Jésus contre Mahomet, la grande confrontation ?
Jésus contre Mahomet ? Parle-t-on là du même sujet ? A l'aune de l'histoire des hommes, le christianisme tient une place à part, et essentielle : il nous a fait passer de l'archaïsme à la modernité, en nous aidant à canaliser la violence autrement que par la mort. Que se passait-il en effet avant que la croix ne s'installe au coeur de notre univers ?
Pour limiter la violence, les sociétés archaïques la concentraient sur des victimes, hommes ou bêtes, qu'elles sacrifiaient. De là le bouc émissaire et le meurtre rituel. Mais aussi la sanctification du héros. Le sacrifice était vécu comme une intervention surnaturelle, la violence unanime du groupe se transfigurait alors en épiphanie. C'était le coeur du religieux, un progrès pour l'humanité, même s'il n'était qu'un pis-aller puisqu'il obligeait à tuer des innocents.
En faisant d'un supplicié son Dieu, le christianisme va dénoncer le caractère inacceptable du sacrifice. Le Christ, fils de Dieu, innocent par essence, n'a-t-il pas dit - avec les prophètes juifs : « Je veux la miséricorde et non le sacrifice » ? En échange, il a promis le royaume de Dieu qui doit inaugurer l'ère de la réconciliation et la fin de la violence. La Passion inaugure ainsi un ordre inédit qui fonde les droits de l'homme, absolument inaliénables. Et l'islam ? Il ne supporte pas l'idée d'un Dieu crucifié, et donc le sacrifice ultime. Il prône la violence au nom de la guerre sainte et certains de ses fidèles recherchent le martyre en son nom. Archaïque ? Peut-être, mais l'est-il plus que notre société moderne hostile aux rites et de plus en plus soumise à la violence ? Jésus a-t-il échoué ? L'humanité a conservé de nombreux mécanismes sacrificiels. Il lui faut toujours tuer pour fonder, détruire pour créer, ce qui explique pour une part les génocides, les goulags et les holocaustes, le recours à l'arme nucléaire, et aujourd'hui le terrorisme René Girard*