des lois qu'ils ont créées eux-mêmes et non par des lois tirées de la Bible ou du Coran.

Pourquoi Tariq Ramadan a-t-il une telle audience auprès des musulmans ?

Beaucoup de musulmans de la base - j'en ai entendu plusieurs - ont l'impression que, parmi les porte-flambeaux musulmans actuels, Tariq Ramadan est celui qui les défend le mieux vis-à-vis du monstre froid et hostile, ou supposé tel, qu'est à leurs yeux le « lobby judéo-chrétien ». Beaucoup admirent Ramadan parce qu'ils estiment qu'il a osé toucher à un tabou : la place des juifs dans l'espace public français. A leurs yeux, nous ne sommes pas assez percutants, car nous militons pour le dialogue et nous ne voyons pas le danger juif ! Comment expliquer à cette partie immergée de la communauté qu'elle est justement stigmatisée chaque fois qu'elle révèle ses accointances avec des idéologies qui ne préconisent pas une bonne intelligence avec le voisin, une modernité des formes de gouvernance - et donc de cohabitation pacifique - et un respect absolu des règles communes ?
Repères

Malek Chebel est né en 1953 à Skikda (Algérie). Marié, trois enfants. A exercé dans plusieurs universités, dont Paris-IV Sorbonne, Marrakech, Tunis, Berkeley et Stanford, à San Francisco, à l'Ucla et à la Rockefeller University, à Chicago et à la faculté Saint-Louis de Bruxelles. Il a été membre du groupe des sages de la Commission européenne. A préfacé le Coran, traduction d'Edouard Montet (Payot Poche, 2001), et publié de nombreux ouvrages, dont : « Le corps en islam » (PUF, 1984), « L'esprit de sérail. Mythes et pratiques sexuels au Maghreb » (Payot Poche, 1995), « Encyclopédie de l'amour en islam » (Payot, 1995), « Manifeste pour un islam des Lumières ; 27 propositions pour réformer l'islam » (Hachette Littératures)
* Anthropologue, écrivain, spécialiste du monde arabe et de l'islam 1. « La République, les religions, l'espérance », aux éditions du Cerf.

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