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 Interview:Marek Halter« On ne naît pas juif, on le devient »

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mihou
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mihou


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Interview:Marek Halter« On ne naît pas juif, on le devient » Empty
06052006
MessageInterview:Marek Halter« On ne naît pas juif, on le devient »

Interview : Marek Halter
« On ne naît pas juif, on le devient »
http://www.lepoint.fr/dossiers_societe/document.html?did=59451
Entretien avec Marek Halter, l'écrivain français d'origine polonaise qui publie, aux éditions Robert Laffont, son dernier livre « Le judaïsme raconté à mes filleuls ».

Luc Ferry avec Danièle Kriegel

Le Point : L'un des principaux thèmes de votre livre, c'est que la judaïté n'est pas un destin mais un choix. Cela va sûrement choquer bien du monde, à commencer par tous ceux qui pensent que la judaïté est avant tout affaire de filiation par le sang et d'héritage traditionnel, notamment religieux...

Marek Halter : Disons d'abord que beaucoup de juifs sont restés juifs parce qu'il ne voulaient pas, comme Bergson, par exemple, abandonner leur communauté au moment où elle était menacée. Je le comprends, bien sûr, mais je rejette pourtant ce mode d'appartenance purement négatif, parce que lié seulement à l'antisémitisme. La haine que les nazis éprouvaient pour moi est leur problème, à la limite ce n'est en aucun cas le mien, sinon indirectement bien sûr... D'autre part, je ne suis pas religieux, je suis un laïque, et ce n'est donc pas le fait d'avoir maintenu les rites de mes ancêtres qui m'a préservé en tant que juif. Mon identité profonde ne tient en ce sens ni aux persécutions ni à une foi commune...

Le Point : Alors, qu'en diriez-vous ?

M. Halter : En un sens, sans doute, on naît juif. C'est évidemment, dans un premier temps, un héritage qu'on ne peut nier, même si on le voulait. Mon ami Jean-Marie Lustiger lui-même ne peut faire abstraction du fait que ses parents étaient juifs, que ses grands- parents étaient juifs et que sa mère est morte à Auschwitz, c'est clair ! On fait avec. Mais, tout en sachant cela, il peut expliquer comment il a rejoint ceux qui croient au Christ, comment il a conservé cette liberté fondamentale de choisir, sans renier. Avant d'arriver en France, j'étais juif de naissance, puis, à un moment donné, j'ai choisi, et j'ai mis presque quarante ans à expliciter ce choix.

Le Point : Avant d'en venir aux motifs de ce choix, pouvez-vous nous dire encore un mot sur le sort que vous réservez, dans ces conditions, aux représentations habituelles du judaïsme, comme l'effet d'une filiation par le sang, par les mères, représentation que vient toujours renforcer la prohibition des mariages mixtes ?

M. Halter : Après le premier exil, au VIe siècle avant notre ère, lorsque Ezra rentre enfin en Israël, il voit la plupart des juifs mariés à des femmes étrangères et il leur demande de les quitter, non parce qu'elles sont étrangères, mais parce qu'elles professent des religions idolâtres. Cela possède à l'époque une certaine vérité. Ce n'est pas le « sang étranger » qui le gêne (sinon il aurait refusé aussi les convertis), mais les dieux étrangers, les idoles. Disons-le clairement : aujourd'hui, ce réquisit est absurde, vraiment absurde. Il y a des juifs noirs, ceux d'Ethiopie, chinois, indiens, etc., qui n'ont pas une goutte de sang en commun. Sans compter les convertis ! Les juifs ne sont ni une race ni même seulement une religion, mais un groupe de gens qui ont entretenu depuis des siècles une certaine tradition, une relation spécifique au langage et à l'histoire que l'on peut aujourd'hui choisir de faire sienne... ou non.

Le Point : Alors, justement, vous évoquez dans votre livre trois figures, trois personnages, ceux d'Abraham, de Moïse et d'Ezra, qui incarnent les piliers intellectuels et culturels du judaïsme tel, du moins, que vous l'avez choisi. Que se passe-t-il avec eux, à quoi vous êtes si intimement attaché ?

M. Halter : Abraham nous apporte quelque chose d'absolument essentiel : l'idée que le mal ne nous advient pas de l'extérieur, mais qu'il est en nous et vient de nous. Toutes les civilisations antérieures pensaient que les maux venaient du dehors et qu'il fallait donc une pluralité de dieux pour nous protéger de la pluie, du feu, de l'orage, des bêtes sauvages, des autres hommes, etc. Au contraire, Abraham découvre, un peu comme Pasteur, le « virus de l'humanité » et son remède, ce que le Talmud résume d'une formule magnifique : « Dieu créa le Mal et son antidote, la Loi » : tu ne tueras pas, tu respecteras, tu ne convoiteras pas, etc. Aujourd'hui, Abraham aurait reçu le prix Nobel pour cette découverte !

Le Point : Et c'est cela qui explique la critique de l'idolâtrie...

M. Halter : Oui, et c'est aussi capital. Abraham vit dans le pays d'Ur et il appartient à la grande civilisation sumérienne, celle qui a inventé l'écriture cunéiforme. Son père était un marchand d'idoles, de statuettes en terre, qu'il vendait justement pour chaque maladie, chaque problème. C'est l'extériorité du mal. Or Abraham comprend que tous les clients qui viennent acheter ces statuettes portent en vérité le mal en eux, et que seul un dieu invisible et unique peut aider à lutter contre l'intériorité du mal. Dieu s'adresse à Abraham et lui dit de détruire les idoles. Il rentre chez son père, casse toutes les statuettes... et rien ne se passe ! C'est l'origine de la première Alliance, d'un contrat passé avec Dieu où l'homme n'est plus un sujet soumis, mais presque un égal de Dieu : on ne passe pas un contrat avec un esclave ou un sous-fifre ! Où l'on voit que l'invention du monothéisme est aussi une émancipation des hommes.

Le Point : C'est le sens que vous donnez au fameux épisode de la destruction de Sodome et Gomorrhe...

M. Halter : Oui. Dieu a décidé de détruire ces deux villes, parce que leurs habitants sont devenus méchants et corrompus. Mais Abraham l'interpelle et discute avec lui. Comme un égal ! Il lui fait valoir qu'on ne peut anéantir les justes avec les méchants, même s'il n'y en a qu'une poignée. Et Dieu obtempère. Il se rend aux raisons d'Abraham. Cela signifie non seulement que l'homme est libre, égal à Dieu, mais aussi et surtout que Dieu lui-même est soumis à la loi, à la justice, au même titre que les simples humains. Voilà peut-être ce que j'aime le plus dans le judaïsme.

Le Point : Et Moïse ?

M. Halter : Avec Moïse, on entre vraiment dans l'histoire des simples mortels. Moïse est entièrement humain, il n'est pas au-dessus de l'humanité. Ce juif éduqué à la cour du pharaon découvre le pouvoir du verbe. Vous avez vu le fameux film « Les dix commandements ». On se demande toujours en le voyant : mais si Moïse a l'appui de Dieu, s'il dispose de cette « bombe atomique », pourquoi éprouve-t-il le besoin de discuter avec le pharaon ? Parce qu'il a la conviction qu'il faut parler avec son ennemi, que le verbe est plus fort que la bombe atomique. C'est en parlant qu'il libère les juifs. Moïse n'apporte pas seulement les dix commandements. Il place les hommes dans l'Histoire, avec un passé, un présent et un avenir, mais il donne un sens à cette histoire : elle doit être une histoire de la liberté. Et c'est pourquoi aussi il faut des règles, des lois, afin que l'homme devienne vraiment libre. Contrairement à ce que pensent souvent les chrétiens aujourd'hui, le fameux impératif « tu aimeras ton prochain comme toi-même » se trouve déjà dans l'Ancien Testament, dans le Lévitique (1500 avant Jésus-Christ). Mais ce n'est pas l'essentiel, car la loi et la justice sont au-dessus de l'amour. « Tu respecteras tes parents », donc, avant même de les aimer... Le respect est plus juste et plus égalitaire : on doit respecter le pauvre comme le riche, le laid comme le beau, le petit comme le grand... S'il s'agissait seulement d'amour, ce serait une autre affaire...

Le Point : Vous évoquez, pour compléter le tableau, une troisième grande figure, celle d'Ezra.

M. Halter : Nous sommes après le premier exil, après la première destruction du temple de Jérusalem par Nabuchodonosor, au VIe siècle avant notre ère. Une grande partie des juifs ont été déplacés de force en Babylonie. Mais cette dernière est à son tour vaincue par une nouvelle puissance, la Perse, et Ezra est chargé d'organiser et de conduire le retour. Ce qu'il symbolise est crucial. Il répond à la question : comment et pourquoi les juifs ont-ils pu survivre dans l'exil, en l'absence de leur terre et de leur temple, alors que les autres peuples privés de leur indépendance et de leurs temples disparaissent ? Eh bien, s'ils ont survécu comme juifs, c'est qu'ils sont enracinés dans les textes, dans les mots, pas dans la terre ou dans les pierres.

Ezra constate d'ailleurs que les juifs qui sont restés à Jérusalem vivent dans un état de déréliction beaucoup plus grand que ceux de l'exil. Oui, bien sûr, il faut aussi avoir une terre, mais l'enracinement dans le verbe est beaucoup plus profond et plus puissant. Comme Chateaubriand l'avait parfaitement vu, le judaïsme est la première culture, au sens propre, abstraite, indépendante des enracinements matériels. « Les Perses, les Grecs et les Romains », dit-il, « ont disparu de la terre, et un petit peuple dont l'origine précéda celle de ces grands peuples existe encore » grâce à un « livre mystérieux » donné à lire à des enfants « qui, à leur tour, le feront lire à leurs enfants : désormais, ce furent les livres sacrés et leur étude qui empêchèrent ce peuple dispersé de se désagréger ». On ne saurait mieux dire, et c'est Ezra qui le premier impose l'obligation d'une lecture commune des textes !

Le Point : Le judaïsme, pour vous, c'est donc cet édifice invisible, c'est une appartenance intellectuelle, cultuelle, nullement ethnique ou matérielle. Pourtant, l'idée que la judaïté relèverait d'un pur choix, d'une décision d'adopter certaines valeurs, se heurte à une objection : on peut partager ces valeurs, se reconnaître dans une culture ou une histoire... sans être juif pour autant, non ? Quelqu'un qui n'est pas né juif peut-il le devenir, hors, bien sûr, la conversion religieuse ?

M. Halter : On peut bien sûr devenir juif par conversion religieuse, comme Ruth le fit par amour pour Booz, si vous vous souvenez du fameux poème de Hugo. C'est un bel exemple de couple mixte... Mais, pour moi qui ne suis pas religieux, je n'ai rien contre l'idée que quelqu'un qui n'est pas juif de naissance devienne juif par conviction, par choix, et qu'il se dise juif. Il faut seulement savoir que dans ce cas il devra accepter aussi les risques que cela comporte. Ce n'est pas pain blanc tous les jours. Il faut savoir que la haine existe encore, que, même s'il s'exprime beaucoup moins aujourd'hui, l'antisémitisme continue d'exister. Mais, cela dit, c'est parfaitement possible et c'est la possibilité de ce choix d'un cosmos d'idées et de valeurs universelles qui est fascinante dans le judaïsme.

Israël : une citoyenneté très surveillée

Vivant en Israël depuis quatorze ans, le docteur Christian Machia, qui n'est pas juif, mais dont l'épouse l'est, aurait pu devenir israélien depuis longtemps. Il a préféré, toutes ces années, se contenter d'un statut de résident. Et quand il a demandé, il y a un an et demi, la nationalité israélienne, il l'a obtenue sans difficulté, en deux mois.
Un itinéraire non classique mais qui éclaire assez bien les dispositions de la législation israélienne sur la nationalité. Celle-ci prévoit une acquisition automatique pour tout nouvel immigrant juif en vertu de la loi du retour. Pour les non-juifs, la naturalisation s'applique à des personnes majeures remplissant certaines conditions (résider continûment depuis trois ans en Israël, avoir le statut de résident permanent, posséder une certaine connaissance de l'hébreu, une disposition dont les candidats arabes à la naturalisation sont dispensés).
Sauf que la réalité est moins simple, le législateur ayant octroyé au ministre de l'Intérieur un pouvoir discrétionnaire total pour accorder et surtout refuser la nationalité à un requérant, même s'il remplit toutes les conditions nécessaires.
Or, jusqu'aux dernières élections, l'Intérieur était aux mains de Shass, le parti ultraorthodoxe séfarade, très pointilleux sur le caractère juif de l'Etat d'Israël. Certains en ont fait la triste expérience, tels des immigrants de l'ex-URSS non juifs ou des travailleurs étrangers. Mais aussi l'épouse non juive d'un officier de carrière israélien. Alors qu'elle était enceinte, le ministère a voulu l'expulser jusqu'à l'examen complet de son cas. Il aura fallu l'intervention de députés pour qu'elle obtienne un délai de grâce... de six mois ! « Notre seul but est d'empêcher la naturalisation illégale des travailleurs étrangers et des délinquants, via les mariages fictifs... », rétorquent les responsables ministériels.
Il fallait au moins neuf ans pour obtenir sa naturalisation... quand on l'obtenait. Dans cette période d'attente, les conjoints non juifs n'avaient droit qu'à un visa de tourisme, sans carte d'identité ni accès à l'assurance maladie, et à un permis de travail de vingt-sept mois, lequel n'était souvent pas reconduit, ce qui entraînait l'expulsion du pays.
Aujourd'hui, les choses s'arrangent avec l'arrivée à la tête du ministère de l'Intérieur du célèbre refuznik Nathan Charansky, qui a déjà décidé de faciliter considérablement le processus de naturalisation. Danièle Kriegel (à Jérusalem)

© le point 08/10/99 - N°1412 - Page 96 - 2135 mots
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